C'est toujours un dimanche spécial quand j'arrive à trouver du temps pour aller au cours de Teaparker. Hier fut encore plus mémorable que d'habitude.
Le cours commença avec un Long Jing du 15 avril 2006. Teaparker recommanda d'en mettre très peu afin de goûter à la complexité des goûts légers. Eau bouillante qu'on laisse reposer un peu. Pour contrebalancer cette haute température, on verse l'eau très doucement sur les parois du gaibei ou de la théière en évitant de toucher les feuilles directement. L'infusion me parut assez longue, 40 secondes à 1 minute pour la première. Trois infusions maxi. Mais quel résultat! Une fraicheur de printemps parfaite pour la température qui flirte avec les 26 degrés.
On fit ce thé dans 2 théières en argent. Je ne résiste pas au plaisir de vous remontrer celle qui donna le meilleur breuvage.
Pendant que nous dégustions le thé, Teaparker nous parlait de l'histoire du thé. Lors de son voyage récent en Chine, lui et quelques autres étudiants sont allés au musée national du thé. Celui-ci renferme des poteries datant d'il y a plus de 7000 ans, et des porcelaines de 2000 ans.
Il parla aussi de Lu Yu, originaire du nord de la Chine et qui vint pérégriner dans la région de Jiang Su et du Zhe Jiang. Mais à l'époque les nom des villes et des provinces étaient différents, ce qui rend la lecture de son Cha Jing difficile, voire impossible sans notes. Ainsi, Yixing s'appelait Yang Xian et était déjà connue pour... son thé! Mais avec le thé se développa plus tard la fabrication des théières. En fait, à cette époque, un des thés les plus traditionnels et anciens venait du Sechuan! Teaparker a demandé à un ami de lui en ramener pour nous le faire goûter...
Je vous parlerai du reste de la leçon un autre jour. Venons-en au summum de la journée. Comme souvent, tout se passa par hasard. Nous êtions en train de parler de ses 4 articles concernant les pièges dans le marché du Puerh (cf mes 2 articles avec traductions en anglais). Il nous montra qu'il fut l'un des premiers à parler de puerh dans son livre de 1995. La-dedans, il nous montra une reproduction d'une ancienne marque de puerh appelé Tong Qing Hao. A l'époque, il fit le tour des marchands de puerhs de Hong Kong, Macao... mais ne pouvait pas trouver d'anciennes galettes de cette marque. Mais, miracle, on en trouve maintenant! Ce même tampon que dans son livre est utilisé en grand comme motif d'impression sur les emballages de telles galettes ou briques. Pour lui il s'agit clairement d'une arnaque. C'est comme si un ébéniste gravait un ancien blason sur un meuble (récent ou ancien) pour le faire passer pour un objet ayant une qualité ou un âge supérieur à la réalité.
Un des puerhs les plus mythiques, à cet égard, est la galette Sung, en référence à la dynastie Sung. Certains prétendent qu'il existe encore des galettes de puerh de cette époque. Qu'en est-il? C'est bien sûr faux, nous dit Teaparker! Par contre, parmi ces galettes, prétendument Sung, on trouve des faux puerhs qui remontent à plus de 50 ans. (Il existe bien sûr aussi des copies plus récentes!). Or, Teaparker nous surprit en nous demandant si on voulait y goûter. Il en a acheté une il y a 20 ans déjà. A l'époque, cette galette devait déjà avoir 30 ans! (Teaparker m'a interdit de le photographier, de peur d'être cambriolé. Sa résidence principale vient de recevoir la visite d'un voleur de luxe durant son voyage en Chine: il a perdu de nombreux objets précieux et veut être plus prudent. C'est aussi pourquoi j'écris en français. Cette galette est assez inestimable. Il y a quelques années, une telle galette fut adjugé à 5000 Euros lors d'une enchère. Avec la fièvre du puerh actuel, elle en vaut surement 4 fois plus aujourd'hui.
La première infusion de Teaparker fut particulièrement forte et concentrée. Il l'a peut-être un peu exagéré pour nous choquer avec ces goûts intenses de bois anciens, un peu de fraicheur et ensuite un qi puissant. Pour moi, c'était trop fort. J'avais l'impression de m'être transformé en termite et de m'attaquer à un bois chez un antiquaire chinois. Les parfums de vieux bois étaient complexes. Le puerh n'était pas encore entièrement moelleux comme j'ai pu en boire d'autres vieux, mais avait encore un goût un peu âcre, dénotant qu'il n'a pas encore fini de vieillir. Mais à part cela, l'autre particularité fut sa pureté. Il n'y avait pas de mélanges de goûts et de parfums, mais grande unité. La seconde infusion fut la meilleure, ni trop forte, ni trop faible. J'appréicais enfin les parfums et pouvais savourer la nostalgie du vieux bois. Mais son finish était assez rapide, ce qui fit dire à Teaparker que ce n'est pas forcément un très très bon puerh, malgré son âge (et son prix). Je pense bien avoir l'occasion de boire mieux quand j'aurai 80 ans!
Bonjour Stéphane,
ReplyDeletetu me surprends toujours pour l'assiduité avec laquelle tu nous communique tes expériences, merci!
Je serai toujours très prudente dans mes achats de pu erh, j'en apprends un peu plus grâce à toi.
Sur la côte ouest au Canada, il ne fait jamais très chaud, du moins rien de comparable à Taiwan. Il va falloir que j'attende le mois de juillet pour pouvoir vraiment apprécier le nouveau long jing.
Je meurs d'envie de visiter le musée national du thé.
ReplyDeleteJe suis allée au musée "Flagstaff House Tea Museum" lors d'un séjour à hong kong et c'était extraordinaire mais un peu petit.
Ce sera peut être ma prochaine aventure...
Pour qui aurait envie de lire Le Cha Jing de Lu Yu, il y a désormais depuis un peu plus d'un an une traduction en français de Véronique Chevaleyre : Le Cha jing ou Classique du thé chez Jean-Claude Gawsewitch Éditeur à Paris. Il s'agit d'un très beau petit livre bien illustré et le texte est accompagné de façon très commode dans la marge de toutes les notes nécessaires à sa compréhension. Le tout pour 21 euros !
ReplyDeleteJe suis surpris que Teaparker infuse ce thé en théière avec un aussi bon résultat!
ReplyDeleteEst ce que la théière en argent retient moins la chaleur qu'une en terre?
Pourrait on utiliser pour les thés verts outre le sacro saint gaiwan
une théière à paroi fine (en porcelaine,ou la zhuni baotai!),sans prendre le risque de dénaturer la délicatesse du thé.
Je reste perplexe, qu'en penses tu stéphane?
Luc,
ReplyDeleteYves, qui a lu Cha Jing, te dira comme Teaparker me l'a dit, que Lu Yu conseille d'utiliser de la vaisselle à thé en or ou en argent pour les meilleurs résultats.
Ces métaux conduisent la chaleur de manière bien plus intense que la glaise ou la porcelaine. Impossible de toucher l'anse de la théière chaude sans se bruler. Il faut un tissu.
Ce jour-là, on a aussi fait le Long Jing dans une autre théière d'un argent moins pur, et le résultat fut moins bon. C'est donc que l'argent pur a des propriétés 'filtrantes' qui adoucissent, purifient le bon Long Jing sans le surcuire. La surcuisson dans une théière en argent serait possible/probable pour un thé vert chinois de qualité moindre ou d'un japonais, plus fragile de part sa fabrication.
Sinon, oui, pour nous, le commun des mortels, un gaiwan aux parois fines, vore une zhuni baotai si l'on préfère les théières, serait l'instrument idéal pour ce type de thé. Le verre, pourtant populaire en Chine pour le thé vert, ne donnera pas d'aussi bons résultats (voir mon test de l'an passé avec du Long Jing justement).
Merci stéphane pour ces précisions, très instructif. (je m'en vais de ce pas acheter cette traduction du Cha Jing de Lu Yu !)
ReplyDeleteJ'ai goûté ce Long Jing aujourd'hui, quelle fraîcheur, quelle belle surprise, j'avait pourtant depuis quelques jours un Lung Jing que mon détaillant de Montréal venait de recevoir frais et excellent, mais le thé ramené par Teaparker beaucoup plus long en bouche, plus riche dans la palette aromatique, a fait vraiment la différence. Un must, merci Stéphane.
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