Friday, June 24, 2022

Le thé dans 'A l'ombre des jeunes filles en fleurs', Marcel Proust


2022 Eté Concubine Oolong de Shan Lin Xi
Ayant terminé le second livre de La Recherche du temps perdu, 'A l'ombre des jeunes filles en fleurs', je vous propose, comme pour 'Du côté de chez Swann', d'analyser toutes les mentions du 'thé' dans cet ouvrage. Cette fois-ci, malgré un récit plus long, je n'ai compté que 20 mentions de notre boisson favorite (contre 22 précédemment). Les numéros de page correspondent à l'édition Livre de Poche.

Pour nous accompagner dans cette aventure littéraire, un Oolong Concubine de la montagne Shan Lin Xi très jeune, du 4 juin, est préparé sur un Chabu rouge de passion et rempli de fleurs à défaut de jeunes filles! 

Page 121: "En attendant, Gilberte me faisait "mon thé". J'en buvais indéfiniment, alors qu'une seule tasse m'empêchait de dormir pour vingt-quatre heures. Aussi ma mère avait-elle l'habitude de dire : "C'est ennuyeux, cet enfant ne peut aller chez les Swann sans rentrer malade." Mais savais-je seulement quand j'étais chez les Swann que c'était du thé que je buvais? L'eussé-je su que j'en eusse pris tout de même, car en admettant que j'eusse recouvré un instant le discernement du présent, cela ne m'eût pas rendu le souvenir du passé et la prévision de l'avenir. Mon imagination n'était pas capable d'aller jusqu'au temps lointain où je pourrais avoir l'idée de me coucher et le besoin de sommeil. 
  Les amies de Gilberte n'étaient pas toutes plongées dans cet état d'ivresse où une décision est impossible. Certaines refusaient du thé! Alors Gilberte disait, phrase très répandue à cette époque : "Décidément, je n'ai pas de succès avec mon thé!" "

Commentaire: Nous n'avons toujours pas plus de précisions sur le thé préparé par Gilberte, mais nous savons qu'il s'agit soit d'un thé en particulier ou bien préparé d'une manière particulière pour le narrateur. Mais nous savons maintenant qu'il s'agit d'un thé contenant une bonne quantité de théine, puisqu'il empêche de dormir et qu'il peut même mener à l'ivresse! Cela indiquerait donc un thé haut de gamme composé d'une grande proportion de bourgeons. Mais le narrateur nous explique pourquoi il ne sait pas quel thé il boit: il ne sait même pas qu'il boit du thé! Soit c'est la présence de Gilberte (la fille de son cœur), soit c'est la demeure des Swann, pour laquelle il est admiratif, qui le met dans cet état un peu hébété!
Remarquons aussi que pour Gilberte, le thé remplit une fonction sociale très utilitaire: obtenir du succès!
Page 122: ""Mais venez donc un de ces jours, me disait-elle, prendre votre thé avec Gilberte, elle vous le fera comme vous l'aimez, comme vous le prenez dans votre petit "studio"", ajoutait-elle tout en s'enfuyant vers ses visites et comme si ç'avait été quelque chose d'aussi connu de moi que mes habitudes (fût-ce celle que j'aurais eue de prendre le thé, si j'en avais jamais pris ; quant à un 'studio' j'étais incertain si j'en avais un ou non) que j'étais venu chercher dans ce monde mystérieux."

Commentaire: Ce passage fait écho au premier livre, quand Odette, la mère de Gilberte, utilisait le thé pour séduire Swann en lui faisant son thé comme il l'aime! Elle transmet sa technique de séduction à sa fille, et cela nous montre qu'elle est bien disposée vis-à-vis du jeune narrateur.

Page 161: "S'il faisait mauvais nous allions au concert ou au théâtre et goûter ensuite dans un "Thé". Dès que Mme Swann voulait me dire quelque chose qu'elle désirait que les personnes des tables voisines ne comprissent pas, elle me le disait en anglais comme si c'eût été un langage connu de nous deux seulement. Or tout le monde savait l'anglais, moi seul je ne l'avais pas encore appris et étais obligé de le dire à Mme Swann pour qu'elle cessât de faire sur les personnes qui buvaient le thé ou celles qui l'apportaient des réflexions que je devinais désobligeantes sans que j'en comprisse, ni que l'individu visé en perdît, un seul mot."

Commentaire: Le premier "Thé" est l'abréviation de 'maison de thé'. On sent une envie d'être à la mode et de simplifier comme c'est le cas pour le café qui désigne autant la boisson que l'endroit où on le sert. Le fait que ce soit entre guillemet montre que cette mode n'a pas pris. Ensuite, l'utilisation de la langue anglaise dans une maison de thé nous rappelle que pour Odette, le thé est une boisson très British (Cf. page 293 du livre 'Du côté de chez Swann'). 

Page 193: "Mais je n'osais pas le (*) faire pour deux raisons. La première est que chez Gilberte on ne servait que du thé. A la maison au contraire, maman tenait à ce qu'à côté du thé il y eût du chocolat. J'avais peur que Gilberte ne trouvât cela commun et n'en conçût un grand mépris pour nous."

*NDLR: inviter Gilberte à goûter

Commentaire: Ce passage démontre que chez Gilberte, le thé est surtout servi car c'est la boisson du prestige et du raffinement. Bien que le chocolat soit, comme le thé, un produit importé et donc assez onéreux, il n'a pas (ou plus) l'aura dont bénéficie le thé.


Page 213: "Enfin au fond de ce jardin d'hiver, à travers les arborescences d'espèces variées qui de la rue faisaient ressembler la fenêtre éclairée au vitrage de ces serres d'enfants, dessinées ou réelles, le passant, se hissant sur ses pontes, apercevait généralement un homme en redingote, un gardénia ou un œillet à la boutonnière, debout devant une femme assise, tous deux vagues, comme deux intailles dans une topaze, au fond de l'atmosphère du salon, ambrée par le samovar - importation récente alors - de vapeurs qui s'en échappent peut-être encore aujourd'hui, mais qu'à cause de l'habitude personne ne voit plus. Mme Swann tenait beaucoup à ce "thé" ; elle croyait montrer de l'originalité et dégager du charme en disant à un homme : "Vous me trouverez tous les jours un peu tard, venez prendre le thé", de sorte qu'elle accompagnait d'un sourire fin et doux ces mots prononcés par elle avec un accent anglais momentané et desquels son interlocuteur prenait bonne note en saluant d'un air grave, comme s'ils avaient été quelque chose d'important ou de singulier qui commandât la déférence et exigeât de l'attention."  

Page 214: "Il y avait toujours près de son fauteuil une immense coupe de cristal remplie entièrement de violettes de Parme ou de marguerites effeuillées dans l'eau, et qui semblait témoigner aux yeux de l'arrivant de quelque occupation préférée et interrompue, comme eût été la tasse de thé que Mme Swann eût bue seule, pour son plaisir ; (...) Dès la fin d'octobre Odette rentrait le plus régulièrement qu'elle pouvait pour le thé, qu'on appelait encore dans ce temps-là le five o'clock tea, ayant entendu dire (et aimant à répéter) que si Mme Verdurin s'était fait un salon c'était parce qu'on était toujours sûr de pouvoir la rencontrer chez elle à la même heure. 

Commentaire: Sur ces 2 pages, le lien entre le thé et la tradition britannique continue d'être mise en évidence avec l'accent anglais d'Odette et l'expression, en anglais dans le texte, 'five o'clock tea'. La fonction sociale du thé est encore plus explicite: à cinq heure, le moment du thé est une distraction et un prétexte pour inviter ses relations sociales afin d'arriver à tenir un salon, c'est à dire faire de son salon un centre de rencontres et de discussions mondaines où la distinction des invités participe à votre renommée. Mais il y a aussi un accessoire nouveau, bien pratique pour servir du thé à ses invités tout au long de la journée: le samovar importé de Russie. 

Page 216: "Comme des feux arrachés par un grand coloriste à l'instabilité de l'atmosphère et du soleil, afin qu'ils vinssent orner une demeure humaine, ils m'invitaient, ces chrysanthèmes, et malgré toute ma tristesse à goûter avidement pendant cette heure du thé les plaisirs si courts de novembre dont ils faisaient flamboyer près de moi la splendeur intime et mystérieuse."

Commentaire: En une phrase, Proust explique le bonheur de la contemplation des chrysanthèmes durant le thé, en novembre! Magnifique! Bien que la passion des fleurs chez Odette n'ait rien à voir avec ses  thés, cette phrase semble suggérer que le narrateur apprécierait certainement la pratique du Chaxi, puisqu'elle combine le thé et les fleurs!


Page 228: "Elle laissait les domestiques emporter le thé comme elle aurait annoncé : "On ferme!" "

Commentaire: Logiquement, puisque le thé est le prétexte pour se réunir en fin d'après-midi, l'action de l'enlever signifie la fin de la réunion!
Page 236: "Si, au moment de quitter Mme Swann quand son "thé" finissait, je pensais à ce que j'allais écrire à sa fille, Mme Cottard, elle, en s'en allant, avait des pensées d'un caractère tout différent."

Commentaire: Voir la remarque précédente. Ici, 'thé' ne désigne ni la breuvage, ni l'endroit (cf. page 161), mais la réunion de fin d'après-midi autour d'un thé.
 
Page 389: "Au moment où ma grand-mère disait au revoir à Mme de Villeparisis et Saint-Loup à ma grand-mère, M. de Charlus, qui jusque-là ne m'avait pas adressé la parole, fit quelques pas en arrière et arrivé à côté de moi : "Je prendrai le thé ce soir après dîner dans l'appartement de ma tante Villeparisis, me dit-il. J'espère que vous me ferez le plaisir de venir avec madame votre grand-mère.""

Commentaire: Voici un nouvel exemple du thé utilisé comme prétexte pour un rendez-vous à quelqu'un qu'on connait à peine. On notera qu'il est obligé de préciser que cela se passera après le dîner et non avant, en fin d'après-midi, comme le veut la tradition britannique.


Page 446: "Il en résultait, outre de nombreux courants d'air, des coups de soleil brusques, intermittents, un éclairage éblouissant, empêchant presque de distinguer les goûteuses, ce qui faisait que, quand elles étaient là, empilées sur deux tables par deux tables dans toute la longueur de l'étroit goulot, comme elles chatoyaient à tous les mouvements qu'elles faisaient pour boire leur thé ou se saluer entre elles, on aurait dit un réservoir, une nasse où le pêcheur a entassé les éclatants poissons qu'il a pris, lesquels à moitié hors de l'eau et baignés de rayons miroitent aux regards en leur éclat changeant.

Commentaire: au lieu d'avoir l'air distingués, ces buveurs de thé sont tellement à l'étroit dans cette galerie étroite et vitrée qu'ils ressemblent à des poissons pris dans un filet! Boire du thé dans de beaux habits ne suffit donc pas pour avoir l'air raffiné. Avoir suffisamment de place est aussi important!
Page 463: "Je me promettais d'aller à son atelier dans les deux ou trois jours suivants, mais le lendemain de cette soirée, comme j'avais accompagné ma grand-mère tout au bout de la digue vers les falaises de Canapville, en revenant, au coin d'une des petites rues qui débouchent, perpendiculairement, sur la plage, nous croisâmes une jeune fille qui, tête basse, comme un animal qu'on fait rentrer malgré lui dans l'étable, et tenant des clubs de golf, marchait devant une personne autoritaire, vraisemblablement son 'anglaise', ou celle d'une de ses amies, laquelle ressemblait au portrait de Jeffries par Hogarth, le teint rouge, comme si sa boisson favorite avait été plutôt le gin que le thé, et prolongeant par le croc noir d'un reste de chique une moustache grise, mais bien fournie."

Commentaire: Ainsi, même si on peut être ivre de thé (cf. page 121), on garde un bien meilleur teint que si l'on est souvent ivre au gin!


Page 591: "Parfois pourtant la pluie trop cinglante nous retenait, ma grand-mère et moi, le Casino étant fermé, dans des pièces presque complètement vides, comme à fond de cale d'un bateau quand le vent souffle, et où chaque jour, comme au cours d'une traversée, une nouvelle personne d'entre celles près de qui nous avions passé trois mois sans les connaître, le premier président de Rennes, le bâtonnier de Caen, une dame américaine et ses filles, venait à nous, entamait la conversation, inventait quelque manière de trouver les heures moins longues, révélait un talent, nous enseignait un jeu, nous invitait à prendre le thé, ou à faire de la musique, à nous réunir à une certaine heure, à combiner ensemble de ces dirstractions qui possèdent le vrai secret de nous faire donner du plaisir, lequel est n'y pas prétendre mais seulement de nous aider à passer le temps de notre ennui, enfin nouait avec nous sur la fin de notre séjour des amitiés que le lendemain leurs départs successifs venaient interrompre.

 Commentaire: Cette dernière mention du thé dans ce livre résume bien l'intérêt du thé à l'époque de Proust. Plus qu'une boisson, c'est le passe-temps raffiné de la haute société française. Inviter au thé et être invité sont ces marques de politesses que s'échangent les dames du même monde, les cocottes aux riches messieurs (cf. Odette et M. Swann), les marquis à des jeunes hommes (cf. Charlus, page 389). Toutes ces relations basées sur le thé peuvent apparaitre jouées, fausses, intéressées... 

Il est intéressant de noter que pendant la période heureuse du séjour du narrateur à Balbec, une fois qu'il a fait la connaissance d'Albertine et de ses amies, il n'est plus question de thé! S'il a mis du temps à faire leur connaissance, il l'a fait sans le truchement du thé. Cela montre qu'Albertine, ses amies et lui sont encore jeunes et que leur relation n'obéit pas (encore) à celles des adultes. Et c'est probablement aussi pourquoi son bonheur fut intense et pur auprès d'elles!
Concubine Oolong d'été 2022

Mes remerciements vont à Olivier Delasalle pour m'avoir invité à ce voyage en groupe: lire La Recherche en un an, à raison de 60 pages par semaine environ.

Wednesday, June 22, 2022

A great discussion about Minimalism applied to tea

Yesterday, I saw a great post about the danger of Minimalist Design on Twitter! So, I tweeted these 4 pictures of tea ware as an answer to the post. My goal was to show that the same movement is also impacting the tea culture. Then, I did a similar post on Instagram and received very interesting answers!

It started a discussion about the difference between simplicity and minimalism. Some pointed out that the simpler, round shapes started very early in Chinese tea culture and that simplicity is often in good harmony with the state of mind of tea brewing. And I do agree that some late Qing wares were a little bit heavy on the decoration!

The question of beauty was raised, but I think that while a simple cup or jar can be beautiful, the excesses of minimalism and/or simplicity lead to a loss of character and loss of culture. The object seems not related to its 'ancestors'. It has evolved so much that it's lost its soul, especially if it's made by mechanical means with industrial clay and glaze. 

The 18th anniversary of this blog continues with 18 products discounted by 18% on the tea-masters.com boutique! Order now, before the promotion ends at the end of the month!

Thursday, June 16, 2022

18 years of blogging


Happy Anniversary to my blog! 18 years! It has reached adulthood! Who'd have thought that it would last for such a long time? I'm the first surprised and I wish to thank all of you who made this possible! This blog became much more than just my personal journey in the field of Chinese (and Taiwanese) tea culture under the guidance of my tea master, Teaparker. It became a place of exchange with Western and Asian tea friends. It became a source of reliable information. It inspired hundreds (thousands?) to explore the world of tea, create their own Chaxi, pay attention to quality. It also became a source of tea and tea ware, first via email and 6 years ago via the tea-masters.com online boutique

The number of blog posts has diminished over the years, but that's because I'm also posting on FB, Instagram, Twitter, Telegram and even on YouTube! And I'm also busy selecting the teas, photographing the leaves, writing descriptions, packing and shipping all your orders from my home in New Taipei City. 

To celebrate this 18th anniversary with you, I have discounted 18 products by 18% on my boutique until the end of June! I will also upgrade your tea gift during this period. Right now you receive 25 gr of Wenshan Baozhong if you order exceeds 60 USD, 25 gr of Jinxuan Oolong if it exceeds 120 USD and 25 gr of Dong Pian Oolong from Shan Lin Xi over 200 USD. Until the end of June, I will either add or upgrade the tea gift. I'll do it case by case, depending on what teas or ware you've ordered.

I've also celebrated this milestone with this Chaxi today. It features one of my favorite Chabu, tea, teapot... The tea is a top 10 Dong Dong competition winner from spring 2003. This tea is also one of the reasons that motivated me to learn about Oolong in the first place. My wife's boss had gifted us this tea for the birth of our son in June 2003.
For me, it wasn't so obvious why this Oolong was in the top 10 in a competition involving approximately 5000 different teas! How do you tell one Hung Shui Oolong is better than an other? And how do you brew it in order to get all its value out of the leaves and into your cup? Such basic questions were on my mind in the early years. 

In recent years, when I wonder about a tea subject that I have encountered in the past, I often use the search function (located on the top left of the front page of the blog) to refresh my memory. I've turned 50 last year and I'm glad I wrote the blog, not just for you, but also for myself! Tea is such a vast field that it's difficult to remember everything!

With tea and this blog, I've travelled and met so many kind, creative, enthusiastic, sensitive people that it's really been frustrating to be cut from the rest of the world since the virus appeared. I've been at tea fairs in Belgium and in Sichuan. I've taught tea with Teaparker at Penn State. I've organized workshops in New Taipei City, in Alsace, in Prag, in NYC... The live classes I do weekly (in English, German and French!) on my Facebook page are my attempt to keep this link alive while waiting for the great reopening. Soon, I hope!
Look at the transparency and how shiny the brew of this aged Hung Shui Oolong. It's ridiculous how wonderful it tastes! So clean, so pure, so sweet, so soothing! And it does taste much better now than 18 years ago! When I started the blog, few people knew about the benefits of aging tea. Some knew about this property for puerh, but it wasn't known for Oolong. But if you read my blog, you were ahead of the curve!

Tuesday, June 14, 2022

300 years ago, a story of spying and offshoring

1999 7542 sheng puerh
At the end of the 17th and the beginning of the 18th century, porcelain was also called 'white gold'. European courts would trade tons of real gold and silver to purchase porcelain vases, teapots, tea cups, plates from China. The first Qing rulers became rich and powerful thanks to their monopoly of the a process that had been refined during the Eastern Han dynasty (25-220 AD), over a millennium ago! 

This couldn't go on forever, or Europe would be ruined by its porcelain and tea loving elites! But who could they send as 007 in the service of his Majesty? There was no MI6, no Renseignements Généraux or CIA. However, in this pre-Voltairean, there was one powerful institution that disguised its real power by not wielding or carrying any weapons, except words, the church. And the 'company of Jesus' was one of its savviest and cunning branch. It wanted to spread the message of Christ to the highest levels of power in China and, at the same time, better understand the Empire it was trying to convert.

So, our secret agent was born in 1664 in the town of Limoges and was ordained priest in 1693. Five years later, he's sent  as missionary to Yangxi, in the GuangDong Province. There, he was known as Father d'Entrecolles, Father François-Xavier d'Entrecolles! Thanks to his proficiency in Chinese, he's later sent to JingDeZhen, China's porcelain capital. Officially, he was working to convert the Chinese to the Christian faith. Unofficially, he was trying to gather intelligence of the production of porcelain in the kilns of this town. This led him to send 2 letters describing the process of making porcelain in great detail. The first was sent in 1712 and the second in 1722, three hundred years ago! He even mailed a sample of kaolin!


What Father d'Entrecolles didn't know was that on October 9th, 1708, 2 German scientists, Tschirnhaus and Böttger, had already managed to fire the "first cup of true unglazed porcelain, the first white translucent vessel" in Dresden (see the White Road by Edmund de Waal, page 190). Nevertheless, his work was still useful, because what would become the Meissen manufacture would try its best to protect its own secrets of porcelain making!

There are 2 more interesting facts connected to this story that would enable the offshoring of the production of porcelain from China to Europe. First, the high mark for Qing dynasty porcelain was attained during emperor Kangxi. He was reigned from 1661 to 1722, the year of the second letter of father d'Entrecolles! This is not really a coincidence, because now that China's monopoly was broken, its power started to decline. Second, 25 years after the death of father d'Entrecolles in Peking (now Beijing), a large deposit of kaolin was found near his birthplace and that's how Limoges became the porcelain capital of France!

Thursday, June 09, 2022

Refermer les failles du passé


Beauté orientale 'ultime'
Qu'est-ce que le bonheur du thé, La Recherche du Temps Perdu de Proust et When Heroes Fly (une série israélienne sur des réservistes de l'armée) ont en commun? Si je pense que vous connaissez le bonheur du thé et Proust, il me faut vous résumer la série 'When Heroes Fly', beaucoup moins connue, et que j'ai visionnée la semaine dernière. 

Il s'agit d'une bande de copains israéliens qui ont fait leur service militaire dans les commandos d'élite (Golanim) et qui se retrouvent comme réservistes pour une mission au sud Liban. Ils sont pris en embuscade lors de leur repli, de nuit, par le Hezbollah. Ils arrivent à sauver 2 autres soldats cachés dans un tank et empêcher que les informations secrètes contenues dans ce tank ne tombent aux mains de l'ennemi, mais, au cours de l'affrontement, Azoulay, leur chef, est grièvement blessé et bloqué sous un mur de béton. Il leur donne l'ordre de partir sans lui, car dans quelques instants, des bombes israéliennes vont s'abattre sur cet endroit infesté de combattants ennemis pour détruire ce tank avec ses informations. Sa mort va hanter les 4 amis de cette unité. Chacun est affecté à sa manière et personne n'arrive à surmonter ce traumatisme. Hakol beseder! Tout va bien! est le mensonge qu'ils répètent à leur entourage et à eux-même. Mais rien ne va. Aviv a des hallucinations, fait pipi au lit, se brouille avec sa petite amie. Dubi, le religieux, a perdu la foi et fait semblant de prier. Benda part en Colombie où il se drogue. Dotan est un entrepreneur qui fait fortune, mais est rongé par un cancer. S'ensuit une histoire rocambolesque où ces 4 gars perdus vont se retrouver et faire face aux fantômes de leur passé.
Avec la Recherche du Temps Perdu, on a un livre qui explore la vie d'un narrateur depuis son enfance. Cette enfance est soit un âge d'or qu'il essaie de revivre (avec la madeleine) ou bien qu'il explore pour mieux se comprendre et faire face à ses angoisses. C'est aussi l'occasion de faire beaucoup d'observations très fines sur divers sujets, mais ne nous égarons pas! On sent que le narrateur est un être sensible et tourmenté, et que ses tourments trouvent leurs racines dans son passé. En mettant des mots sur son histoire, il identifie ses souffrances et les transforme en connaissances sur lui-même et en beauté à l'aide d'une langue extrêmement riche, sans jamais être lourde. 

Comme dans la série When Heroes Fly, pour atteindre le bonheur, il faut faire face à ses failles, à ses traumatismes, à ces moments qui nous ont marqués à jamais. Pour pouvoir apprécier le plaisir du thé jusqu'à en éprouver du bonheur, il nous faut être en paix avec soi-même. Autrement, le silence d'un Chaxi risque vite d'être pesant. Si on n'a pas le cœur léger, la conscience claire, comment peut-on accepter d'être heureux de goûter simplement à une bonne infusion de thé?
Comme je crois aux vertus de l'exemple, je vais me lancer et poser par écrit le traumatisme de mon enfance dont j'aimerais me débarrasser. Mon histoire commence par une classe verte en classe de CE2, en avril ou mai 1980. Nous sommes au Rocher du Dabo, en Moselle. Peut-être excité par cette sortie ou un peu refroidi (j'attrapais souvent la fièvre à cet âge), la maitresse me donna une aspirine pour faire tomber la température. Le lendemain, comme tous les garçons de mon âge, je joue au foot avec mes camarades de classe dès que l'occasion se présente. Mais, chose étrange, je remarque que là où je tape le ballon, un bleu se forme. De nombreux bleus font leur apparition et je vais voir la maitresse. Elle me demande d'arrêter de jouer. Au bout d'un moment, je vais faire pipi, et, à ma grande stupéfaction, je pisse du sang, littéralement. Panique chez moi et la maitresse. Coup de fil à mon père qui est médecin généraliste. Il vient me rechercher illico. Je me rappelle qu'il y avait un orage sur la route. Mon père me rassura sur le fait que les éclairs ne tombent pas sur les voitures, car les pneus les isolent de la terre. C'est mon père qui soignait tous mes bobos, toutes mes fièvres et je me sentais à la fois rassuré par sa présence, mais aussi inquiet par sa conduite rapide et son silence sur ma condition. 
La prochaine chose dont je me souviens, c'est de l'ancien hôpital de Haguenau, celui où mon père avait fait son internat. Le diagnostic fut que je souffrais d'un manque de plaquettes dans le sang, probablement causé par une réaction allergique au comprimé d'aspirine (je ne prends que du paracétamol depuis...). L'un des moments les plus intenses fut un prélèvement de ma moelle épinière sous anesthésie générale. Cette maladie me cloua au lit dans le section des enfants aux maladies chroniques pendant tout le mois de juin. En journée, il y avait une jolie vue ensoleillée sur une fontaine. La nuit, il y avait les hurlements et les grognements de plus d'un enfant gravement malades. Je ne me rappelle plus exactement leurs maladies. L'un d'entre eux était handicapé mental et moteur. Pour la première fois de ma vie d'enfant, je côtoyais l'horreur de la souffrance, de destins brisés 24h/24. Quel choc! Surtout ces nuits où je passais d'un cauchemar éveillé à des cauchemars endormis. J'en faisais même pipi au lit parfois.  
Je sentais que je devais m'attirer les bonnes grâces des infirmières pour avoir une chance de m'en sortir. Comme je devais prendre 10 comprimés de cortisone, je m'entrainai pour les avaler le plus vite possible. Ainsi, je réduisais le temps qu'elles devaient passer avec moi et elles m'en savaient gré. Au bout d'une semaine environ, j'arrivai à prendre les 10 comprimés d'un coup, sans eau, avec la seule salive sécrétée par ma bouche. Ainsi, à chaque fois j'arrivais à les émerveiller et leur faire plaisir.

Un mois cloué au lit, c'est long quand tu as 8 ans et qu'il fait beau dehors. Je reçus un assemblage de fiches dessinées par chaque élève de ma classe: une trentaine de dessins de mes chers camarades de l'école privée Sainte Philomène. Mon pote Jean-Michel me prêta tous ses Astérix. Les heures de visite étaient courtes et peu nombreuses. Mon père était très pris par son travail, et ma mère devait s'occuper de ma sœur qui n'avait que 5 ans. Aussi, je me liai d'amitié avec un autre enfant malade chronique. Mais je ne me rappelle pas trop de lui. Une fois sorti de cette chambre, je ne voulais plus penser à toute cette souffrance injuste, puisqu'elle frappait des enfants, et à ces cris nocturnes.

Mais avant d'oublier cela, je délestai une partie de mes cauchemars et angoisses sur ma petite sœur. Je n'avais pas la maturité pour comprendre et elle encore moins. Ce n'est pas avec elle que j'aurais du parler de tout cela. Je lui demande pardon, car je crois qu'elle en a été profondément affectée. 

Cette année-là, à cause de mon hospitalisation, nous ne pûmes partir en vacances aux Baux de Provence en juillet, comme mes parents en avaient l'habitude. C'est pourquoi, nous fîmes des vacances en septembre sur la Côte d'Azur, à Agay, une bourgade située à l'Est de Saint Raphaël. C'est là où nous retournerons plus d'une douzaine de fois pour de magnifiques vacances au bord de mer. Ma maladie eut donc aussi des conséquences positives!

Mais durant ma maladie j'avais senti un abandon et ma fragilité. Je pense que cela a joué un rôle dans ma personnalité, plutôt introvertie, timide et cherchant à être bien vu (en travaillant bien à l'école). Mais, surtout, je crois que ce traumatisme est la source de l'asthme chronique qui se développa par la suite. C'était un asthme psychosomatique qui se manifestait surtout avec le stress, notamment quand je me retrouvais dans une situation de conflit avec un adulte, la plupart du temps mes parents. L'enfant 'malade' aurait voulu être un ange, faire exactement ce qu'on attend de lui, mais l'enfant 'normal' faisait parfois des bêtises ou se sentait coupable de quelque chose (une situation pesante entre mes parents, la peur qu'ils se séparent...)

Je n'ai jamais suivi de psychanalyse et n'ai jamais parlé à un psychologue. J'aurais probablement du, car, finalement, ce n'est qu'en partant loin de chez mes parents que mon asthme a pris fin. Si j'habite Taiwan depuis 25 ans, c'est aussi pour cela. J'avais besoin de cette distance pour ne plus me sentir constamment jugé et souffrir de ne pas faire ce qu'ils attendent de moi. 
Ces dernières lignes, je ne savais pas que j'allais l'écrire en commençant l'écriture de ce texte. Je découvre des choses en reexaminant mon passé et, notamment, ce moment de rupture qui a créé une faille en moi. Je me sens aussi un peu plus léger. Si je publie ce texte, ce n'est pas pour vous dévoiler ma vie personnelle. Je ne cherche pas à me plaindre ou à susciter de la pitié. Je veux vous montrer les bénéfices que vous pouvez retirer d'une telle démarche. 

De plus, les choses vont beaucoup mieux pour moi maintenant, heureusement! D'une part, j'ai fondé une très belle famille avec ma femme taiwanaise. Nous nous sommes dévoués à l'éducation et au bien-être de nos enfants et sommes comblés en retour. Professionnellement, je n'ai pas fait la carrière de cadre financier à laquelle ma formation me destinait, mais j'ai inventé un nouveau travail: le bloggueur de thé. Je crois que le monde avait plus besoin de mon expertise en thés qu'en gestion financière! Si le travail a changé, la recherche d'excellence est la même. Et au lieu de viser un enrichissement surtout financier, le thé me permet d'approcher le bonheur dans toutes ses dimensions:
- le bonheur de tous les sens (odorat et goût), mais aussi la vue (avec le Chaxi), le toucher de la porcelaine et l'écoute de musique ou de silence durant le thé,
- se sentir progresser en suivant un apprentissage fondé sur l'histoire du thé,
- se sentir faire parti d'une communauté de professionnels et d'amateurs passionnés par le thé,
- la poésie et la création artistique,
- la connaissance de soi pour non seulement trouver le bonheur dans le thé, mais aussi arriver à en jouir sans mauvaise conscience, sans fantôme dans le placard. 
Le bonheur par le thé et pour le thé. La boucle est bouclée.

Thursday, June 02, 2022

The FuShou Shan farm and its high mountain Oolong

FusShou Shan tea plantation


In the video above, I explain the link between the FuShou Shan, near Lishan, (founded in 1957) and the picturesque Xiangde temple (founded in 1968) located in the Taroko Gorge, on the East Coast of Taiwan. 

Spring 2022 FuShou Shan Oolong 

It's one of the highest elevation among high mountain Oolongs. It's almost as high as the highest plantations of Da Yu Ling, which are located about 10 km further east. The difference is that FuShou shan much more than a place producing high mountain Oolong (which is what DaYuLing is). The FuShou shan farm that is also producing delicious fruits (apples, pears. peaches...). It has a park with flowers and pond (called Tian Chi) that are a tourist destination. It even provides accommodation for the night to visitors!
Da Yu Ling, on the other hand, is simply the name of a location where you find high mountain tea plantations, but not much else. The name Da Yu Ling wouldn't be so famous in the tea world if the highest tea plantation of Taiwan had not been located there!
My point is not to say that FuShou Shan is better than Da Yu Ling. Actually, in terms of history, Da Yu Ling and FuShou Shan are very much linked by the central highway built in the late 1950s between Taichung and HuaLien. No, my point is that FuShou Shan is the best location in Lishan and that it is different from DaYuLing. 
They might be similar in terms of elevation, but the character of both mountains differs very much. While Da Yu Ling is all about raw energy, powerful aftertaste, FuShou shan shines with its elegance, natural sweetness and harmony.
It's a perfect tea for the warm season, especially on a sunny day. It brings the aromas of this very high mountain to your cup!
These spent Qingxin Oolong leaves from May 11th look so fresh! They bring us closer to the FuShou Shan and to one of the best high mountain Oolong in Taiwan! 
Fushou Shan tea plantation