Tuesday, April 23, 2024

Le thé est baroque comme la musique de Sven Schwannberger

Comme un bon thé dont le goût vous reste longtemps en bouche, la joie de certaines rencontres continue de résonner plusieurs jours après qu'elle a eu lieu. C'est le cas avec Sven Schwannberger, un musicien allemand passionné par la période Baroque. J'écoute son exécution de Il Vero Modo, des sonates pour 'flauto e cembalo' de Georg Friedrich Händel (1685-1759). (On trouve ce CD sur Spotify avec la recherche 'Handel flauto', mais pas avec le nom du musicien!)
Grâce à son généreux cadeau, j'ai le plaisir d'infuser un Oolong de ShiZhuo tout en écoutant ces magnifiques sonates. Je suis aux anges! Ce ne sont pas que les arômes frais et légers du Oolong de haute montagne qui répondent aux notes claires et enjouées de la musique. En lisant le livret, je me rends compte de combien le thé et la musique sont universelles et ne connaissent pas les frontières.

Avec Händel, nous avons un compositeur allemand qui habite et compose à Londres, fortement inspiré par un voyage d'étude en Italie (où il rencontra notamment Gasparini, Corelli, Scarlatti...) et qui joue avec de nombreux instruments français! L'art Baroque était déjà Européen. Et même si chaque pays y mettait son style, il y avait un dialogue et des influences croisées, se répondant les unes aux autres.
Pour arriver à retrouver toute la justesse, la finesse et la force de l'époque, cela demande un travail de recherche immense. L'utilisation d'instruments d'époque n'est pas une mince affaire non plus. Il faut retrouver des instruments d'époques, obtenir l'autorisation de les utiliser, mais aussi s'assurer qu'ils sonnent juste et qu'ils conviennent à la partition.
Sven me dit que ce CD fut le fruit de beaucoup de travail et de recherche. Il y a tellement de travail dans cette musique que c'est impayable, car ce n'est pas rentable. C'est un travail de jeunesse, de passion et de recherche de perfection. Et en musique, la perfection c'est d'arriver à faire sonner simplement et naturellement des notes qui demandent une grande technicité dans le jeu. 
Quelle joie et quelle harmonie dans ces notes! Danke!
Pour notre rencontre, j'ai infusé mon Zhengjian Tie Guan Yin d'Anxi dans une théière Yixing de la fin de la dynastie Qing décorée de falangcai (utilisant une technologie importée d'Europe!). Cette théière est contemporaine de la Maison Lin et de ses jardins où nous nous rencontrâmes. Les tasses en porcelaine De Hua (du Fujian) réhaussent la couleur du Oolong torréfié par un maitre de thé Taiwanais. Les soucoupes et le zafang (le bol à eaux usées) proviennent du Japon, comme Sven l'a reconnu! Et l'assiette qinghua est également ancienne, mais chinoise. 

Ainsi, pour ma préparation de thé dans ce cadre Taiwanais de la fin du XIXe siècle, j'essaie également d'utiliser des accessoires d'époque (ou avec du vécu) et d'origines diverses. Mais je fait bien attention que ces accessoires respectent au mieux les feuilles de thé. Elles agissent comme la partition et il s'agit de les dénicher à la source, là elles sont le plus authentiques!
Sven Schwannberger
Quelques moments plus tôt, j'avais débuté notre dégustation par un BiLuoChun de SanHsia, le thé vert le plus connu de Taiwan. Inspiré par un thé de Suzhou dans la province du Jiangsu, ces feuilles proviennent d'une plantation située à moins de 20 km de ce jardin! Et ce fut la première récolte de l'année, la plus fine.
Pour ce thé, je choisis une méthode très pratique et élégante: l'infusion et la dégustation en gaiwan!
Cela permet de bien voir l'ouverture des feuilles et de remplir trois gaiwan d'un coup, un par personne. Puis, chacun déguste à sa guise. En effet, si porcelaine refroidit vite, cela permet au thé vert de ne pas trop infuser. Et l'émaille de la porcelaine n'absorbe pas les fins arômes du thé vert.
Chaque feuille demande le bon instrument! 
Thé et beauté baroques, éternelles. Leur inspiration est le monde raffiné. 
Mais cette éternité est comme une flamme. Elle a besoin d'être chérie et transmise.

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