Pour Soetsu Yanagi, l'ami du potier Bernard Leach (1887-1979), un critère important de la beauté d'un objet est son utilité. La beauté ne saurait pas simplement être esthétique, mais elle se doit aussi d'être pratique. Avant d'apprécier ses formes, ses couleurs, on apprécie surtout l'aide que cet objet nous apporte, la manière dont il remplit sa fonction avec brio. Soetsu Yanagi développe cette reflexion dans 'the unknown craftsman, a Japanese insight into beauty'.
Dans ce livre, il est beaucoup question de thé, car c'est l'activité Japonaise par excellence qui fait appel à des objets artisanaux à la fois pour leur beauté et leur utilité. En effet, la raison d'être du thé, c'est d'être dégusté, pas d'être collectionné comme une oeuvre d'art!
Il y a quelque chose de très moderne et d'écolo dans cette pensée: au lieu de créer des objets d'art beaux mais inutiles, les artistes devraient surtout créer des objets utiles et beaux! Ainsi, notre vie se trouverait à la fois embellie et facilitée!
Dans cet esprit, un accessoire qui reste toujours dans le placard ou sur son étagère, c'est un objet qui n'existe pas car il ne nous rend jamais service. Pareillement, un thé qu'on garde indéfiniment dans une jarre ou un sachet, c'est un thé qui n'existe pas pour nous! La beauté d'un accessoire ou d'un thé est affaire d'expérience, de sensations et de souvenirs.
Et c'est cela qui est sympa avec un Oolong torréfié traditionnel: on peut le déguster sur de nombreuses années et suivre son évolution. Le thé devient un compagnon vivant avec lequel on va jouer pour obtenir des arômes raffinés! Ici, j'ai préparé une Beauté Orientale de Hsin Chu d'automne 2010. Cet Oolong commence à développer des senteurs un peu boisées et âgées en plus de ses notes fruitées et mielleuses.
J'ai récemment appris que les Oolongs Beautés Orientales sont souvent au menu des diners d'inauguration des présidents de la République de Chine (= Taiwan). Ces diners officiels sont l'occasion pour le président entrant de montrer son attachement au terroir de Formose en utilisant les produits locaux. Or, si l'on choisit plutôt la Beauté Orientale qu'un Dong Ding ou un Gao Shan, c'est surtout car ce thé fortement oxydé a des arômes généreux, et qu'avec sa torréfaction, il a une bonne longueur en bouche. Le tout permet de réaliser de jolis mariages entre mets et thé.
Pouvoir utiliser un thé lors d'un Chaxi et lors des repas ajoute à son utilité, et donc, comme dirait Yanagi, à sa beauté! Et si en plus on le prépare un tant soit peu avec de bons accessoires et des couleurs harmonieuses, c'est le bonheur! Un gaiwan facile à manipuler est alors un excellent exemple de beauté fonctionnelle.
Juin est la saison phare pour la récolte des Beautés Orientales. Mais leur production va se prolonger tout l'été, car elle requiert une torréfaction attentive pour les parachever et bien les affiner. Il n'est pas nécessaire de se précipiter sur les nouvelles feuilles quand celles de 2010 sont si bonnes! La vraie beauté est pérenne. Elle ne connait pas les modes.
La beauté du thé dépasse sa dimension esthétique. La reflexion de Soetsu Yanagi nous entraine à des niveaux bien plus profonds et pour chaque objet du Chaxi on peut à la fois se poser la question de sa beauté, de son utilité et de sa relation avec les autres accessoires. Le tout est-il harmonieux? A-t-on fait honneur au thé et à la vie? La beauté de cet instant ne nous est-elle pas aussi utile pour nous donner envie de vivre?
Tuesday, June 23, 2020
Friday, June 19, 2020
Is Chaxi brewing conservative or progressive?
2003 wild Yiwu puerh |
But let's first acknowledge that tea is very conservative and traditional in the sense that it takes centuries to evolve. First, from the Han to the Tang dynasty, tea used to be boiled. Then came the 'whisked in a tea bowl' transition that lasted for 2 dynasties, Song and Yuan, or about 400 years. Eventually, the method of brewing loose leaves started during the Ming dynasty, around 1370. Brewing Chinese tea, especially green tea, hasn't changed much in the last 600 years.
Besides. porcelain had been mastered during the Eastern Han period (25-220 AD) and we can see that shapes and styles of tea accessories are passed from generation to generation and from one dynasty to another.
The most famous tea book and tea master in Chinese history is Lu Yu (733-804) who is to tea what Confucius is to Chinese philosophy: a distant voice from the past who understood how everything is connected before anybody else.
So, I think that there's a good case to be made that brewing Chinese loose leaf tea is a very traditional and conservative activity.
But, on the other hand, when you look at the Chaxi I'm posting in my articles, don't you think that each one is rather unique and not something repetitive that we associate with traditions? The Chaxi, my set up and my brewing are not rigidly codified. There's no fixed recipe like X grams of tea, Y ml of water at temperature Z brewed for T seconds. There are rules, but only few (preheating, boiling water) and there's lot of freedom within them. What counts is not the respect of ancient traditions per se, but the pursuit of tea happiness!
So, is a Chaxi more liberal and progressive than traditional?
Well, as I said earlier, tea is meant to bring us together and I now want to introduce the central idea of the Chaxi: harmony.
Harmony of colors, harmony of feeling, harmony between the tea and the accessories, harmony of the taste, of seasons... A Chaxi aims to combine and to create this harmony between everything. It uses what we've learned from the past, the beautiful shapes that were handed down from one generation to another... And the more the Chaxi links the past to the present, builds on traditions to express our individual creativity and feeling, the closer we come to beauty and harmony.
So, for me, the Chaxi is both conservative and progressive. It keeps the tea traditions alive and it stimulates my own creativity.
Harmony is to seek this balance.
Chaxi list:
Yixing Shuiping teapot
Tea boat by a Taiwanese friend
Yuan style celadon cups by David Louveau
Ancient celadon tea jar
Late Qing dynasty qinghua plates
Japanese silver teapot
Celadon Jianshui based on a Jin dynasty (266-420) jar
Celadon vase by Jacob Bodilly
Chabu created by tea-masters.com
2003 Spring wild raw puerh from Yiwu
Tuesday, June 16, 2020
DYL 104K
5 years ago, in my article 'Da Yu Ling, Sorrow and Joy', I reported about the uprooted plantations of Da Yu Ling, the mountain where the highest tea gardens were located at 2650 meters elevation. The loss of these wonderful tea gardens caused considerable emotion in the Oolong tea world. The fame (and price) of the remaining Da Yu Ling plantations grew as a consequence.
Indeed, Da Yu Ling Oolong has a very unique flavor profile. It's very refined, cool and has lots of aftertaste. And there's also a difference if the plantation is located near kilometer 95 or kilometer 101. The higher that number on the road No. 8, the higher the elevation of the plantation! This means more potential for greatness!
In the last 5 years, I could get my hands twice on a 102K and once a 101 K DYL. But a 104K was out of reach. This plantation barely produces 60 kg per season, so it is usually sold out before the tea is produced! But not this year! (I guess that fewer Chinese tourists and buyers can be a blessing for Western DYL lovers!)
But if a high plantation elevation means potential, how does this particular DYL compare to others? Does it live up to its fame? For me, the answer is simple: this 104K DYL has an amazing energy and aftertaste. It's everything I expect it to be. However to achieve this potential, one has to brew this tea correctly. Boiling water, not too many leaves so that they open up well, but not overbrew!
The mineral taste lingers vividly on my tongue. Its beauty shines through!
Saturday, June 13, 2020
Wenshan Baozhong de 50 ans
Il me reste quelques feuilles de ce Baozhong dans cette jarre qinghua de la dynastie Ming. Ces feuilles viennent de mon maitre de thé, Teaparker. Il m'avait demandé de faire un Chaxi pour infuser ce thé en présence de sa nouvelle classe de Tea Sommelier au Landis de Taipei, la semaine dernière. Et comme nous n'avons infusé ce thé que deux fois, j'ai pu continuer à le déguster chez moi, avec les mêmes accessoires.
Ce qui est intéressant, c'est que ses élèves avaient déjà bu le même thé le jour précédent, lors de leur première journée de cours. Deux autres étudiants expérimentés avaient préparé ce Baozhong: un le matin, l'autre l'après-midi. C'était donc la troisième fois qu'ils buvaient le même thé, préparé par quelqu'un d'autre avec d'autres accessoires (mais avec la même eau). Et ce qui les a frappés, c'était combien les arômes changent d'un Chaxi à l'autre! C'est aussi ce qui m'a fasciné quand j'ai commencé à prendre des leçons avec Teaparker: sa capacité à infuser le même thé mieux que ses élèves. A chaque fois, donc pas par chance, mais par gongfu, savoir-faire.
Le Chaxi est donc bien plus qu'une démarche esthétique. Elle respose sur des connaissances, de l'expérience qu'il s'agit de réunir en un savoir-faire. Et le tout vise à faire comprendre le thé pour en faire ressortir ses arômes les plus vrais et caractéristiques.
Or, pour mon infusion, ces nouveaux élèves dirent qu'elle différait en un point important avec celles du jour précédent: chez moi, ils arrivaient à goûter à la fraicheur, à l'énergie originelle du thé. Avec les Chaxi précédents, ils avaient surtout ressenti le côté vieux et médicamenteux du thé! En cela, ils ont pu faire une expérience formidable: goûter la jeunesse et la pureté d'un Baozhong d'il y a un demi siècle! Voici l'un des plaisirs les plus raffinés du monde du thé: transcender le temps avec des arômes d'une grande pureté.
L'astuce - le secret pas si secret vu que j'en parle souvent - pour bien infuser un Oolong torréfié, c'est d'utiliser une bonne jarre en porcelaine pour réveiller et affiner les feuilles avant leur infusion. Mais ce n'est pas la seule astuce. Le thé est si sensible que chaque détail a un impact. C'est pourquoi c'est frustrant pour qui veut faire des progrès rapides. S'il est parfois possible d'avoir une illumination dans son chemin du thé, la plupart du temps, l'apprentissage se fait de manière très graduelle et requiert une pratique régulière. Mais rien de tel que du bon thé pour nous motiver à apprendre!
Saturday, June 06, 2020
Spring 2020 Taiwan top High Mountain Qingxin Oolongs
Qingxin Oolong in ChangShuHu, Alishan, May 2020 |
Qilai Shan, spring |
These high mountain Oolongs are so well made that the Qilai I'm tasting here is from the spring 2017! It's amazing how stable it is and how well it has kept its freshness.
I love how the tea enables you to focus on what's essential: taste and beauty.
June is simply the best season to enjoy Oolong in the early hours of the day. That's when the most generous and beautiful light comes on my Chaxi. I am so glad that I woke up early for this Chaxi! The world feels calm and silent before 6AM, but the sun already brings so much positive energy and hope. And with these top of the mountains Oolongs, one feels at the top of the world...
This moment of silence, purity and beauty is an amazing way to start the day! The picture below captured the spirit of that moment: