Thursday, October 10, 2024

Les boissons dans 'La conquête de Plassans', Emile Zola


Dans ce quatrième livre de la saga des Rougon-Macquart, Emile Zola revient à Plassans pour continuer l'histoire avec les personnages du premier roman quelques années plus tard. La famille est devenue riche, mais elle cherche à assoir encore plus son pouvoir politique et un nouveau curé arrive en ville pour aider cette conquête. La différence avec le premier ouvrage est donc le milieu social, bien plus aisé, d'une ville de Provence durant le Second Empire. La différence essentielle avec les deux précédents romans est que nous quittons Paris pour revenir à Plassans. Nous allons voir quels sont les boissons mentionnées dans ce roman et leur signification sociale et historique. Dans ce roman, le mot 'thé' est mentionné 7 fois et j'étudierai ces mentions plus en détail.

Dans ce livre, nous avons 77 mentions de 20 boissons. Commençons par le calcul du nombre de mentions de chacune de ces boissons par ordre décroissant:

1. Le vin: 31 mentions

2. Le café et le thé ont 7 mentions chacun

4. Le sirop a 6 mentions,

5. Le punch et le grog ont 5 mentions chacun,

7. L'eau a 3 mentions,

8. La liqueur, la bière et l'eau-de-vie ont 2 mentions.

11. Ces autres boissons ont une mention: la limonade, le malaga, le madère, le Bordeaux, le cognac, la tasse de tilleul et le soleil!

En effet, dans le sud de la France, le soleil n'est pas seulement ce qui vous donne soif, mais c'est aussi une boisson. Voyez au chapitre 5 (page 859): 

"Peu à peu, il s'était nippé ; il avait même fini par faire l'emplette d'une carriole et d'un cheval, si bien qu'on ne rencontrait plus que lui sur les routes, fumant sa pipe, buvant le soleil, ricanant d'un air de loup rangé."

François Mouret est le mari de Marthe, le personnage principal du roman. Cet ancien négociant qui, "en quinze ans, a su gagner une fortune dans le commerce des vins, des huiles et des amandes." (chapitre 3, page 844)

Au chapitre 5, page 860, nous assistons à une dégustation de vin de l'oncle Macquart

""Vous boirez bien un coup?

- Mais ça n'est pas de refus."

Et, quand Rose lui eut apporté un verre de vin, il s'assit sur la rampe de la terrasse. Il but le verre avec lenteur, faisant claquer sa langue, regardant le vin au jour.

"Ça vient du quartier de Saint-Eutrope, ce vin-là, murmura-t-il. Ce n'est pas moi qu'on tromperait. Je connais drôlement le pays""

Un peu plus loin, page 861, Macquart dit:

"Vous goûterez d'un petit vin que j'ai trouvé sur un coteau de la Seille ; un petit vin qui vous grise, vous verrez!"

Commentaire: Macquart était souvent saoûl dans le premier roman. Dans ces deux passages, il continue à boire et à se griser, mais il semble être devenu plus maitre de soi et plus attentif aux arômes du vin qu'à l'alcool. C'est un progrès.

Chapitre 7, page 880. A propos de Mouret:

"Il avait sorti une bouteille de vin cuit et fait acheter une assiette de petits gateaux."

Commentaires: Les vins cuits sont des vins dont on a chauffé le moût (les raisins écrasés dans son jus) afin de concentrer sucre et arômes. C'est un vin d'apéritif originaire de Provence. Il se marie donc bien avec des petits gateaux.

Au chapitre 21, pages 1056 et 1059, chez Macquart, on boit du vin chaud:

"- Vous seriez bien gentille alors de nous préparer un pot de vin chaud, lui glissa l'oncle à l'oreille ; le vin et le sucre sont lâ, dans l'armoire.

(...)

- Maintenant qu'elle est dans le dodo, nous allons boire un coup, reprit l'oncle avec son ricanement de loup rangé. Il sent diablement bon, votre vin chaud, la mère!

- J'ai trouvé un citron sur la cheminée. Je l'ai pris, dit Rose.

- Et vous avez bien fait."

Commentaire: La Provence est bien plus un pays de vin que de bière comme on le voit dans le nombre de mentions (31 contre 2). Le vin a assez de caractère pour être dégusté avec lenteur et identifié, mais il est suffisamment commun pour aussi être consommé chaud, avec du sucre et du citron,en hiver. L'alternative au vin chaud est le grog, une boisson chaude et sucrée, mais Zola ne nous donne pas sa composition exacte. 

Passons à notre breuvage favori, le thé avec une première mention complètement inattendue à la page 963 (chapitre 15):

"Elle racontait vingt autres détails : les points qu'elle faisait elle-même à ses bottines avec du fil poissé ; les rubans qu'elle lavait dans du thé, pour rafraîchir ses chapeaux."

Commentaire: Dans cette première apparition du thé, il ne sert pas de boisson, mais de couleur naturelle pour entretenir les rubans des chapeaux!

Chapitre 18, page 1014:

"Elles ne se rassurèrent que dans le petit salon éclairé, où M. Péqueur des Saulaies voulut absolument que la société acceptât une tasse de thé et des biscuits. (...) 

 M. Péqueur des Saulaies comprit que son ami le conservateur des Eaux et Forêts allait un peu loin. Il murmura, en buvant une gorgée de thé:"

Commentaire: La haute société de Plassans vient d'observer les étranges déambulations de Mouret, la nuit, dans son jardin. Malgré l'heure tardive, le M. de Saulaies offre du thé et des biscuits à ses invités. On peut en déduire qu'il s'agit de thé rouge, car il s'accorde bien avec le sucré et représentait l'essentiel des exportations de WuYi à cette époque (voyez cette vidéo).

Chapitre 19, page 1033

"Le soir, la société de M. Rastoil se réunit à la société de M. Péqueur des Saulaies, pour se réjouir discrètement dans un petit salon de la sous-préfecture, donnant sur des jardins. On prit le thé. Le grand triomphe de la journée achevait de fondre les deux groupes en un seul."

Commentaire: L'union politique de ces deux groupes de personnes influentes est scellée avec du thé! La haute société de Plassans déguste du thé même le soir et montre ainsi son raffinement et son penchant à la sobriété, peut-être pour se distinguer de la plèbe qui boit du vin ou de l'anisette.

Chapitre 20, page 1035

""Rose a du faire du thé."

Mais le prêtre, appelant la cuisinière, la gronda de ne pas avoir forcé sa maîtresse à se coucher. Il lui parlait sur un ton de commandement, ne souffrant pas de réplique.

"Rose, donnez le thé à monsieur le curé, dit Marthe.

- Eh! Je n'ai pas besoin de thé! s'écria-t-il en se fâchant."

Commentaire: L'abbé Faujas manigance et ruse tout au long du roman, mais dans cette séquence, il perd les nerfs. Il aurait mieux fait d'accepter ce thé pour se détendre. De plus, notons que ce thé n'apparait dans la maison de Marthe qu'au vingtième chapitre. Il a fallu attendre la folie de Mouret, son mari, avare, pour qu'elle puisse prendre possession des cordons de la bourse et acheter des choses luxueuses comme du thé.

Conclusion: Chers lecteurs qui aimez le thé, vous avez la chance de pouvoir commander de les thés que je sélectionne pour mon plaisir sur la boutique tea-masters en direct de Taiwan, au meilleur rapport qualité/prix. Le thé est le meilleur remède contre la morosité du quotidien. 

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