Tuesday, March 03, 2015

De la visite en quête de thé et de technique


J'ai beaucoup de sympathie pour Benoit car c'est un jeune Français qui, comme moi il y a 18 ans, cherche à s'implanter à Taiwan par amour pour Taiwan et, plus particulièrement, l'une de ses citoyennes! Cela fait donc quelques mois qu'il est immergé dans la vie locale et qu'il poursuit une de ses passions, le thé! Et c'est pour cela qu'il est venu me (re)voir il y a quelques jours, à l'occasion d'une commande.

Benoit m'a dit qu'il avait un Oolong à me faire goûter... De mon côté, j'avais retrouvé un petit reste de Da Yu Ling de printemps 2014 et je pensais qu'il serait intéressant de le comparer à mon Da Yu Ling d'hiver. Une dégustation en parallèle du même thé de 2 saisons différentes permet d'identifier plus facilement les caractéristiques propres à chacune de ces saisons. 

Et pour infuser cet Oolong non torréfié, j'avais choisi ma théière en argent. Elle est neutre comme la porcelaine, mais elle retient mieux la chaleur et permet d'intensifier goûts et arômes. Peu de feuilles suffisent. Et pour Benoit, c'est une occasion spéciale de pouvoir goûter à du Oolong infusé avec une telle théière.
En fait, son thé vient de Yu Shan, la montagne Jade, la plus haute montagne de Taiwan avec 3,952 mètres. Cest aussi un parc national et la plupart de ses terres appartiennent à l'Etat. Les plantations y sont donc rares et plutôt en contre-bas de la montagne, sous les 2000 mètres d'élévation. Sur son paquet, on n'a juste ce nom, mais aucune indication sur la saison ou l'année de la récolte, le cultivar, l'élévation.

L'examen des feuilles sèches et leur comparaison avec mes 2 Da Yu Lings nous permet de déduire qu'il s'agit d'une récolte d'hiver. Ses feuilles apparaissent un peu moins fraiches. Peut-être s'agit-il d'une année plus ancienne ou bien le séchage fut-il un peu plus fort?

Nous le testons alors avec ma théière en argent. 1 seule infusion assez longue avec peu de feuilles. Puis, nous infusons mon Da Yu Ling d'hiver de la même manière pour comparer.
Les feuilles de Yu Shan sont en haut à gauche, sur la petite assiette. Elles sont un peu plus oxydées et leur goût est doux et bon au premier abord. Celles de Da Yu Ling sont sur la grande assiette au centre de la photo. Ce thé nous a donné une infusion plus puissante et un goût plus fin, raffiné. La différence de qualité n'est pas que gustative: elle est visible et palpable! Les feuilles de Da Yu Ling sont plus grandes et plus épaisses. Elles ont poussé plus doucement et ont absorbé plus de matière et d'énergie! Certes, Da Yu Ling n'est pas forcément un thé pour tous les jours, mais c'est un étalon qui permet de mesurer la qualité des autres Oolongs de haute montagne!

Puis, hier soir, j'ai reçu deux débutantes (en visite à Taiwan) pour un cours de préparation du Oolong. Comme vous pouvez le voir ci-dessous, je les ai initiées à la pratique du gaiwan! Comment verser directement dans des coupes sans faire (trop) de gouttes à côté?
Pour une première manipulation, elles s'en sont très bien sorties. Les feuilles d'Oolong de haute montagne se sont bien ouvertes et ont donné de belles infusions. Ce qui fut intéressant, ce sont les petites différences de goût du même thé (eau, coupes, gaiwan) infusées par deux personnes différentes.
C'est en prenant conscience de ces différences qu'on fait des progrès dans sa pratique. La maitrise du thé s'apprend en devenant plus exigeant avec son palais. L'expérience du très bon risque, certes, de rendre les saveurs ordinaires plus médiocres. C'est le revers de la médaille. Mais c'est aussi une motivation pour progresser, chercher de meilleures feuilles, des ustensiles plus adaptés et mieux les préparer. Le plaisir d'obtenir des saveurs hors de l'ordinaire est même grandi si l'on prend mieux conscience des breuvages ordinaires.

Il est naturel de voir ses attentes grandir à mesure que son goût se raffine. On devient plus critique, exigeant. Comment alors ne pas devenir snob et élitiste avec une telle attitude? A mon avis, pour garder le plaisir des bonnes choses intactes, il est nécessaire de ne pas en abuser. Sinon, on se lasse même du meilleur thé. Et puis, il y a fort à parier qu'on n'a pas tous les jours le temps et l'énergie nécessaires à la préparation d'un grand thé. Pour ces moments intermédiaires, des thés de gamme moyenne suffisent. La connaissance du caractère des feuilles permet aussi d'adapter ses attentes. Un professeur n'attend pas la même performance d'un enfant de 9 ans ou de 12 ans. C'est pareil pour le thé. L'exigence grandit avec le pédigré, mais on doit savoir redevenir plus indulgent, bienveillant, avec des feuilles plus communes. Il ne s'agit pas de devenir laxiste! Il s'agit de connaitre leur potentiel pour toujours essayer d'en tirer le meilleur.
Choisir du bon thé et de bons accessoires est fondamental pour faire du bon thé. Mais le plus difficile et le plus passionnant pour l'amateur - la personne qui aime - c'est d'instaurer un contact direct avec les feuilles au travers de la préparation. La  thé donne vraiment matière à expérimentation, recherche, amélioration... En recevant ces 2 visiteuses pour ce cours, je me suis surtout appuyé sur le guide TeaMasters de l'infusion du Oolong. Il contient de nombreux conseils pratiques et expliqués. Je l'offre avec toute commande de plus de 60 USD (ainsi que 25 gr de Baozhong 'forêt subtropicale' dans la limite de mes stocks) et une ou plusieurs cartes postales. Et au-delà de 100 USD, la livraison par avion est gratuite.
Chaque détail change notre perception du thé. Ci-dessus, un Cha Tuo en étain donne une tonalité plus fraiche qu'un Cha Tuo en cuivre ancien! Le plaisir du thé commence avec l'étonnement devant de ces variations de perceptions.

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