L'occasion s'est présentée d'avoir une étudiante en musique jouer du pipa, un instrument à corde chinois, durant mon thé. Je n'ai pas hésité à sortir ces quelques feuilles d'un Hung Shui Oolong d'une vingtaine d'années pour célébrer ce mariage du thé et de la musique chinoises. Bien conservé, c'est un thé d'une rare finesse et auquel on ne remarque pas son âge. Il semble être simplement mûr: combinaison de force vive et d'élégance intemporelle. Il est tout à l'image de ces notes de pipa, jouées au présent avec toutes les nuances du direct, mais aussi comme des échos aux dynasties passées.
Surprise, je ressens intensément le trac du présent. Je prends conscience des petites erreurs dans mes gestes. Le jeu d'un instrument de musique ne pardonne pas les erreurs. Elles sont évidentes pour tous ceux qui savent écouter. Discipline, concentration et pratique sont nécessaires pour bien maitriser son morceau. Les mêmes qualités sont nécessaires pour réussir son infusion. Lorsque l'on sort un thé d'exception pour un moment unique, on n'est plus en mode d'entrainement, mais de concert! La musique m'aide donc à retrouver toute ma concentration.
Par-delà l'effort et la recherche de la perfection, on peut arriver à toucher au sublime. La récompense commence dès les premières effluves des feuilles sèches dans la théière préchauffée, puis dans la couleur limpide de l'infusion. Au calme de la première gorgée suit un raz de marée suave en bouche. Les notes de pipa jouées en direct donnent une profondeur, un écho à l'instant présent. La longueur en bouche sucrée, aussi, ne veut pas s'arrêter.
Cette expérience du thé est celle de la vie: la vivre intensément à chaque moment, en donnant le meilleur de soi-même.
Le plaisir, à chaque gorgée!
Visually powerful :)
ReplyDeleteSuperbe témoignage, Stéphane !! Merci à toi !
ReplyDeleteQuel bel instrument ce pipa !! Serait-il possible d'en entendre quelques notes ? ...
J'imagine que ma question n'est pas opportune car non "célébrante" de ton expérience vécue en direct !! ...
Je suis tout à fait d'accord avec toi au sujet de ce que tu relèves en terme de concentration et du fait que le temps du concert, de l'offre en partage de la partition que l'on longuement travaillée, ne relève pas de la même dynamique, de la même énergie que celui du travail antérieur : l'interprète, le musicien/ne est censé(e) "maitriser" l'oeuvre et ainsi vivre une exécution limpide, semblant facile.
Il/elle peut alors expérimenter une sensation de familiarité telle avec son propos musical qu'il/elle a le sentiment d'en être habité(e) de manière innée.
Les intentions et les gestes maintes fois répétés sont transcendés : la fluidité coule de source !! ...