Monday, July 08, 2013

La Princesse des Oolongs de Formose

Si les Oolongs de Taiwan ont un roi qui provient de la plus haute montagne à thé de l'ile -Da Yu Ling-, il y a aussi certainement une princesse! Comme dans les contes populaires, ses origines à elle sont  bien plus modestes et terre à terre. Elle nous vient d'une région hakka, en plaine, réputée pour ses habitants laborieux et simples.

Un été de la fin du XIX ème siècle, un fermier à thé ne voulait pas se résoudre à laisser ses feuilles de thé se faire manger par les insectes qui y pullulent à partir du mois de mai. Contrairement aux traditions, il récolta une seconde fois le thé en cette fin de printemps. Malgré les feuilles endommagées par les morsures d'insecte, et donc d'aspect ingrat, il s'acharna à produire du thé malgré les quolibets de ses voisins. Il amena ensuite ses feuilles au marchand de thé John Dodd. Celui-ci trouva ce thé si bon qu'il paya un excellent prix au fermier ; ce dernier put retourner tout fier dans son village et fanfaronner auprès de ses voisins. La légende prétend même que la reine d'Angleterre aurait dégusté de ces feuilles et leur aurait donné le nom d'Oriental Beauty, beauté orientale. Ces feuilles vilaines et rejettées ont ainsi pu se transformer en breuvage royal. La beauté orientale de la région de Hsin Chu correspond donc parfaitement à la princesse légitime des Oolongs de Taiwan. Notons aussi que le roi et les buveurs de thé ne sont pas toujours des gens très fidèles (quand il s'agit de cette boisson) et que de nombreuses concubines se disputent leurs faveurs. Mais cela n'enlève rien à la beauté et au charme uniques de notre princesse!

Cultivar: Qingxin Dapang
Récolté à la main le 25 juin 2013
Origine: Emei, comté de Hsin Chu, Taiwan

 1. Aspect
 Nous retrouvons les 5 couleurs d'une Beauté Orientale traditionnelle. En blanc surtout, les bourgeons donnent des fragrances très fines. Plus ce thé est haut de gamme, plus il y aura de bourgeons. Mais il ne faut pas non plus exagérer et exclure les autres feuilles. Une faible proportion de huangpian (feuilles jaunes), c'est à dire des feuilles plus mûres, permet d'obtenir une meilleur 'charpente', un goût plus profond. Les feuilles rouges et brunes indiquent un degré d'oxydation élevé, mais pas complet.
Thé aux 5 couleurs, un autre nom de la Beauté Orientale
J'opte pour une préparation en théière 'phoenix et dragon' en argent. (Ce motif est le symbole chinois de l'impératrice.) L'argent est un métal précieux et neutre. Il n'arrondit pas les goût, mais les restitue tels qu'ils sont. La différence avec la porcelaine, c'est que cette restitution est plus intense, car l'argent conduit et retient mieux la chaleur que la porcelaine. Elle accentue donc aussi bien le négatif que le le positif.
Je verse de haut pour donner de la force pour ouvrir ces bourgeons séchés de manière ouverte. (Pour un Oolong séché en boule, je verserais plus bas de manière à faire tourner les feuilles pour les ouvrir).

J'utilise ma bouilloire en argent et de l'eau qui vient juste de bouillir. Bref, j'y mets le paquet pour infuser ce thé. Cependant, je fais attention à ce que mon flot d'eau bouillante ne soit pas chaotique, mais qu'il s'écoule de manière précise et contrôlée dans la théière.
Après une longue première infusion, le thé obtenu est d'une clarté et transparence remarquables.
2. Les fragrances
A sec, l'odeur est encore un peu étrange, celle d'un thé fraichement oxydé et qui ne s'est pas encore posé. Je crois déceller des odeurs fortes, mures de fruits et de bitume/réglisse! Mais il a peu d'odeurs de grillé. Sa torréfaction fut plutôt légère.
Dans la coupe, la transformation par infusion est complète et parfaite. Les odeurs se marient au goût et nous donnent un nectar de miel chaud. Superbe! Ces fragrances ont encore quelque chose d'un peu retenu, mais surtout beaucoup de finesse. C'est fruité, assez direct, mûr et léger. 
3. Le goût
Un seul mot suffirait pour le caractériser: miel!

Mes infusions en théière en argent poussent ces feuilles aux limites de l'extraction de saveurs. Malgré cela, aucune amertume n'apparait. L'infusion est mielleuse et douce à souhait. Tout juste y a-t-il encore un goût un peu nerveux et jeune. Mais dans l'ensemble, c'est une expérience de pureté et de douceur. Un thé au caractère chaleureux, mais qui retient un peu de fraicheur. 

Sa longueur en bouche est très bonne et surtout très élégante.

Les feuilles ouvertes sont de toute beauté. Les bourgeons sont plutôt longs et indiquent qu'ils proviennent d'arbres assez vieux. Une petite fée est passée par là. D'un coup de mandibules (à défaut de baguette magique), elle a transformé ces feuilles de plaine rustique en princesse distinguée et riche en saveurs.
Cette Beauté Orientale est la jeune soeur des feuilles de 2012. Même origine et même fermier. Le cru 2012 avait été plus torréfié et avait demandé qu'on lui laisse le temps de se bonifier. Au départ, ses senteurs étaient un peu sombres et son goût fermé. Ce n'est pas le cas cette année, bien plus frais. Par contre, j'ai pu regoûter au 2012, et j'ai trouvé que ses senteurs sont devenues bien plus parfumées et complexes (comme du Fendi), et son goût a aussi gagné en profondeur et mystère. C'est toute la différence entre une jeune princesse insouciante et une reine majestueuse!


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