La dégustation de thé n'est pas qu'un plaisir de l'instant présent. Elle se construit par une préparation en amont, dans le passé proche pour choisir ses accessoires, arranger son Chaxi et faire bouillir son eau. On peut même remonter plus loin en arrière, puisque chaque thé construit progressivement notre expérience et améliore (si tout va bien) notre technique. Et ce plaisir se projette aussi dans un futur proche. Le but d'une coupe de thé réussie est d'arriver à créer une sensation de bien-être en bouche pendant de nombreuses minutes (parfois plus d'une heure!) Les sensations du moment présent nous donnent des informations sur comment préparer la prochaine infusion.
Mais quoiqu'il en soit, ce plaisir n'est pas vraiment durable et nécessite d'être continuellement renouvellé. Chaque dégustation peut donc nous faire prendre conscience du temps et du côté éphémère de ce plaisir. Quand on boit des thés âgés de nombreuses années, on est encore plus sensible à ces notions de durée.
Les lettrés chinois connaissaient les mêmes interrogations. En peinture, l'une de leur plante favorite est le bananier (bajiao et sa fleur). C'est une plante de grande taille, belle et imposante. Mais elle n'est pas durable et son intérieur est creux. C'est cette dimension symbolique que les mandarins appréciaient comme un avertissement: cette plante représente leur situation lorsqu'ils sont en position officielle (nommés par l'empereur). Leur magnificence, leur pouvoir sont souvent acquis aux prix de sacrifices (amers) et ils perdent tout cela dès qu'ils quittent leur poste. (Cette symbolique est bien représentée sur cette peinture, je trouve).
Voici les feuilles ouvertes de 4 Oolongs que j'ai pu déguster sur quelques jours récemment:
- En haut à droite: le Hung Shui Oolong de Yong Lung de l'hiver 2013,
- En bas à droite: un Yan Cha de Wuyi du printemps 2014,
- En bas à gauche: le Hung Shui Oolong de Shan Hsia de 1990 (25 ans),
- En haut à gauche: un Yan Cha de Wuyi de 50 ans.
On constate bien une altération dans la fraicheur des couleurs des feuilles. Mais même les plus vieilles ne sont pas complètement noires et ont encore des reflets verts. Et elles s'ouvrent toutes bien. La qualité de tous ces thés est leur longueur en bouche et l'impression de vivacité du goût. Même le plus ancien n'apparait pas vieux, faiblard ou insipide. Au contraire, son chaqi est le plus pur et celui qui causa le plus de salivation en bouche! Ces feuilles sont clairement bonifiées par le temps et leur conservation.
Notons que ces 2 vieux Oolongs furent conservés dans des boites en étain. C'était un matériau apprécié par les buveurs de gongfu cha au Chaoshan, car il a pour propriété de se modifier progressivement avec le temps (tout comme la glaise zisha) et de devenir de plus en plus complexe et beau.
La dégustation de vieux Oolongs classiques éclaire quant aux qualités que doivent posséder des feuilles nouvelles pour pouvoir devenir elles aussi des thés intemporels. C'est la qualité qui permet cette longévité. L'équilibre entre torréfaction et fraicheur. Et la force d'un terroir de caractère, d'un style.
Pour obtenir une bonne perspective, il faut de la hauteur et du recul.
Thursday, January 29, 2015
Saturday, January 24, 2015
What is Hung Shui Oolong?
Hung Shui Oolong from Yong Lung village, Dong Ding area |
Hung Shui (red water) Oolong is the technical name for Oolongs that have been made like traditional Dong Ding Oolong. That process includes an oxidation that is higher than for high mountain Oolong and that gives fruity rather than flowery scents. It's also a process that requires a medium to strong roast that adds honey, nutty aromas and a long, powerful aftertaste. It is traditionally made with the qingxin Oolong cultivar, but this process can be made with any cultivar.
Why use the name Hung Shui Oolong?
To understand this, we have to go back to the early 1980s, when Dong Ding Oolong was most popular in Taiwan and famous around the world. The Dong Ding area is actually quite small and includes the Yong Lung village, the Feng Huang village and the Dong Ding village. Only tea from this small area should be called Dong Ding Oolong. But its success meant that other villages in Central Taiwan were also producing similar tea, using the same cultivar (qingxin) and the same oxidation and roasting levels. And they would also sell their teas under the general name of Dong Ding Oolong. So, Dong Ding Oolong started to loose its original meaning, a tea that comes from the Dong Ding area. That's why the name Hung Shui Oolong was coined to characterize any Oolong that has been processed like a traditional Dong Ding Oolong, but that doesn't necessarily come from Dong Ding.
In the 1990s, as fresh, unroasted high mountain Oolong became more popular, some farmers stopped roasting a growing portion of their Dong Ding Oolongs. Even Dong Ding Oolong was not necessarily Hung Shui Oolong anymore!
The Dong Ding competition organized by the Lugu Farmer's association has helped to preserve the taste and technique of Hung Shui Oolong. But it has also contributed to the confusion over the name Dong Ding. This competition allows farmers from all over Taiwan to compete. Some will even submit Oolongs grown in Thailand or China! (This also explains why around 25% of the submitted lots are rejected because they are too far away from the judges' standard.) And recent winners will proudly say that their Dong Ding competition winning Oolong was grown at high altitude, in Shan Lin Xi, Tsui Feng or even Lishan!
Conclusion: The name Dong Ding Oolong still evokes a glorious past, but it would be more accurate to say Hung Shui Oolong from X or Y, when naming an Oolong with a fruity oxidation and a skilled roast that adds sweetness and depth while preserving the freshness of the aromas. This is the case with this 'strong' Hung Shui Oolong from Yong Lung from the winter 2013. And since it comes from the original Dong Ding area, this particular Hung Shui Oolong can also be accurately described as an authentic Dong Ding Oolong!
Thursday, January 22, 2015
Fly away with tea
Each tea session is an opportunity to escape your daily occupation and routines. Ancient Chinese scholars and officials already enjoyed their tea with a very poetic spirit and lots of symbolism in the accessories they chose. For instance, bamboo stood for the strength to bend but not break under the pressures of life. A pine tree was for eternal friendship, because its leaves always remain green...
It's in this symbolic and poetic mood that I'm enjoying my 2014 Oriental Beauty from Hsin Chu. With its warm summer aromas, I hope to escape from the cold feeling of winter.
Considering its high oxidation and low roasting level, I choose a porcelain teapot to emphasize its fragrances.
On the top of this Chabu, we can see eagles flying in the sky. This powerful bird inspires altitude and decisiveness. Taking a short break isn't being idle. It's stepping back to obtain a higher view of what we're doing. What is important and what not? And then act accordingly.
There's also a small bird on the pewter caddy! This one seems more playful. I feel free (like a bird).
On the copper Chatuo, we see the Chinese mandarins' favorite bird: the elegant and long crane.
This chatuo hold my 'dragon' cup, another flying animal with magic powers!
Lush vegetation is also present with this celadon bowl and its light incised decoration.
As I finish my tea session, I start to eat a couple of French macarons, flown directly from Paris! Tea friends surprised me with these delicious, sweet gifts (merci beaucoup!)
Their refined aromas provide a new escape to the realm of Western pastries, where Oriental Beauty is such a natural partner.
Fly high and away with great tea!
Tuesday, January 20, 2015
3 new postcard gifts
I'm very happy to have printed 3 new postcards from last year's pictures. They look even better in reality and this year the printer had a thicker paper available that makes them even stronger to the touch. If you already have my postcards from previous years, then you'll start receiving these cards as gifts with your orders from now on. If you're a new customer on my tea boutique, then you'll first receive these and then those.
Monday, January 19, 2015
Etain chéri destiné au thé, par Teaparker
Le nouveau livre de Chi Jung Sien (Teaparker, mon maitre de thé) est sorti. Celui-ci traite des accessoires en étain utilisés dans la préparation du thé.
1. Qu'est-ce qui fait la beauté de ces accessoires en étain?
2. L'évolution des prix aux enchères des pièces de vieux maitres,
3. Utiliser une jarre en étain,
4. Le centrage d'une coupe sur un cha tuo,
5. Les théières à 3 matériaux (zisha, jade et étain),
6. Le bol à eaux usées en étain,
7. Le plateau en étain,
8. Les vieilles firmes,
9. Le commerce Asie-Occident des objets à thé en étain.
De nos jours, la plupart de ces accessoires sont produits au Japon, pour le Sencha Dao. Leur origine est chinoise et remonte à la fin de la dynastie Ming et au début de le dynastie Qing (c'est à dire dans les 1600s). Ces accessoires furent notamment utilisés dans le set de Gongfu cha de Chaozhou. Et c'est cette tradition qui a inspiré le Sencha Dao. Cela explique pourquoi on ne trouve pas d'objets en étain dans la préparation du matcha au Japon, puisque cette tradition de thé d'origine chinoise (dynastie Sung, 960-1279), est antérieure à l'usage de l'étain dans le thé.
Le livre contient de très belles images et on y retrouve même quelques uns de mes Chaxi!! Lors de notre dernier cours, Teaparker a partagé un thé vert Longjing des années 1980s qu'il a conservé dans une jarre en étain pour nous montrer l'impact de l'étain sur le thé. Très peu de feuilles infusées dans une vieille théière zisha nous ont donné ce résultat:
Malgré ses 30 ans, l'odeur de Longjing est encore présente et discernable, de même qu'un certain sentiment de fraicheur. Mais le thé est devenu plus puissant et pur (puisque moins de feuilles donnèrent une couleur plus foncée). Ce n'était plus du thé, mais un nectar de thé très, très fin. Etonnant!
Friday, January 16, 2015
Winter Da Yu Ling
Cultivar: Qingxin Oolong
Origin: Da Yu Ling (2200 m)
Harvested by hand on October 7th, 2014.
Process: low oxidized, rolled, not roasted Oolong.
Few leaves. Brewed with filtered water, heated in a silver kettle and poured into a gold plated silver teapot. The cups are my light celadon singing cups and the green flowery Chabu is a recent creation.
A great high mountain necessarily has a sunshine feeling. In winter the sun feels light and sweet. It almost has a magical healing power to bring back positive energies. Harvested closer to the sun than other Oolongs, Da Yu Ling leaves contain the most refined aromas. That's why they are so sought after. Therefore, the goal is to enjoy their finesse and the power within this finesse. It's for this purpose that I selected my special teapot.
Drinking a long and light brew of Da Yu Ling feels like listening sacred music in an old European church. Every sound, even the faintest, is magnified by the stone walls and seems to rise upwards to heavens. If this tea were brewed too strongly, it would feel like a rock concert when you can hardly here yourself talk anymore.
The long and light brew lets all the nuances come to light. It's so pure, fresh and smooth.
Like winter sunshine, it brings a lasting sense of sweetness. The warmth of the brew gradually turns fresh, reflecting its high altitude provenance. The aftertaste is playful and can be felt not just in the mouth or nose, but in the whole body.
It resonates in the body, like sacred music in old churches resonates with the spirit.
Pure as gold.
Announcements:
1. I've launched my winter specials with reductions ranging from 10% to 25%.
2. The new tea gift is a 25 gr pack of 'subtropical forest' Baozhong of Spring 2014! You receive it for any order above 60 USD, excluding shipping.
Thursday, January 15, 2015
La méthode des Infusions flash
Le principe de cette méthode est d'utiliser beaucoup de feuilles d'Oolong, vraiment très beaucoup. Ici, j'ai choisi mon Hung Shui Oolong 'fort' de Yong Lung de l'hiver 2013. Auparavant, pour le tester, j'en avais utilisé très peu, 3 grammes, comme on peut le voir dans cet article.
Cette méthode est historiquement liée aux Oolongs torréfiés de WuYi, puis de Dong Ding. C'est la méthode qu'on continue de trouver dans le sud de Taiwan, chez de nombreux fermiers et chez les buveurs plus anciens. Ce n'est pas une simple couche qu'on met dans la théière, mais deux ou trois. La petite théière est remplie environ au tiers de feuilles d'Oolong roulé (après préchauffage de la théière).
- bon préchauffage de la théière,
- l'eau doit impérativement être bien bouillante,
- on verse l'eau bouillante avec une certaine force et rapidité, mais toujours avec contrôle, au milieu des feuilles. Le but est que l'eau entre en contact rapidement, de manière concomitante avec toutes les feuilles afin qu'elle s'ouvrent en même temps et diffusent les mêmes arômes.
- on attend quelques instants pour la première infusion, le temps que les feuilles s'ouvrent, mais pas trop longtemps pour que le thé ne soit pas trop fort,
- pour les infusions suivantes, on verse vite et on vide vite la théière, pratiquement immédiatement, car le thé est vite très concentré. Ce sont les infusions flash!
- on rallonge le temps d'infusion dès que l'on sent que l'intensité du goût devient insuffisante. C'est là qu'on commencera à verser de l'eau bouillante sur le couvercle de la théière durant l'infusion afin d'augmenter la température et tirer plus d'arômes des feuilles.
On sait qu'on a mis assez de feuilles (pour cette méthode) si certaines sortent d'elles-mêmes de la théière et que le couvercle a du mal à être refermé!
Cette méthode d'infusion n'est pas celle que je pratique d'habitude. Econome avec mes feuilles les plus précieuses, j'infuse avec moins et plus longtemps. Mais c'est un style qu'il faut connaitre et qui donne un goût nouveau et intense à son thé.
Voici ses avantages:
- les premières infusions sont un coup de fouet en terme de théine (caféine). Excellent pour se réveiller, mais attention à la nuit blanche si on boit trop tard dans la journée!
- cela permet de redécouvrir et d'améliorer des thés médiocres dont a du mal à finir le stock: comme l'amertume et les arômes lourds sortent lentement, on peut déguster ce qui est bon dans ces thés lors des premières infusions,
- si on est pressé ou assoiffé, cette méthode permet de se faire rapidement du thé.
- dans le cadre d'une association thé et mets, un thé concentré et fort tiendra mieux la tête aux saveurs souvent dominantes du plat.
- quand on est dans un cadre qui ne permet pas tellement la concentration sur le thé, on le fait plus fort (principe que j'avais déjà expliqué pour le thé à la plage ou en extérieur).
- cette méthode permet aussi de crâner sur les 15 à 30 ou plus infusions qu'on aura fait avec les mêmes feuilles! Et c'est bon pour l'hydratation et le transit!
Chacun a ses préférences en terme de concentration et de force du thé. C'est en essayant différentes méthodes qu'on finit par trouver celle qu'on aime le mieux. Et on peut aussi adapter sa façon d'infuser au thé et aux circonstances. C'est dans la variété des méthodes et de notre choix de la plus appropriée qu'on trouve toujours matière à se perfectionner. A chaque instant, à chaque profil de thé et à chaque personne correspond un idéal différent. Ce qui ne change pas, c'est cette recherche de l'harmonie entre les feuilles et l'eau.
Friday, January 09, 2015
Jinxuan Dongpian
Cultivar: Jinxuan Oolong (aka milky Oolong)
Origin: Zhushan, Nantou county, Taiwan
Harvested by hand on December 28th, 2014.
Process: Light oxidation, rolled and no roast.
Dong Pian means winter petal and is the name for late winter harvested Oolong in Taiwan. The tea trees should be resting during the cold season, but they are sometimes awakened by good, spring like weather. Then, for a short period of time they produce tea leaves under very peculiar circumstances: there's very little sunshine time and nights are very cool. These conditions are similar to high mountain weather.
I brew this fresh Dong Pian in my porcelain gaiwan in order to preserve its fine and fresh flower fragrances. The milky scent is very light and very different from the artificially scented versions.
The taste is fresh and sweet. The aftertaste of this lot has a nice energy that I didn't get with the other samples I tried. It feels like a ray of sunshine through the dark. This is the finest and freshest version of Jinxuan Oolong from Zhushan!
This new green Chabu with flowers on the side is a beautiful match with this tea.
Winter petals.
Thursday, January 08, 2015
Da Yu Ling d'hiver 2014
Cultivar: Qingxin Oolong
Origine: Da Yu Ling (2200 m)
Récolté à la main le 7 octobre 2014
Processus: Oxydation légère, roulé, non torréfié.
1. Vue
Les feuilles sont d'un vert frais éclatant. L'infusion est limpide, claire et brille en oscillant entre le vert et le jaune vif.
Ouvertes, les grandes feuilles ont des traces de morsures d'insectes.
2. Odeurs
Les feuilles sèches sentent comme un parfum vétiver frais! Les odeurs sont très légères et fleuries. C'est tellement alléchant que le sourire apparaît déjà sur mon visage que je sens mes papilles saliver. Dans l'infusion, on rretrouve les mêmes notes fraîches et hautes. Ce thé a un parfum très naturel, léger et élégant.
3. Goût
Pur, fin, puissant, doux, raffiné, long, frais et réconfortant. C'est un véritable délice!
Il y a quelques mois, une lectrice perdait sa mère, et elle m'envoya une petite somme pour une commande surprise. Elle voulait que ce soit moi qui choisisse un thé pour la réconforter. Je choisis alors mon Oolong de Fu Shou Shan, car je sais qu'elle adore les Oolongs frais. S'il avait été disponible, j'aurais tout aussi bien pu choisir ce Da Yu Ling, un Oolong de plus de 2000 mètres d'altitude. Mon idée était de lui procurer une expérience exceptionnelle et mémorable d'un thé puissant et pur comme l'amour qu'elle éprouve. De plus, avec ces Oolong de haute montagne, nos sens et notre esprit se rapprochent un peu du ciel pour mieux côtoyer l'âme des disparus.
Voilà pourquoi j'ai choisi ce thé et ce Chaxi en noir et blanc pour ce jour de deuil national. C'est ma manière pacifique d'exprimer mes sentiments concernant cet évévenement, la tuerie barbare à Charlie Hebdo. Chérissons et défendons la liberté de penser pour laquelle 12 hommes et femmes sont morts. La meilleure façon de le faire, c'est de rester calme et de tolérer que d'autres ne pensent pas comme nous.