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Puerh cru en vrac du milieu des années 1980 |
Le puerh provient exclusivement de la province du Yunnan, en Chine, à plus de 1500 km de l'ile de Taiwan. Jusqu'à la fin des années 1980, les Taiwanais n'avaient pas le droit de voyager en Chine, et ce n'est que depuis moins de 10 ans que Taiwan autorise l'arrivée des touristes Chinois. Ce n'est qu'en remontant à la guerre civile entre Mao et Chiang Kai Shek qu'on retrouvera un petit lien entre Taiwan et le Yunnan, car cette province fut l'une des dernières à avoir été défaite par les communistes.Taiwan recueillit alors un groupe de familles émigrées de cette région (qui s'installèrent à Cingjing, en haute montagne).
Le lien entre Taiwan et le puerh ne provient pas de là, mais de quelques marchands Taiwanais qui ont su le promouvoir auprès des buveurs de thé Taiwanais. Cela se passe de 1985 à 1997. Cette période coïncide avec une croissance économique
robuste et une soudaine impression de richesse.
Parmi ces marchands pionniers, on trouve Chou Yu de la maison de thé
Wistéria et surtout Deng Shi Hai, surnommé à l'époque 'le roi du puerh'
dans un livre de Teaparker à cette époque. Ils achetaient leurs puerhs à des marchands de Hong Kong, l'enclave britannique au travers de laquelle la Chine Populaire effectuait une grande part de ses échanges économiques avec l'Ouest (et Taiwan). A Hong Kong, on aimait surtout le puerh cuit. Mais c'est à Taiwan qu'un public de connaisseurs a plébiscité le puerh cru, et notamment l'ancien.
Et quand arriva la rétrocession de Hong Kong à la Chine, en 1997, un grand nombre de marchands HongKongais ont vendu leurs stocks de puerh à des Taiwanais et se sont installés ailleurs. Nous voyons ces jours-ci que leurs craintes étaient fondées et que la situation politique de Hong Kong n'est pas si stable.
Lorsque la CNNP (China National Native Produce) perdit son monopole de vente du puerh entre 1999 et 2002 (en plusieurs étapes), des marchands Taiwanais commencèrent à aller directement au Yunnan pour y acheter leur puerh. Taiwan était alors le débouché le plus important pour le puerh de qualité du Yunnan. Le niveau de vie à Taiwan et la puissance d'achat (purchasing power) jouaient en faveur de Taiwan. Les dégustateurs Taiwanais étaient aussi bien expérimentés et sélectionnaient alors ce qui se faisait de mieux.
Bref,
tous ces facteurs expliquent que les buveurs de thé de Taiwan ont
longtemps été gâtés en ce qui concerne le puerh. Pendant 10 ans environ,
Taiwan eut pratiquement le monopole de l'ancien et du jeune de qualité.
Mais avec le décollage économique de la Chine, la situation a changé.
Chaque année, le prix des feuilles des meilleurs terroirs continue
d'augmenter sous l'effet de la demande intérieure Chinoise. Le débouché
Taiwanais devient de plus en plus négligeable. Ce n'est que pour l'ancien que les collectionneurs Chinois viennent sur l'ile chercher les puerhs mythiques.
Ce petit rappel historique explique pourquoi ma sélection de puerh cru jeune s'arrête en 2006. J'ai été gâté par 2 excellentes galettes en 2003, puis en 2006, quand ce qui se faisait de mieux allait à Taiwan. Depuis, je ne trouve pas mieux en puerh jeune ici, mais je trouve parfois de belles feuilles âgées. La galette '7542' de 1999 est un bonne exemple, ainsi que ces feuilles crues sauvages du milieu des années 1980 de la firme Menghai dans les photos de cet article.
L'inconvénient majeur du puerh ancien est son prix relativement élevé, même à Taiwan. (Il n'y a que la contrefaçon qui soit bon marché!) Mais il reste intéressant, plaisant et éducatif d'en boire du bon et de l'ancien de temps à autre ou pour des grands moments, pour savoir goûter et apprécier ce thé hors du commun. Autant il est fort en arômes quand il est jeune, autant il semble devenir léger pour quand même nous surprendre par sa force cachée. On parle alors de sensation Wu Cha, absence de thé. C'est un peu comme le silence d'une salle de concert après la dernière note. Le vieux puerh résonne en nous comme cette musique silencieuse.
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