Thursday, December 10, 2020

Trouvé dans la contemplation

Ce titre fait écho au dernier vers du troisième poème de Du Fu (poèmes de jeunesse aux éditions Les Belles Lettres). Plusieurs vers de ce poème résonnent avec cet Oolong Beauté Orientale dans les monts du Wenshan. Du Fu parle de "la vue offerte par la Tour du sud :

les volutes de nuages relient l'océan au Taishan,

surplombant des champs verdoyants à l'infini"

Certes, ce lieu ne permet pas de voir l'océan, mais il est à moins de 20 km d'ici! Les nuages blancs ont leur origine là-bas. Et, même en cette fin d'automne, les forêts subtropicales et les plantations de Oolong restent vertes à perte de vue! C'est ce qui m'étonne toujours le plus à Taiwan: les hivers sont verts!
Dans ce pavillon dominant ce paysage grandiose, je n'ai qu'une envie: déguster des thés à la mesure de ce lieu. Après un Wenshan Baozhong de printemps pour communier avec le terroir, j'ai donc infuser un OB de cet automne pour communier avec la saison et me réchauffer en cette fin d'après-midi!  
Ce thé Oolong à forte oxydation de Hsin Chu est fait avec le cultivar le plus approprié pour ce thé, le qingxin dapang. C'est pourquoi, il a un équilibre entre senteurs et goût. Et comme ses feuilles aux 5 couleurs (son autre nom chinois) sont très belles, il y en a pour les 3 sens principaux du thé!
Il est à peine 15h30, mais le soleil va bientôt disparaitre derrière la montagne. Et là, ce sont les deux derniers vers du même poème de Du Fu qui résonnent:

"Que de vestiges antiques nous ont été légués!

Seul j'hésite à partir, perdu dans la contemplation."

Ce thé et les accessoires de mon Chaxi sont clairement des héritiers de la riche histoire du thé chinois. La porcelaine remonte aux Han de l'Est, le thé aux Tang, ce thé en particulier à l'occupation japonaise (1895-1945), le gaiwan aux Ming, le Nilu blanc et le panier d'osier aux Qing...

On pourrait aussi boire une canette de soda ou une boisson aux arômes artificiels pour se désaltérer en ce lieu. Mais ce serait rater une occasion de célébrer la culture du thé et de faire vivre ce riche héritage que des générations ont perfectionné et nous ont légué! 

Au lieu de me sentir perdu dans une modernité coupée d'un passé à l'abandon, en ruines, j'éprouve une satisfaction de trouver dans le thé les racines d'un sentiment poétique universel. La beauté du Chaxi est un moyen d'exalter cette satisfaction et de célébrer quotidiennement, dans notre vie présente, la gratitude pour ces legs du passé!
Du Fu se sent perdu car il voit que le lien entre le passé et son présent est coupé. Grâce au thé, nous pouvons faire l'expérience inverse et chaque belle et bonne coupe de thé que nous infusons est un homage à cette longue tradition.

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