Thursday, April 20, 2023

Au bord de l'eau, dans la Pléiade

1970s sheng puerh
La lecture de ce pavé de la littérature chinoise a débuté. Cette semaine, notre groupe de lecture commence par le prologue et les 2 premiers chapitres. Vous êtes cordialement invités à vous joindre à nous. Nous avons vu dans Proust que le thé et la littérature sont deux attributs du prestige et du luxe qui vont très bien ensemble. Ces plaisirs fins qui demandent un petit effort, un petit investissement préalable, un peu d'éducation, de temps et de culture, vous le rendent au centuple!  
L'histoire de Au Bord de l'Eau est centrée autour de 108 brigands qui vivent dans des marérages (au bord de l'eau) ou dans des montagnes, afin d'échapper aux autorités. Ils vivent de rapines, mais cela ne les empêche pas de vvire selon un code de l'honneur, ce qui peut paraitre paradoxal pour des hors-la-loi. Certains apparaissent alors plus honnêtes que des citoyens normaux! Mais comme ces brigands n'ont pas de demeure fixe et sont rarement issus des classes supérieures de la société, la pratique du thé est assez limitée et il ne sera pas beaucoup question de notre boisson favorite dans ce livre. Mais il reste très intéressant pour comprendre l'une des dynasties où la Chine était à son apogée dans bien des domaines.
Ainsi, dans les deux premiers chapitres, il n'est question que deux fois du thé. La première fois (page 12), c'est pour dire que 'les moines hospitaliers servaient le thé' avant de servir un repas maigre (sans viande, car ils sont végétariens). Cette première mention du thé se passe donc dans un temple et non chez les brigands. Leurs festins sont plus arrosés de vin! Le thé, lui, permettait de rester éveillé durant la méditation et était donc un breuvage essentiel chez les moines. 
La seconde mention du thé est bien plus originale. Si on a vu dans Proust que 'thé' peut désigner la feuille de thé, l'infusion, la maison de thé et la réunion sociale, il a à la page 14 une signification différente, déjà rencontrée dans Le rêve du pavillon rouge', le temps qui passe: "Après le départ du tigre, il fallut bien le temps nécessaire pour boire un tasse de thé avant que le grand maréchal pût se remettre péniblement sur pied." 
A l'époque où se déroule l'action, il n'y avait pas encore de montre et au lieu d'utiliser une expression vague du genre 'après un instant' ou 'un peu plus tard', le thé permet de rendre plus réaliste et charnel le temps qui s'écoule. On le compte en temps qu'il faut pour boire une tasse de thé. Ce temps peut être assez long, car un thé a besoin de refroidir un peu avant qu'on puisse le boire et on ne le boit pas d'un trait, mais par petites gorgées pour mieux l'apprécier. D'ailleurs, je n'ai pas vu cette expression avec une coupe d'eau, mais toujours avec du thé, comme si la notion de thé impliquait un ralentissement et une prise de conscience du temps qui passe.  
Si le sujet du temps vous intéresse, j'en profite pour vous recommander la lecture de cet article récent d'Olivier F Delasalle: Temps existentiel et temps scientifique. Le temps d'un thé est lié à notre expérience existentielle, alors que résumer cela à 10 ou 15 minutes est le temps scientifique, objectif.

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