Geneviève m'a offert cette coupe lorsque nous nous sommes rencontrés pour son exposition au musée d'Yingge. (Ce fut même un échange, puisque je lui avais donné quelques thés de ma sélection).
D'après les articles que Geneviève met sur son blog, je vois qu'elle est très curieuse et exploratrice de toutes les possibilités de la céramique. Elle aime notamment la recherche des couleurs et des matières avec ses émaux. Ses formes aussi sont très libres et d'inspirations très variées.
Ici, par exemple, la coupe repose sur six pieds, un peu comme un poulpe. Elle en est surélevée, ce qui est très pratique lorsque l'on boit à même le sol. La stabilité de la coupe est bonne, mais cette forme inhabituelle est un peu dérangeante pour l'oeil et l'esprit. Dans un moment de "zen caché", n'a-t-on pas plutôt envie d'une plus grande harmonies des lignes? Néanmoins, j'apprécie cette idée de vouloir séparer le thé du sol et de l'élever vers le ciel, comme le ferait un Cha Tuo (une soucoupe).
Comme je le montre à propos du tableau Couleurs d'automne sur les monts Chia et Hua, l'art chinois classique évolue en puisant dans le passé. Cela reflète la philosophie confucéenne de respect des anciens et des traditions.
Or, si j'aime tout particulièrement cette coupe-ci, (Geneviève, tu l'as bien choisie!) c'est car elle n'est pas pas totalement sortie de nulle part. Ses couleurs brunes foncées sur blanc écru nous renvoient aux céramiques de cizhou.
De plus, dans la coupe, ci-dessous, on retrouve un poisson, motif utilisé fréquemment depuis la dynastie Yuan. Sa prononciation en chinois est similaire à celle du mot 'abondance'. Le hasard de la cuisson a laissé éclater une bulle de l'engobe blanche au niveau de l'oeil. Cet effet fortuit et fort à propos rend cette pièce unique.
Cette coupe mêle donc des inspirations anciennes et des formes nouvelles. Mais c'est aussi un objet qui pousse à s'interroger: jusqu'où peut-on aller dans l'innovation? Tous les chemins ne mènent pas à Rome (ou au thé.) Avec trop de modernité, de créativité on risque de créer des objets qui ne correspondent pas aux attentes d'un paisible buveur de thé. Mais d'un autre côté, si la coupe n'est qu'une reproduction industrielle alors elle risque de perdre son âme et son unicité. Trouver le juste milieu. Le travail à la main reste essentiel pour créer des objets vivants.
(Merci encore à Geneviève pour cette coupe et toutes les reflexions que son travail d'artiste ont pu susciter.)
Ses couleurs brunes foncées sur blanc écru nous renvoient aux céramiques de cizhou.
ReplyDeleteCela me fait aussi penser à certaines céramiques de Seto (Japon.)
Jusqu'où peut aller l'innovation ?
Question de goût avant tout, même si certaines céramiques modernes vont trop loin pour moi, s'éloignant trop de leur design originel. C'est pour ça que j'aime beaucoup le travail de Ginkgo, ou de Petr Novak, qui respectent leurs ainés, tout en apportant aussi leurs touches personnelles.
Bonjour Stéphane,
ReplyDeleteTu poses ici une question de fond sur le sujet de l'innovation.
Si nous regardons dans l'histoire, la préparation du thé et son façonnage ont évolué. C'est une succession de changemenst et d'innovations.
D'un autre côté, à notre époque nous essayons de nous accrocher à la tradition en se disant : "les anciens ont le savoir, la connaissance".
Le progrès c'est deux pas en avant et un pas en arrière. C'est explorer les sentiers pour se rendre compte que certains sont des impasses et d'autres de futures voies.
Je pense qu'il est nécessaire de na pas renier les racines du Thé, celles qui ont fait leur preuves, celles qui touchent une vérité, celles qui sont nécessaires.
Ancré à ces racines, il est plus facile d'opérer des changement, des innovations.
Amicalement
Nicolas
Merci David et Nicolas. Il est intéressant de voir que les buveurs de gongfu cha sont plutôt tradition!
ReplyDeletemerci Stéphane pour ton article et ton ressenti sur cette coupe . je trouve très intéressant les questions qu'elle a fait naître !...en fait moi aussi je cherche , je tâtonne...et je pense que mon travail reflète aussi ce cheminement . D'autre part j'aime aussi assez pousser les limites et ce moment où les choses sont comme "suspendues" et trouvent une sorte d'équilibre entre stabilité et déséquilibre ...je pense que c'est le propre des choses en mouvement quand on les saisit juste à un instant de leur évolution.
ReplyDeletec'est mon sentiment mais on peut aussi voir les choses différemment ! :) à mon tour de me plonger dans tes thés et d'y découvrir...le passé et le présent
Merci pour ton commentaire, Ginkgo. Nous avons la chance de pouvoir nous inspirer de tant de pièces anciennes, de nous procurer tant de matériaux et accessoires différents. Autrefois, les potiers étaient limités à utiliser la glaise de leurs alentours et n'avaient pas de musées ou de livres avec photographies.
ReplyDeleteEt pourtant, malgré ces limitations, durant les dynasties Tang et Sung, ils ont produits des chefs-d'oeuvre. Cela devrait être matière à inspiration!
très juste !!!!
ReplyDeleteLa question que l'on peut se poser est quel est l'élan qui détermine l'innovation ?!
ReplyDeleteQuels sont les choix que le créateur, l'artiste laissent mûrir en lui et qui, par leur synergie, pendant le temps de la gestation du projet, révèlent, donnent naissance à la création innovante ?
L'innovation peut aussi naître d'éléments prioritaires, qui prennent en compte les paramètres propres aux préoccupations, aux besoins, reflets d'une époque et/ou de la singularité du regard et de la personnalité de l'inventeur ... encore une expression d'un synergie particulière qui pourrait, selon moi, engendrer une innovation ... encore faut-il que celle-ci soit appréciée, interprétée en tant que telle par les contemporains observateurs ou bénéficiaires pour être interprétée comme une innovation ?! ....
Merci pour tes reflexions, Hélène. Pour moi, très simplement, la fonction première est d'améliorer le thé. Il faut d'abord se préoccuper de tester que la coupe et le thé se combinent bien ensemble.
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