Le coeur au centre du thé

Dans un magasin de thé de Suzhou, Chine

Dans mon dernier article, j'ai critiqué le thé 'haut de gamme' en Chine et je n'ai pas changé d'avis. Mais je me rappelle du conseil de Bourion, le mythique prof de management à l'Institut Commercial de Nancy: pour être certain d'avoir l'esprit clair, non biaisé, il faut toujours être capable de trouver des points positifs et négatifs aux personnes, produits, systèmes que l'on évalue. La perfection n'existe pas dans le réel. Si on ne voit plus que du négatif ou du positif concernant un homme politique, un produit ou une entreprise, c'est qu'on se laisse trop influencer par ses préjugés...

Aussi, j'ai envie de partager mon expérience de ma visite dans une petite boutique de thé de Suzhou. J'y étais allé pour voir ce qu'on y propose et mieux comprendre le marché local. J'ai annoncé d'emblée que je ne comptais pas acheter de thé, mais, face à ma curiosité, on me proposa un BiLuoChun printanier (sortir du congélateur) bien poilu (= beaucoup de bourgeons)! On m'en mit une bonne dose dans le verre et on arrêta pas de réinfuser ces feuilles avec l'eau bouillante contenue dans la bouteille thermos verte. (C'est la méthode courante d'infusion du thé vert en Chine Populaire). Après mes premières gorgées, je remarquai que l'eau provenait du robinet et avait une odeur chlorée. Le patron confirma et fut assez impressionné par ma remarque. La discussion s'engagea pendant plus d'une demi-heure sur le thé sans aucune pression d'achat (à part celle de me faire goûter un autre thé, ce que je refusai car le rapport qualité/prix de ce BiLuoChun ne me paraissait pas convaincant et je ne voulais pas abuser de sa générosité). Le patron n'arrêtait pas de remplir mon verre d'eau chaude et moi d'étancher ma soif!

Il y a 2 choses que j'aime particulièrement dans le business du thé:
- bien qu'on décrie (souvent à juste raison) ses exagérations et fausses informations, il est particulièrement honnête à la base! En effet, avant d'acheter une grande quantité, la plupart des acheteurs ont l'occasion de goûter à l'infusion des feuilles. C'est même très souvent gratuit si vous achetez quelques kg. La transparence du produit est alors totale puisque l'acheteur peut le consommer pour se faire sa propre opinion sans tenir compte des étiquettes, de l'âge des théiers, de la renommée du terroir... L'achat se fait donc en complète connaissance du produit (par expérience). Et si l'on ne veut/peut pas acheter de grande quantité d'un même thé, on a, avec Internet, un vaste choix de détaillants prêts à vendre des feuilles en petites quantité, à des prix de plus en plus compétitifs. A chacun de se faire son opinion en qui il peut avoir confiance pour sélectionner de bonnes feuilles.

- tous les vendeurs de thés ont une obligation de faire de la marge pour gagner leur vie, mais la plupart des indépendants font ce métier par passion pour le thé. Et quand ils rencontrent un autre passionné (professionnel ou amateur) qui comprend le langage et la culture du thé, alors une porte fraternelle s'ouvre bien grand. Ceux qui suivent ce blog se souviennent probablement de belles rencontres que j'ai faites avec d'autres amoureux/ses du thé et dont de nombreux professionnels (ou bien des amateurs qui sont ensuite devenus professionnels!) Quand la joie du bon thé est partagée, une satisfaction profonde s'ensuit. C'est tellement universel qu'on peut partager ce sentiment avec des personnes de toutes nationalités. Notre bonheur, c'est la connection par le thé.

Voilà pourquoi j'ai essayé de former un grand coeur avec mon Chaxi. Ambiance automnale avec un Oolong torréfié. Jarre qinghua ancienne avec le caractère chinois du double bonheur. Bonheur du thé qui s'y bonifie et du lien fraternel qu'il crée. Le coeur est au centre du thé.

Hung Shui Oolong de Yong Lung du printemps 2014

(Note: les liens avec les autres blogs ont disparu par enchantement de la colonne de droite. La semaine prochaine, je vais devoir les remettre un à un dans mon système et j'espère n'oublier personne...)