Quand on ouvre un sachet plastique pour sentir les feuilles de thé, il y a toujours une odeur artificielle et brute qui accompagne ces fragrances. Aussi, on opte plutôt pour sentir les feuilles sur une petite assiette en porcelaine avant les infuser. Là, les odeurs sont plus aérées et entièrement naturelles.
Avec une bonne jarre, on est comme dans une salle de concert: au lieu de s'échapper, les senteurs se concentrent en se reflétant sur les parois. Au contact du matériau naturel, porcelaine, les odeurs retrouvent leur finesse et perdent cette impression d'artificiel. Certes, la fraicheur s'y préserve moins bien que dans un sachet sous vide, mais il faut bien l'ouvrir un jour ce paquet!
Mon ami Michel François travaille depuis longtemps à créer des jarres à thé. Comme l'indique le nom de son blog, c'en est presque une obsession! De mon côté, j'essaie de lui donner des conseils d'un point de vue d'utilisateur.
Je suis très heureux de vous présenter et proposer ces 2 jarres d'un peu moins de 10 cm de haut (330 grammes environ). Elles sont tournées à la main, émaillées à l'intérieur et cuites au four à gaz. (On peut y mettre environ 110 grammes d'Oolong roulé).
Michel a utilisé une porcelaine de Nouvelle Zélande au kaolin très pur et très translucide. C'est l'émaillage qui donne les couleurs différentes:
1. Céladon Qingbai proche du Ru (prononcer entre 'lou' ou 'jou') de la dynastie Sung. Ce céladon est proche du bleu, bleu ciel. Cette teinte est presque aussi difficile à décrire qu'à photographier! La teinte change beaucoup selon la lumière.
Mais ce qui est plus extraordinaire encore, c'est la douceur de cette pièce. On dirait de la peau de bébé!
C'est une couleur qui s'accorde aussi bien avec celle du set lotus Qingbai de David Louveau.
2. Pour ce blanc craquelé, Michel s'est inspiré d'une vielle recette simple d'Arita au Japon. On s'y est probablement inspiré des céramiques Chosun de Corée (car les premiers potiers d'Arita furent des émigrés de Corée, à la fin du XVIe siècle).
L'émaille contient de la pierre de Cornouaille, du kaolin et de la cendre de l'arbre 'Izu'. Cela donne également beaucoup de douceur à cette émail: contraste agréable entre l'épaisseur des parois et cette impression de légerté due à cette couleur blanche.
Ces pièces ne sont pas sans défauts. La couleur n'est pas uniforme. Il y a des petits points noirs ici et là (des particules de fer). Ou bien des retraits d'émail. Le pied aurait pu être plus travaillé... Mais ces 'défauts' sont aussi des qualités et confèrent une humanité, une personnalité, une individualité que n'ont pas les accessoires fabriqués industriellement.
Merci Michel!
Certes, la fraicheur s'y préserve moins bien que dans un sachet sous vide, mais il faut bien l'ouvrir un jour ce paquet!
ReplyDeleteOu aussi l'ouvrir tous les jours :-)
Un sachet sous vide peut être refermé (sous vide) après avoir été délesté de quelques feuilles qui produiront leur nectar quotidien.
On peut assurément, pour aérer les feuilles quelques heures avant l'infusion, les placer dans les magnifiques jarres que tu présentes dans ton article.
Elles sont magnifiques ces jarres.
ReplyDeleteJulien,
ReplyDeleteJe crois que rares sont les amateurs de thé qui ont une machine qui permette de refermer leur paquet sous vide (en expulsant l'air qui s'y trouve).
Aussi, une fois le paquet ouvert, la plupart des buveurs ne peuvent que le refermer, mais il y subsistera de l'air dedans.
Merci à toi et à Nicolas pour vos éloges. Je suis certain que cela fait très plaisir à Michel!
Salut Stéphane,
ReplyDeleteQuels beaux objets, c'est superbe.
Sinon, je vois que ton étagère est bien fournie de jarres en matériaux de toute sorte. Est-ce que certaines tendances se dessinent quant à la conservation des oolongs ? Certains matériaux mieux que d'autres ?
Salut David,
ReplyDeleteMerci. Oui, le grand nombre de jarre me permet de faire des tests comparatifs dans différentes jarres de plusieurs artisans. Pour le Oolong torréfié, la porcelaine et l'étain sont possibles. Mais je me rends compte aussi que différentes porcelaine ou différents étain produisent des résultats différents!
Oui, fallait se douter que ça allait pas être simple... ;-)
ReplyDeleteJe discutais avec un vendeur de yancha dernièrement qui me disait préférer les jarres en yixing pour ses thés. Pour lui, il y avait une perte d'arômes par rapport à la porcelaine, mais un meilleur arrondissement des saveurs sur le long terme. Cela dit, il a ajouté que c'était très personnel et que ce n'était pas parce que lui préférait que pour moi la porcelaine ne serait pas meilleure...
Donc va falloir faire des tests et être patient ! À coup sur ces jarres sont de bonnes candidates.
J'ai bien hâte en tout cas de lire les résultats de tes essais en cours et à venir.
David,
ReplyDeleteLes Yan Cha sont particulièrement torréfiés et la (bonne) glaise zisha d'Yixing peut les arrondir plus vite que de la porcelaine. Pour du court terme, je suis d'accord avec ton ami. Surtout en Europe, où il fait plus sec. Ici, à Taiwan, l'humidité traverse les parois d'une Yixing, mais pas de la porcelaine.
Cette précision est très intéressante. Merci beaucoup.
ReplyDeleteune machine qui permette de refermer leur paquet sous vide (en expulsant l'air qui s'y trouve)
ReplyDeleteD'après mes premiers constats, c'est édifiant sur du thé vert japonais (récoltes 2010, qui étaient sous vide jusqu'à présent). Je n'ai pas encore assez de recul pour le thé vert chinois (récoltes 2010 qui ont déjà eu le temps de s'oxyder, et les 2011 sont encore trop récentes).
En ce qui concerne les thés qui peuvent encore fermenter, je n'ai pas de recul suffisant pour les wulong et les pu er. Cela ne fait qu'une poignée de semaines que j'ai une machine à faire le vide.
Rendez-vous dans quelques années pour une dégustation de l'une de tes Yi Wu 2003 que je vais stocker sous vide. Je pourrai comparer avec sa version qui m'accompagne, à l'air libre.
De longues expériences en perspective, sur plusieurs années.
J'ai aussi bon espoir avec la maturation d'un Li Shan et d'autres wulong taïwanais sous vide pendant un à deux ans. Peut-être des saveurs fruitées vont-elles apparaître ; je verrai bien.
Bonjour Elie,
ReplyDeleteLa mise sous vide du thé ralentit sa transformation. Pour le vert Japonais ou Chinois, c'est certainement une bonne chose. Par contre, je ne pense pas que tu verras de nouvelles saveurs apparaitre dans ton Oolong. Tu vas surtout remarquer combien peu ton thé changera.
>>> D'après mes premiers constats, c'est édifiant sur du thé vert japonais (récoltes 2010, qui étaient sous vide jusqu'à présent).
ReplyDeleteC'est à dire Julien ? Que remarques-tu ?
Personnellement, je conserve mes thés japonais, le temps de leur consommation (1 à 2 mois), dans leur sachet d'origine, à temperature ambiante. Je ne constate pas de perte de parfums ou saveurs...Et puis les thés qui ont perdu en fraîcheur, gagnent je trouve autre chose, un caractère nouveau...qui mérite d'être connu...
La mise sous vide du thé ralentit sa transformation.
ReplyDeleteSeulement son oxydation.
je ne pense pas que tu verras de nouvelles saveurs apparaitre dans ton Oolong. Tu vas surtout remarquer combien peu ton thé changera.
Il n'y a pourtant que sous vide qu'un wulong ou un pu er mûrit (= fermentation).
En présence d'oxygène, il s'oxyde. Ce n'est pas pour rien que ces thés se trouvent souvent sous forme compressée (galettes, wulong roulé) ; en plus du côté pratique pour leur transport, le côté maturation est pris en compte.
C'est à dire Julien ? Que remarques-tu ?
Dans le cas du thé vert, sa fraîcheur originelle.
Et puis les thés qui ont perdu en fraîcheur, gagnent je trouve autre chose, un caractère nouveau...qui mérite d'être connu...
Tout à fait. Et je préfère certains thés verts frais, et d'autres moins frais. Par exemple, j'ai un faible pour le Yan Luo Po de Terre de Chine conservé dans son sachet (*non* sous vide) au moins 6-9 mois. Alors que des Sencha comme le futsumushi de Tenryû ou le fukamushi de Shizuoka dans l'ancienne sélection de Florent me plaisent clairement mieux dans leur jeunesse.
Tu as tout à fait raison en disant que les deux états de fraîcheur méritent d'être connus. C'est plus ou moins intéressant selon le thé et les préférences du dégustateur.
Julien,
ReplyDeletePour le vieillissement du thé ou du vin, on parle post-fermentation ou de vieillissement au lieu de fermentation.
En pratique, on essaie en effet d'éviter un excès d'oxygène en remplissant une jarre au maximum ou bien en regroupant les galettes de puerh en tong. Mais allez jusqu'à faire le vide d'air, pour moi, c'est de la conservation, pas du vieillissement (naturel).
Et puis, l'oxydation concerne surtout les produits qui contiennent de l'eau. Si un thé est bien séché (torréfié), il s'oxydera peu. C'est pour cela que l'Oolong de Wuyi ou le Baozhong torréfié sont d'excellents candidats au vieillissement, bien qu'ils ne soient pas roulés.
Tu restes le bienvenu de nous donner des nouvelles de tes expériences!
Et puis, l'oxydation concerne surtout les produits qui contiennent de l'eau.
ReplyDeleteUne réaction d'oxydation étant locale, et l'air étant humide, l'humidité extérieure suffit à déclencher de l'oxydation.
D'où le fait que les aliments séchés (déshydratés) doivent être conservés sous vide pour ne pas qu'ils s'oxydent.
Peu importe qu'il y ait de l'eau ou non.
Pour le vieillissement du thé ou du vin, on parle post-fermentation ou de vieillissement au lieu de fermentation.
[...]
l'Oolong de Wuyi ou le Baozhong torréfié sont d'excellents candidats au vieillissement
Je comprends donc que tu appelles vieillissement une fermentation en l'absence d'oxygène. C'est ainsi que le vin blanc ou le vin rouge vieillissent en bouteille. (Pour les fûts, c'est un autre effet qui est recherché, tannique, et en tout cas pas sur le vin blanc qui ne vieillit guère en fût à cause de l'oxygène.)
Est-ce bien ceci que tu indiques ? Si c'est le cas, je ne comprends pas la comparaison car tu ne mentionnes pas de stockage sous vide du Baozhong (une jarre contient déjà trop d'oxygène, et puis elle n'est pas toujours 100% hermétique, et dès que tu l'ouvres, cela rompt le processus de maturation pour l'ensemble de la jarre qui va s'oxyder).
Et si ce n'est pas le cas, de quelle(s) réaction(s) chimique(s) parles-tu derrière le mot vieillissement ?
On sait que l'agent de vieillissement du vin n'est pas l'oxygène depuis Émile Peynaud et quelques autres.
ReplyDeletePour Peynaud, d'après Wikipédia : « il introduisit le foulage et la fermentation en lots séparés, suivant l'âge de la vigne, la maturité des cépages, l'emplacement du vignoble, etc. Cette méthode porte aujourd'hui le nom de « sélection au terroir ». Il a ensuite appliqué la méthode du contrôle des températures dans les fermentations en Champagne et dans le Bordelais.
Ses méthodes qui allaient à l'encontre de nombreuses traditions, furent la cible des sceptiques, dans les années 1950 et 1960, qui dénoncèrent la peynaudisation des vins de Bordeaux.
Peynaud s'est aussi penché sur le contrôle de la fermentation malolactique alors qu'il était couramment admis que celle-ci était une maladie. Il fit comprendre le besoin d'encourager et de contrôler cette fermentation. »
allez jusqu'à faire le vide d'air, pour moi, c'est de la conservation, pas du vieillissement (naturel).
Et le vieillissement du vin en bouteille ? Il n'y a pas tellement d'oxygène en contact avec le vin…
Ce vieillissement est une réaction de réduction. Autrement dit, de la fermentation (sans oxygène).
Il ne faut surtout pas d'oxygène, délétère aussi bien pour le thé que le vin.
Julien,
ReplyDeletePour le vin, comme tu l'as remarqué, il reste toujours un peu d'air dans les bouteilles (et le bouchon en liège n'est pas 100% étanche). L'oxygène a donc (aussi) un (petit) rôle à jouer.
(Et la fermentation du vin dont tu parles intervient durant sa production, pas le stockage).
Pour le Oolong, comme le montre le Baozhong torréfié et les Oolongs de Wuyi, leur stockage en jarre permet d'obtenir d'excellents résultats. Un vieillissement équilibré se fait avec l'air contenu dans la jarre. Le vieillissement est un processus complexe qui ne se réduit pas à une seule transformation.
Intéressant débat: J'observe et je réfléchis sur la toute jeunesse existentielle du vieillissement du thé sous vide. Cette méthode, malgré les résultats déjà obtenus manque de recul pour satisfaire et remplacer un vieillissement traditionnel bien orchestré (c'est mon avis).
ReplyDeleteLes recherches et expérimentations à venir pourront surement apporter des réponses aux questions actuelles. C'est peut-être une direction à entrevoir dans certains cas, pour certains thés encore trop humides.
.......
Une chose me percute dans ces échanges, c'est le trop facile rapprochement du vieillissement entre le vin (liquide) et le thé (solide).
Ces deux états sont différents.
Malgré mes recherches sur le net, je n'arrive pas à trouver l'information qui exprime l'équation eau+oxygène=destruction de la matière végétale.
Pourtant il suffit d'observer le pourrissement de feuilles en automne ! L'automne est aussi une saison de pluies et d'humidité.
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Si cette équation existe, il suffirait de jouer sur les deux composantes pour diminuer la destruction de la matière végétale.
Enfin, voilà, je suis pas buveur de vin :))
Pour le vin, comme tu l'as remarqué, il reste toujours un peu d'air dans les bouteilles (et le bouchon en liège n'est pas 100% étanche). L'oxygène a donc (aussi) un (petit) rôle à jouer.
ReplyDeletePetit, mais vraiment petit alors :)
Peynaud, Sudraud, Ribereau-Gayon, Sciences et techniques du vin, Tome 3 : Vinifications, Transformations du vin (1976) montrent que ce n'est pas le dioxygène qui fait vieillir le vin, mais les réactions de réduction (fermentation).
Il n'y a pour ainsi dire aucun échange gazeux notable à l'interface liège/verre à l'échelle de la semaine.
Le vieillissement idéal se fait hors présence d'oxygène. D'où le fait que je souhaitais une précision sur le terme de « vieillissement » que tu utilisais.
Quand on parle de vieillissement, cela doit être de la vraie fermentation anaérobie. Dans le cas du vin, l'infime quantité d'oxygène s'introduisant dans la bouteille à l'échelle du mois ne contribue pas au vieillissement optimum.
Avec les jarres, paniers, etc. (tout ce qui n'est pas sous vide), l'oxygène est délétère.
ReplyDeleteLe thé évolue avec l'oxydation. Le thé évolue avec la fermentation. C'est probablement l'alliance des deux que tu appelles vieillissement (sachant qu'il y aura alors davantage d'oxydation que de fermentation). Oui l'oxydation permet une évolution plus rapide, mais le résultat est bien différent d'une évolution lente à base de fermentation. Comparer par exemple le cœur d'une vieille galette compressée et non entamée (années 90) avec un bout oxydé à sa périphérie.
Deuxième point, tu me parles de l'oxygène initial dans la bouteille. Oui, il y en a fatalement. Toutefois, les molécules organiques du vin réagissent très rapidement avec celui-ci. La cinétique de l'oxydation de l'alcool en acide (d'où l'acidification du vin jeune ou des vins mal conservés — par exemple avec un défaut au bouchon qui a laissé passer l'oxygène !) est rapide.
Pour répondre à Nicolas par la même occasion, l'éthanol CH3–CH2–OH s'oxyde en acide acétique CH3−C(=O)−OH.
Une chose me percute dans ces échanges, c'est le trop facile rapprochement du vieillissement entre le vin (liquide) et le thé (solide).
Ces deux états sont différents.
Ce sont les composés organiques qui sont impactés. Dans les deux cas (liquide du vin, solide du thé), ce sont des combinaisons de molécules. L'action chimique est au niveau moléculaire.
Merci Nicolas pour ton commentaire. Tu as raison de rappeler que l'entreposage en jarre est une méthode traditionnelle et qu'elle marche! Teaparker a expérimenté avec différentes méthodes et n'a pas été satisfait par l'évolution du Oolong sous vide. Mais libre à chacun de faire ses expériences. Je pense que cela peut aussi dépendre du type de thé.
ReplyDeleteJ'en profite aussi pour rappeler que la chaleur va aussi être un facteur dans le vieillissement. Si on veut garder la fraicheur d'un thé (surtout vert ou un Oolong peu oxydé) on le gardera au frais.
Merci Stéphane
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