Tuesday, March 27, 2018

Destruction et éternité


Top Hung Shui Oolong d'Alishan de 2016
Deux pelleteuses ont détruit le bloc de maisons en face de chez moi. Quel spectacle que de voir frémir un bâtiment de 5 étages sont les coups de butoir de ces machines! Quel frisson que de voir s'effondrer des pans entiers de murs! Quel étonnement de voir la facilité avec laquelle les machoires de la peleteuse fendent le béton armé! Ces bâtiments avaient nécessité une bonne année pour leur construction ; en moins d'une semaine ils ont été complètement ratiboisés. Mort et destruction surviennent souvent soudainement et brutalement... au volant d'une voiture, dans un supermarché...

La période pascale est située au début du printemps. Après la saison morte de l'hiver, Pâques symbolise donc le renouveau qui passe par la mort de Jésus. Mort et vie vont toujours de pair. Mais le message de Pâques va plus loin que la simple alternance de vie et de mort. C'est la promesse d'une vie éternelle pour l'âme. Il s'agit de sortir du cycle des saisons, de l'alternance du neuf et du vieux, du remplacement d'une génération par une autre, pour inviter l'homme à s'élever au niveau du divin et devenir éternel comme Dieu.
Dans le thé aussi, chaque printemps marque un renouveau avec ses récoltes de feuilles fraiches. On se détourne alors des précédentes productions pour glorifier, l'espace de quelques mois, d'un an tout au plus, ces nouveaux Oolongs, ces thés verts fleuris... L'excitation va bientôt me gagner moi aussi, au détour d'une plantation resplendissante, aux flancs escarpées d'une montagne baignée de soleil. C'est bien naturel de ressentir l'énergie des jeunes pousses au moment de leur naissance.
Mais aujourd'hui je savoure un thé qui me permet de sortir de ce cycle binaire vie/mort. Avec lui je m'élève vers les sphères suprieures de l'intemporel, la poésie et le raffinement artistique. Certes, ce moment ne durera pas plus qu'un Chaxi normal, mais il s'en dégage plus de profondeur et de gravité.
En effet, je prépare un thé de ma famille préférée, un Hong Shui Oolong. Celui-ci vient d'Alishan et date du printemps 2016. La torréfaction par laquelle passe ce genre d'Oolong est le sacrifice de ses arômes les plus frais et légers. Elle détruit ce qui fait sa jeunesse, mais, si elle est bien faite, la torréfaction préserve justement l'essence de sa fraicheur au plus profond des feuilles. C'est ce que j'adore dans ce thé. Il a ces arômes riches de malt, de noisette grillée, mais aussi une note verte qui semble s'élever des profondeurs de la gorge tapissée de douceur. Quelle harmonie idyllique et quel goût sans fin! 
Il y a comme comme une sensation d'éternité! On sent la vie triompher de la mort l'espace d'une infusion... C'est beau comme le 'Miserere mei' de Gregorio Allegri. C'est touchant comme l'héroïsme d'Arnaud Beltrame.
Bol noir 'voie lactée' de Michel François

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