Mon petit bonsai de bambou était devenu trop touffu et je profitai d'une infusion d'un Oolong torréfié pour couper le trop plein de branches. Deux conceptions esthétiques s'affrontent quant à la beauté du bambou à Taiwan. Les couches populaires privilégient l'abondance et plus un bambou a de branches et de feuilles, plus il symbolise la richesse. Mais parmi l'élite culturelle, la beauté du bambou est plus austère. C'est la plante qui s'élève avec finesse vers le ciel. Elle sait résister aux puissants éléments sans casser, mais souvent en courbant l'échine et en souffrant. On aura compris que le bambou représente le lettré lui-même, plutôt solitaire, et menant la vie simple du juste, mais soumis aux caprices des autorités. On peut alors tailler le bambou pour qu'il ne reste plus que quelques branches en fière et digne souffrance.
L'étranger que je suis choisit la voie du milieu, à moins que ce ne soit une troisième voie: je taille sans donner un caractère trop austère, et je décore le Chaxi des branches coupées. La nature est plus présente dans le Chaxi ainsi.
A quoi cela vous fait-il penser? Au calme qui règne après une tempête, quand les arbres ont perdu une partie de leur feuillage?
Ou bien est-ce un symbole du cycle de la nature? Il n'y a pas de vie sans mort. Pour grandir, ce bambou a besoin d'humus, de terre enrichie de feuilles mortes qui se décomposent. Déguster ce thé est aussi un moment de vie où nous consommons des feuilles oxydées et séchées pour y trouver un plaisir tout particulier. Mais le prix du plaisir est la mort de ces feuilles: à force d'infusions nous les séparons de leur âme, leurs arômes!
Au final, je suis bien content d'avoir fait cet élagage. Le bambou est une plante qui a soif et j'en ai cramé plus d'un lors de précédentes vacances. Or, cette année, mon bonsai a survécu mon absence durant le Nouvel An chinois. Avoir moins de feuilles et de branches à nourir lui a certainement permis de survivre avec moins d'eau. Pour bien vivre, il faut savoir élaguer le superflu et revenir à l'essentiel.
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