En Chine, cela correspond à la région de production du thé Pu-erh qui s’étend du Xishuangbanna à l’extrême sud du Yunnan (frontière avec la Birmanie et le Laos) à Simao, Lincang, Dehong et Baoshan en remontant vers le nord.
De toutes les ethnies vivant dans cette région, ce sont les Bulang 布朗 qui revendiquent la plus vieille histoire commune avec le thé. Ils auraient commencé à cultiver le thé il y a plus de 1300 ans.
De nos jours, les Bulang, toujours très impliqué dans la production de thé, continuent à honorer celui-ci par une cérémonie annuelle d’offrande à l’esprit du thé. Légendes :
- Image de gauche, des anciens du village font des offrandes (riz et feuilles de thé) au pied d’un très vieux et très grand théier.
- Image de droite, les femmes du village dance en ronde autour du même théier.
C’est par pur hasard qu’en avril dernier, nous sommes arrivés dans un village Bulang de la région de Simao au moment même ou tout les villageois étaient réunis pour célébrer cette cérémonie sous la caméra d’une équipe de télévision d’Arte qui était venu filmer l’événement.
Une fois la cérémonie terminée nous avons cherché un endroit où passer la nuit. Monsieur Su Guowen, qui était le maitre de cérémonie lors des offrandes à l’esprit du thé, nous a emmenés dans le temple bouddhiste de Mangjing 芒景, un village voisin. C’est là qu’il habite depuis qu’il a pris sa retraite d’instituteur il y a quelques années. Il s’occupe de l’entretien du temple et des hôtes de passages car les bâtiments annexes du temple servent d’auberge. De retour de notre voyage en Chine, c’est toujours par hasard qu’en surfant sur internet, nous avons trouvé de nouvelles information sur les Bulang de cette région, et sur monsieur Su Guowen.
L’article expliquait comment les Bulang de Simao avaient été dépossédés d’une partie de leur histoire, lorsque deux très vieux livres conservés dans le temple bouddhiste du village de Mangjing et racontant l’histoire des Bulang et du thé, ont été brulés pendant la révolution culturelle.
Mais il y a quelques années au cours de travaux de réfection du temple, les villageois ont trouvé une stèle qui indiquait que des livres semblables devaient se trouver dans un autre village Bulang, non pas en Chine, mais dans les états Shan de Birmanie (on trouve aussi des Bulang dans ce pays où ils sont plus communément appelés Palaung).
En 2005 trois vieux du village de Mangjing (dont monsieur Su Guowen) décidèrent d’entreprendre un voyage à la recherche de ce livre. Le voyage en bus dura plusieurs jours, puis, arrivés en Birmanie, il leur fallu encore marcher plus de quinze heures durant pour atteindre le village Bulang de Mugeng 木埂.
Ils furent très bien reçus par leurs cousins birmans. Après quelques discussions dans la langue commune et de longues cérémonies, les anciens du village acceptèrent de leur montrer le fameux livre. Au cours des deux semaines passées à Mugeng, ils purent même l’emprunter pour le photocopier et le rapporter chez eux!
Que peut bien contenir ce livre! Quelles histoires relate-t-il ?
Lors de notre séjour dans le temple, ignorant tout de cette histoire, nous n’avons pas eu l’occasion de demander de plus amples explications à monsieur Su Guowen. Mais nous pensons qu’un texte écrit sur un des murs du temple (à l’extrême gauche sur la photo) en est un court résumé.
Voici ce qu’il nous apprend :
Pendant la période des dynasties des Qin et des Han (de 220 avant JC jusqu'à 220 après JC), les ancêtres de Bulang vivaient sur les bords du lac Dian 滇池 (plus ou moins où se trouve aujourd’hui la ville de Kunming). Ils vivaient de chasse, de pêche et de cueillette. Ils parlaient la langue Pu濮, aussi leur voisins les avaient-ils surnommé le peuple Pu.
Pendant la période des trois royaumes (de 220 à 280 de notre ère), Kongming孔明, le grand stratège du royaume Shu蜀 (situé dans l’actuel Sichuan) élargit les frontières du royaume vers le sud en conquérant de nouveaux territoires et en soumettant les populations locales. Sous la pression des armées de Kongming, les Pu fuirent progressivement vers l’Ouest. Ils traversèrent le Mékong au port de Lanjin 兰津 à l’ouest de Dali (aujourd’hui Yongping永平) et s’avancèrent jusque dans un territoire qui se trouve aujourd’hui en Birmanie. Les Pu continuèrent leur chemin vers le sud, lorsque des épidémies se mirent à ravager leur groupe.
Leur chef, Aileng 哎冷 leur procura une nouvelle plante médicinale qui permit de lutter contre l’épidémie et de sauver le peuple Pu. Cette plante s’appelait « La »腊, le thé.
Plus tard, Aileng décida d’installer son peuple dans les forêts profondes des bords du Mékong. Mais ce territoire était déjà peuplé par d’autres populations et l’arrivée des nouveaux venus entraina de fréquents conflits de voisinage.
Afin que son peuple vive en paix avec ses voisins Aileng épousa une princesse du peuple Dai傣, (l’ethnie dominante de la région). Cette union apporta la paix aux Pu. La princesse leur enseigna l’agriculture, le tissage, l’écriture et la religion (bouddhisme theravada).
Les Pu firent connaitre le thé à leurs voisins. Lorsque le thé arriva jusqu’au Han, ceux-ci l’apprécièrent beaucoup.
Quelques centaines d’années plus tard, les Han mettent en place des structures administratives pour gouverner le sud du Yunnan, ce qui fit prospérer le commerce du thé vers le reste de la Chine."
Merci de nous faire partager tes découvertes fascinantes, Philippe! J'en profite pour rappeler à mes nouveaux lecteurs d'aller absolument voir sa galerie de photos de thé au Xishuangbanna. Elles sont fantastiques. Et si vous en voulez un poster pour votre coin à thé, n'hésitez pas à lui écrire afin de lui en commander.
Passionnant !!
ReplyDeleteMerci pour ta générosité de partage des expériences des uns et des autres !
Feras-tu une "petite dégustation" proche de Paris avant le mois d'Août ?
Merci Hélène,
ReplyDeleteCe serait une bonne idée de faire une rencontre avec mes lecteurs de Paris et ses environs pendant mon séjour estival. D'abord, il faudrait un endroit pour nous accueillir et choisir une date qui convienne à un groupe de 10 personnes environ. Pareil pour Strasbourg. Mais là-bas je pense qu'on pourrait le faire en extérieur, vu que je connais le coin, peux me déplacer en voiture et ramener tout le matériel. Si quelqu'un a des suggestions, n'hésitez pas à m'écrire.
Quelle bonne idée ! Là, tout de suite, j'ai une idée qui me vient tout de suite : le Bois de Boulogne, en plein air car j'habite tout prêt. Ce lieu serait un espace approprié : il faudrait que je trouve le coin idée, mais je crains que nous ne puissions trouver un endroit avec des places assises !! ...
ReplyDeleteje me joins à Hélène : passionnant !
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