"Les carnets de la maison morte" (Editions Babel) sont le récit des années de bagne en Sibérie que Dostoïevski a personnellement vécues (autour de 1850-60).
Voici quelques extraits en rapport à notre boisson favorite. Le narrateur vient d'arriver au bagne et raconte les conseils qu'il reçoit des autres prisonniers:
"Entre autres, ils m'ont appris qu'il fallait avoir son thé, et qu'il ne faisait pas de mal de posséder une théière" (page 56).
Ce livre parle bien plus souvent de vodka et des beuveries auxquels se livraient certains prisonniers ayant accumulé assez d'argent pour tout claquer en fois. L'alcool est la boisson des excès et de la violence dans ce bagne. Le thé, lui, est mentionné ici assez rapidement, mais dans ce 'fallait' on peut lire à quel point le thé était indispensable pour tenir le coup dans cette prison de Sibérie.
" - T'as vu, chez lui, il avait sa soupe maigre dans son auge, et là, il prend du thé ; il veut de la boisson des maîtres, dit le détenu taciturne." (page 70).
(...)
- "Ce n'est pas le thé, a répondu le Polonais. Ils vous en veulent parce que vous êtes nobles et que vous ne leur ressemblez pas." (page 71).
Le narrateur se fait engueuler pour le thé qu'il prend. Mais ce n'est qu'un prétexte. Pour les autres détenus, le thé est le symbole de l'orgine noble de ce détenu. Ce passage nous rappelle qu'au 19ème siècle, le thé est une boisson chère et élitaire, bue par les nobles, les "maîtres".
Le thé en sachet ou les feuilles produites mécaniquement en masse aujourd'hui font qu'on a tendance à oublier combien le thé a longtemps été un produit de luxe. Dans ce bagne, on voit aussi que les prisonniers les plus communs sont ceux qui préfèrent les excès de l'alcool, alors que ce sont les (nobles) mieux éduqués qui boivent le thé.
" Ainsi faisaient-ils entrer le tabac, les briques de thé, la viande" (page 132)
C'est du thé compressé qui entrait au bagne! Le thé parvenait en Sibérie par voie terrestre, à dos de chameau. Aussi, il était compressé, pour faciliter le transport. Une grande partie provenait du Sichuan. C'est aussi pour cela que les thés exportés autrefois étaient des récoltes de bourgeons, très concentrés, et donc de faible volume, mais à forte valeur. De nos jours, le coût du transport a baissé avec l'essor des échanges mondiaux. Il n'est plus besoin de compresser le thé!
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