Friday, August 17, 2007

Thé rouge de la Côte Est de Taiwan

Un bon thé est la rencontre d'un bon sol, d'une bonne météo et d'un savoir-faire humain. Dans le nord de Taiwan, on a le Baozhong, autour de Hsin Chu la Beauté Orientale, près de Lugu, le Oolong de Dong Ding torréfié et sur les plus hautes montagnes les Gao Shan Cha. Chaque fois qu'un producteur d'une région essaie de copier exactement le thé d'une autre région, il produira un thé d'une qualité inférieure à l'original. Ce n'est que lorsqu'il arrive à utiliser les caractéristiques de sa région à son avantage que son thé deviendra intéressant. Un exemple récent dans mon blog est le Guei Fei Cha, le thé de la Concubine de Feng Huang. Ce n'est pas une simple copie de Beauté Orientale (comme on en trouve aussi autour de Lugu), mais plutôt un Dong Ding d'été amélioré grâce à une méthode de plantation inspirée de ce qui se fait pour la Beauté Orientale.

J'ai aujourd'hui le plaisir de vous parler d'une autre innovation de thé à Taiwan. Il s'agit d'un thé rouge de la Côte Est de Taiwan. Commençons donc par un peu de géographie: Taiwan est une ile très montagneuse avec un long massif qui s'étend pratiquement du nord au sud et qui coupe l'ile en deux. A l'ouest, faisant face à la Chine, on a une assez large plaine qui regroupe environ 90% de la population et pratiquement toutes les industries. A l'est, face au Pacifique, la zone habitable est bien plus restreinte, si bien que cette zone est bien moins développée et donc plus sauvage.

Il y a d'ailleurs aussi une raison climatique à cela: 99% des typhons viennent balayer Taiwan d'est en ouest. Celui que nous attendons demain est un bon exemple. C'est donc la Côte Est la plus touchée par les pluies et les vents. La chaine de montagne au centre -elle monte jusqu'à près de 4000 m- absorbe ensuite le gros des tempêtes, si bien que l'Ouest du pays est plutôt épargné.

La seule véritable 'industrie' sur la Côte Est est le tourisme, car les paysages y sont vraiment fantastiques. La première fois que j'y suis allé, j'étais tellement sous le charme que j'ai eu envie de m'installer là-bas pour ma retraite!

Voyons comment ce thé rouge (qu'on appelle noir en Europe) convient très bien à la Côte Est. Il est fait à base du théier Da Yeh (grande feuille) Oolong, un théier taiwanais qui résiste bien aux conditions difficiles de Hua Lien. De plus, comme les terrains ne sont pas grands, il ne s'agit pas d'y faire du thé de plaine récolté mécaniquement et bon marché comme à Mingjian. Au contraire, les planteurs ont eu la bonne idée d'en faire un thé de qualité. Comment? Justement, en utilisant l'atout de la Côte est: ses terrains montagneux (entre 600 et 1000 mètres) et sa nature luxuriante.

Les plantations n'utilisent pas de pesticides afin de favoriser la multiplication des Jacobiasca formosana Paoli, ces mêmes petits criquets qui mordent la Beauté Orientale et le Guei Fei. Ils jouent le même rôle pour développer des arômes intenses de manière naturelle. C'est une technique 'bio' de mieux en mieux maitrisée à Taiwan (l'exemple du Guei Fei ci-dessus n'était pas pris au hasard). L'oxidation est ensuite poussée à pratiquement 100% afin d'obtenir un thé rouge particulier plutôt qu'une copie de Beauté Orientale. Cette oxidation complète convient aussi mieux à ces feuilles qui ont grandi dans des conditions plus extrèmes.

Les feuilles sèches sont longues et noires. Les bourgeons oranges montrent que l'oxidation est à point (99%).

Ouvertes, on voit que les feuilles sont entières et donc seront moins astringentes que des feuilles coupés. On voit aussi que leur couleur n'est pas complètement rouge, ce qui confirme l'observation sur l'oxidation à point.

La couleur du thé varie en fonction de la profondeur. Sur la cuillère à dégustation, elle est d'un or brillant et pur. Dans la coupe de dégustation, la couleur est rouge, brillante et d'une très bonne transparence.

Les odeurs se rapprochent de celles de la Beauté Orientale, fruitées, mielleuses et intenses. J'y sens les mures, la cannelle, les pommes rouges...

Au niveau du goût, il y a bien un petit côté acidulé et une petite astringence typique du thé rouge, mais elle est plus que compensée par son moelleux et sa rondeur. Tout comme un Oolong, c'est un thé rouge que l'on peut boire sans sucre ni lait. Il a aussi une bonne présence en bouche. Son odeur et son goût sucré persistent longtemps.

Paramètres de dégustation: 4 grammes pendant 5 minutes dans un set de dégustation en porcelaine de 12 cl.

Synthèse de dégustation: Le thé rouge est plus unidimensionnel qu'un Oolong ou qu'un puerh. Cela peut être un peu monotone pour un gongfu cha répété de nombreuses fois. Mais ce thé rouge a de vraies qualités et un registre de notes de fruits rouges qui plairont beaucoup à ceux qui apprécient les thés anglais/indiens et cherchent à se passer de sucre. Conclusion: la première fois que j'ai goûté à ce thé, on m'avait offert un échantillon de qualité exceptionnelle: les odeurs étaient celles du Chanel numéro 5. Vraiment incroyable. D'ailleurs, bien que tout récent, ce thé s'est déjà distingué à Taiwan en remportant une importante compétition de thé. Avec une bonne combinaision des 3 éléments fondamentaux: le sol, le climat et le savoir-faire, ce thé rouge a tout pour devenir un nouveau classique de Taiwan.

7 comments:

  1. C'est quoi son petit nom ? Magnifiques photos, quelle couleur de la liqueur dans la cuillère !!!
    Personnellement j'adore les thés rouges, indiens, mais surtout chinois...ceux à toutes petites feuilles comme le Qimen, aux notes chocolatées, miel, rose...Celui-ci me séduit aussi énormément...

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  2. J'ai eu le bonheur de découvrir un échantillon de ce magnifique thé, via ma dernière commande auprès de Stéphane, avec mon compagnon - qui le désigne depuis comme "son thé préféré - et un de nos amis, qui lui aussi a été conquis !
    Notre dégustation se fit avec une théière en porcelaine très fine de 60 cl avec la moitié du sachet (je l'avoue, cette fois-ci je n'ai pas pesé le thé) avec une eau à 92 degrés. Nous avons effectué 4 infusions successives.

    Apparence des feuilles sèches : noires, avec la particularité suivante : certaines revêtent une apparence dorée !

    Odeur des feuillles infusées : surprise : gâteau à la rhubarbe très prenoncé ! S'ajoutent des notes de prunes et d'abricot compotés ... Hum ! La dégustation était fort prometteuse !

    Arôme de la liqueur : sucrée et légèrement acidulée, une acidité cependant très acceptable (comme le souligne Stéphane) de fruit - miel, avec rhubarbe - beaucoup de rondeur ...
    La 3ème infusion révèle la saveur d'un noyau de pêche ... nous avons réservé le reste de cette infusion pour le plat du soir : une sorte de massalé de canard avec du curcuma et ce fond de sauce au thé rouge : une merveille !
    La 4ème infusion était moins arômatique - je pense que le grammage de thé était peut-être insuffisant pour la taille de la théière, vu que Stéphane a mis 4 grammes pour 12cl ... - mais traduisait une très bonne longueur en bouche, toujours dans les mêmes notes onctueuses avec la caractéristique de saveur de chair de pêche qui émanait des papilles extérieures au fond de la langue (sensation très précise !) : véritablement nous avions comme mangé une pêche il y a quelques minutes. Magnifique.
    Voilà .... en écrivant ce compte-rendu, l'évocation de ce souvenir me titille au point que je vais finir l'échantillon de ce pas en attendant l'arrivée de ma prochaine commande avec grand plaisir : cf. je n'ai pu m'empêcher d'ajouter à cette dernière ce délicieux thé que Stéphane nous a déniché ! Merci Maître !
    Je souhaite à tous émerveillement et bonheur à la découverte de "ce dernier". Le Maître, le thé ?! ... A vous de choisir, si il y a à choisir !

    Hélène

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  3. Lionel,
    Son nom chinois évoque une de ses odeurs. Je trouve cela un peu trop restrictif. Quand on lit tout ce que Hélène y trouve, je ne veux pas limiter et/ou orienter l'imagination des buveurs de ce thé vers une seule de ses dimensions. Je dirais que son nom français reste encore à inventer. Peut-être auras-tu une suggestion...

    Et puis merci à Hélène pour ces notes de dégustatins si détaillées.

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  4. Hey Stephane,

    Well I didn't understand a word of your post but I liked the pictures... :) of Tea cups...there is something special...

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  5. J'ai vu ce thé dans ta sélection et j'attendais que tu en parle avant d'en commander. Ce thé m'intriguait.Vu ce que dit Hélène je ne tarderais pas.
    Ma commande est partie il y a 1 heure et je n'ai pas regardé ton blog,dommage, ce sera pour plus tard en espérant que notre fournisseur préféré en a en stock.
    C'est bien de mettre dans ta sélection ce type de thé (que tu situe géographiquement bien) qui nous
    permet de voir quelque chose de différent et pour moi inconnu (thé rouge de Taïwan).

    Bernard

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  6. Ce thé me rappelle un thé rouge chinois, le Qi Men hong mao, avec des notes un peu plus subtiles et pures.
    En gong fu cha, son gout ne varie pas énormément lors des infusions, mais une certaine astringence (pas déplaisante d'ailleurs) disparait au fil de celles-ci. Comparé à l'autre thé rouge de la sélection (à base de Luanze Oolong), il me semble plus classique, plus "rouge" que "oolong" disons. Le thé à base de Luanze par contre se rapproche plus d'une Beauté Orientale, plus un gout de fruits de bois rouges bien prononcé. Pour ma part, j'ai une certaine préférence pour le Luanze rouge car il me déroute plus que celui à base de Da Ye. Je vous épargne mes notes de dégustations: Hélène à déjà tout dit avec beaucoup de justesse!

    Je suis heureux de voir que ce type de thé connait un certain succès à Taiwan. Je pense que je ne suis pas le seul à tendre plutot vers des Oolong plus oxydés, moins verts que ce qui ,selon Stéphane, est au gout du jour actuellement à Taiwan.

    David

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  7. Première commande chez Teamaster, première dégustation et première surprise! Je précise que je suis néophyte dans "la voie du thé", mais je dois dire que dès l ouverture du sachet, j'ai été stupéfait par le parfum (le terme lui va si bien) de ce thé.
    J'ai plutôt l habitude de déguster des darjeeling, dont à mon gout le plus grand défaut est la difficulté à préparer : l' amertume (bien que parfois agréable) est difficile à maitriser et peut donc parfois masquer la subtilité des aromes.Avec ce thé,pas de problème, il tient bien les longues infusions et le résultat est surprenant.Je ne m'attarderai pas sur le compte rendu de dégustation: mon inexpérience m'empêche de détailler avec des mots les très agréables sensations que j'ai ressenti.(voir la description d' Hélène !).

    Steeve

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