Ce bol cuit au feu de bois provient d'un échange avec un potier tchèque, Petr Novak. L'intérieur du bol et le haut de la paroi externe est émaillée. Mais cette émaille n'est pas industrielle et uniforme. Il y a des petites craquelures et des changements de couleurs ici et là. Est-ce que ce sont des défauts de fabrication? Et comment apprécier la beauté d'un tel objet artisanal?
L'idéal serait de lire le premier chapitre du Livre du potier de Bernard Leach, A la recherche de critères, ou bien le livre 'the unknown craftsman' de Soetsu Yanagi. Je vais essayer de résumer tout cela en article à l'aide de ce bol.
Sa forme est classique, harmonieuse. C'est une forme qui nous vient du la dynastie Sung du nord (960-1127).
Le pied est légèrement évasé. Sa base est plus large que son point de connection à la demi-sphère du bol. Cela donne à la fois grâce au pied (petit) et de la stabilité (base large). Cette forme de trapèze du pied est inspirée des robes chinoises han. On trouvait la forme de ces vêtements si belle que les potiers chinois l'on adoptée pour le pied de leurs bols.
Une certaine proportion entre la taille du bol et celle du pied doit être respectée pour que le tout soit harmonieux. Le pied renvoie aussi à la forme de la lèvre. Cette harmonie des forme est le fruit de nombreux essais et expérimentations. Une forme belle émerge de la tradition d'une culture à un moment donné et du respect de règles générales, universelles de beauté.
Bernard Leach donne quelques idées générales:
"1. Les extrémités des lignes sont plus importantes que les parties centrales,2. Les lignes sont des forces et les endroits où elles bifurquent ou se croisent sont chargées de sens et demandent de la vigueur,3. Les lignes verticales sont celles de la croissance, les horizontales du repos et les diagonales le changement,5. Les lignes sont pour la beauté et les angles pour la force.7. L'exagération est pire que la timidité.8. La technique est un moyen vers une fin, pas une fin en soi. Si un bel objet atteint son but, alors ne soyons pas trop critiques des défauts fortuits. Les plus belles pièces de musée ont plein de 'défauts'. Mais n'allons pas non plus trop loin à créer des imperfections volontaires. "
Avec ce bol, on est dans la simplicité d'une forme traditionnelle aboutie. Petr a bien fait de ne pas chercher à tout réinventer. Il puise son inspiration dans l'histoire et la tradition. Mais il va utiliser son savoir-faire et sa technique pour rendre cette pièce particulière. Il a l'intention d'utiliser l'émaille blanc pour donner un impression de sommet de montagne enneigée. Ensuite, les effets de Yaobian (changements dans le four) feront le reste de manière naturelle, voulue, mais jamais vraiment maitrisée. C'est la magie du four au feu de bois de pouvoir créer tant d'effets différents.
Par exemple, les nuances de bleu et de violet qui apparaissent sur l'éamaille sur ces 2 photos sont vraiment magnifiques et en accord total avec l'idée de Petr. Le ciel est bleu par-dessus les montagnes!
Mais cette technique de cuisson n'est pas une fin en soi. En plus de créer ces variations de couleurs et ces nombreux intestices, elle adoucit et donne plus de profondeur au puerh cuit. Mes tests furent un véritable plaisir! Ainsi, la beauté et la technique se mettent au service du thé.
Ce n'est pas de l'art, mais de l'artisanat car c'est un objet utile et quotidien. Mais, c'est justement cela qui le rend tellement plus vivant et intéressant qu'une oeuvre qui ne serait faite que pour être admirée!
N. B. : Une amie de thé Taiwanaise a craqué pour ce bol et je lui ai cédé! Il n'est donc plus disponible. (J'ai mis les photos en ligne en haute résolution. N'hésitez pas de cliquer dessus pour mieux voir les détails).
I have a houhin and cup created by Petr and it is one of my most prized pieces in my teaware collection. His work is so beautifully organic and graceful, and it complements the teas I have purchased from Tea Masters very well.
ReplyDeleteL'effet "montagne au sommet enneigé" est on ne peut plus réussi.
ReplyDeleteUne magnifique pièce qui, comme le dit jay, doit très bien s'accorder avec des thés d'une beauté identique. Le plaisir doit s'en trouver décuplé.
Merci de nous faire découvrir tout cela.
++
Thanks for sharing, Jay. I also like the simple grace of his pieces a lot.
ReplyDeleteJe suis spécialement heureux que cette pièce te plait, David.
Stéphane tu est très bon lecteur.
ReplyDeleteJe pense que ton dernier point:
"Il ne faut pas faire expres de faire des imperfections, se raproche du point primordial du permeir chapitre 'towards a standard' du 'livre du Potier'de Bernard Leach,
Le point primordial est 'la sincèrité'.
Merci Michel. Oui, c'est bien vu, 'sincérité' résume bien cet idéal.
ReplyDeleteMais je ne crois pas que cela suffit. L'enfant qui dessine est sincère, mais il atteint rarement le beau.
-Cela me rappelle cette blague:
La maitresse de la maternelle demande aux enfants de prendre une feuille blanche et de faire un dessin de la personne de leur choix. Elle demande à chaque enfant qui ils vont dessiner.
Une petite fille dit:"Moi, je vais dessiner Dieu".
"Mais personne ne sait à quoi Dieu ressemble", répond la maitresse.
"Dans 5 minutes, quand j'aurai fini mon dessin, on le saura!"-
Un exemple de sincérité, mais le résultat est sûrement loin de la chapelle Sixtine.
L'essentiel vient de la culture, mot qu'on préfère actuellement à la tradition. C'est l'accumulation des recherches, des oeuvre du passé? Continuer sur cette voie, sincèrement.
Ce bol est en effet magnifique...
ReplyDelete100% d'accord avec le propos émis par Michel !
ReplyDeleteCela fait écho à un courant d'art japonais du début du XXe siècle - découvert au cours d'une expo temporaire- et qui prônait grosso modo ceci: le beau se révèle dans son utilité la plus rustique (ou plutôt ne réside que si on s'en sert dans le temps)
ReplyDeleteMalheureusement je n'arrive plus à retrouver le nom de cette école qui alliait tradition et une certaine idée de la modernité.
Si ça dit quelque chose aux potiers habitués de TM?
Otto
ReplyDeleteParle tu du mouvement 'Mingei'?
, qui en fait a été lancé par soetzu Yanagi, Shoji Hamada, Bernard Leach entre autre,
donc bien à propos.
Beau, utile et humain à la fois.
Merci Michel d'avoir rafraîchi ma mémoire!
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