Beauté Orientale |
Pourquoi ce thé est-il particulièrement représentatif des Dong Fang Mei Ren (= Oriental Beauty)? Après tout, on trouve ce type de thé un peu partout à Taiwan: en été, les producteurs de Baozhongs en font à Pinglin, les producteurs de thé vert de San Hsia en font aussi, de même que certains producteurs de la région de Nantou. Et on en trouve même qui est importé de Chine ou de Thailande! Derrière un mot nom peut donc se cacher des thés issus de théiers et de terroirs très variés. Or, plus un thé est connu, célèbre - c'est à dire 'bankable' - plus il a tendance à être copié!
En France, dans le monde du vin, on créerait une Appelation d'Origine Contrôlée avec un cahier des charges précis pour limiter dans un espace géographique ce qui peut prendre tel ou tel nom. Dans le monde du thé chinois, ce n'est pas possible d'opérer un tel contrôle et on voit donc un foisonnement de thés au même nom, mais différents.
Pour enseigner ce qu'est LE Oolong Beauté Orientale, il est donc nécessaire de commencer par faire de définition de ce que serait cet AOC pour connaitre le standard, la production la plus respectueuse de l'original:
1. Géographie: la région d'origine est dans le comté de Hsin Chu où les villages de Beipu et d'Emei se disputent gentiment l'invention de ce thé. (Les compétitions annuelles d'OB ont lieu alternativement dans ces 2 villages). C'est là-bas surtout que l'OB s'appelle aussi Peng Feng Cha, le thé du frimeur gonflé en référence au premier producteur qui a réussi à vendre son thé en été. Il était revenu de Taipei avec une belle somme d'argent et avait frimé dans son village, car d'habitude le thé d'été ne donnait rien de bon et n'était même pas récolté!
2. Le cultivar: il est possible de faire de l'OB avec toutes les feuilles de thé, mais il en est une qui convient particulièrement bien, et ce n'est donc pas un hasard de la voir pratiquement exclusivement employée dans la région de Hsin Chu: le Qingxin Dapang. Il y a 4 ans, j'ai pu comparer plus d'une dizaine d'OB de Wenshan faits avec des cultivars différents: c'est le qingxin dapang (de Hsin Chu) qui donna le meilleur résultat au final.
Cela ne veut pas dire que les OB faits à partir d'autres feuilles et d'autres régions sont forcément moins bons ou mauvais. Ils peuvent être très bons, mais ils n'auront jamais exactement le goût traditionnel du terroir de Hsin Chu et des feuilles de Qingxin Dapang.
3. Le process de production du thé. Il commence avec une plantation en mode naturel, plus ou moins organique, en tous cas assez pour pouvoir avoir la présence des petits criquets Jacobiasca formosana Paoli dont la morsure accentue l'oxydation de la feuille. Le degré de morsure de l'OB varie d'une plantation et d'une récolte à l'autre. Ce n'est pas une condition sine qua non pour faire de l'OB, mais c'en est une pour faire du très bon OB! On obtient alors des arômes particulièrement fins, mielleux et vifs.
Un autre paramètre important pour faire de l'OB, c'est de récolter les feuilles quand elles sont encore petites voire encore des bourgeons. Si la récolte se concentre sur les bourgeons, alors on obtiendra un des feuilles de thé à l'aspect duveteux blanc, appelé aussi Bai Hao Oolong (= Oolong à poil blanc). C'est ce genre de grade qu'on retrouve dans les compétitions. Mais si la récolte concerne aussi des feuilles un peu plus matures, alors l'aspect des feuilles sèches sera plus varié. On parle de 'Wu Si Cha', thé aux 5 couleurs, pour ce type d'Oriental Beauty.
Tout Oolong se définit par son degré d'oxydation et de torréfaction. Pour un OB, la couleur or/orange de l'infusion indique un degré d'oxydation supérieur à la moyenne. Il aura tendance à être plus bas pour un OB composé exclusivement de bourgeons et sa torréfaction sera plus légère aussi. Celui que j'ai choisi de déguster a des feuilles plus variées (voir la première photo de l'article). Ses feuilles matures permettent une torréfaction plus aisée qui laisse envisager une plus longue conservation.
Les arômes d'un thé naturel sont toujours subtils, me fit remarquer Sarah. En effet, ses senteurs sont toujours moins fortes qu'un thé parfumé artificiellement. Le thé naturel est moins exubérant, mais a un meilleur potentiel de finesse et de pureté dans le goût. Il s'agit donc d'être très attentif et concentré dans la préparation et la dégustation. Rien que l'emploi d'une jarre en porcelaine va permettre aux feuilles d'exprimer leurs arômes de manière plus intense (à la grande surprise de mes invités)!
J'ai continué notre leçon avec la dégustation de 2 autres thés à morsures de criquet: le concubine Oolong de Feng Huang de cette année et le thé rouge de Tse Ke Shan du printemps 2015. Ce qui est intéressant avec ces thés, c'est qu'ils s'inspirent de l'OB sans le copier entièrement, mais en intégrant les particularités de leur terroir: le cultivar qingxin Oolong, la forme roulée, les feuilles plus matures et la torréfaction à la manière d'un Dong Ding pour le Concubine, et le cultivar Da Yeh Oolong et l'oxydation totale pour le thé rouge de la côte Est de Tawain.
En haut, le concubine, à droite le thé rouge, en bas l' OB, et à gauche du Tie Guan Yin torréfié pour finir. |
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