Wednesday, September 27, 2023

Les coulisses du reportage de TF1 sur Alishan

Vous avez été nombreux à visionner ce reportage de TF1 sur Alishan et certains d'entre vous m'ont posé des questions pertinentes à son propos. Aussi, je voudrais vous donner un aperçu détaillé sur les coulisses de ce reportage, comment il eut lieu, les difficultés que nous avons du surmonter et les quelques erreurs qui se sont, malheureusement, glisser dans le texte.

Commençons par le début et comment je fus embarqué dans cette aventure. C'est Cyril Christal de la boutique Terre des thés qui me contacta le 8 juillet 2022, car son frère Benoit, journaliste à Tf1, viendra à Taiwan à la fin du mois pour réaliser une série de reportages sur la situation géopolitique de l'ile, mais aussi un reportage sur le thé à Alishan. Je refuse souvent les demandes des médias locaux, mais j'accepte de rencontrer l'équipe de TF1 afin de les aider et de voir si leur approche me convient. 

Au repas avec TF1 et Wu Taijing
Avant le rendez-vous, je suis contacté par leur aide locale, un journaliste free lance Taiwanais nommé Wu Taijing qui parle bien français et que je connaissais car il me suis sur Twitter! (Le monde du thé est petit!) On se donne rendez-vous dans un restaurant de dumplings à la sortie de leur quarantaine (dû à la période Covid) et nous discutons du reportage. Lors de ce repas, j'apporte une infusion de mon Concubine Oolong et toute l'équipe adore ce thé qui accompagne admirablement les petits plats cuits à la vapeur!

Nous tombons d'accord pour faire le reportage ensemble. Je ne serai pas payé, mais TF1 accepte de prendre en charge mes dépenses liées au reportage. Le rendez-vous est pris pour le 20 juillet en début de soirée à Shizhuo, Alishan. L'équipe de TF1 doit d'abord faire une interview sur le bubble tea à Taichung, mais cela ne me concerne pas et donc on voyage séparément.
J'arrive au pire moment de la journée, sous une pluie torrentielle si forte que je vois à peine à quelques mètres devant moi lors de mes derniers mètres avant l'hôtel. La route se transforme très vite en torrent et tout le monde roule en warning!
Après quelques minutes d'attente à la pension familiale que TF1 a réservée, la pluie cesse et je vais faire un petit tour pour repérer des lieux sympas. J'arrive dans cette forêt de bambous et un monde onirique avec cette brume et luminosité réduite de fin de journée!
C'est plus un endroit pour un film d'horreur qu'un panorama de haute montagne! Je retourne à l'entrée du village pour attendre l'équipe de TF1. Après un diner dans un restaurant local où les ouvriers agricoles du coin ne lésinent pas sur la bière ou le whiskey, nous allons dormir dans cette pension qui produit aussi du thé!
 Le lendemain matin, il fait un temps magnifique (comme d'habitude en haute montagne). Je prépare ce Chaxi pour déguster un thé avec notre petit déjeuner. J'en profite pour présenter l'art du thé aux journalistes de TF1. Malheureusement, ces images n'apparaitront pas dans le reportage. C'était pourtant plus joli que la dégustation dans le magasin du fermier, mais il était plus difficile de faire le lien...
Après cette collation, nous sillonnons les montagnes à la recherche d'un joli panorama pour pouvoir y filmer de belles images. Le village sur la route touristique vers le Parc National d'Alishan leur semble trop développé. Je décide alors de les amener à mon endroit favori, ChangShuHu, un village à l'écart des routes touristiques. La vue y est grandiose.
Quentin sort le drone et filme les premières minutes du reportage.
Vous pouvez voir le drone au milieu de cette photo. Il est capable d'aller très loin pour filmer!
Benoit Christal aurait voulu filmer une cueillette de thé, mais nous étions entre deux périodes de cueillettes, et les plantations étaient toutes vides... sauf celle-ci! 2 hommes s'affairent entre les théiers et Benoit décide d'aller leur poser des questions. Ainsi, la première personne que vous voyez dans le reportage est le beau-fils du fermier Luo, qui apparait en second. Que font-ils? Ils désherbent à la main, car le fermier ne veut pas utiliser de désherbant chimique. 
Pendant qu'ils font leur interview, je prends mes photos de la plantation, ce qu'on voit dans la séquence suivante.

Je remarque que de nombreuses plantes et insectes sont présents dans cette plantation. Et comme nous sommes venus ici par hasard, sans rendez-vous, ce travail de désherbage manuelle n'est pas joué, mais réel. 

Le fermier est très heureux d'avoir pu parler à des journalistes occidentaux. Il va même nous offrir quelques échantillons qu'il a toujours avec lui dans sa voiture. En effet, sa ferme est située à plusieurs km de cette plantation, et c'est pourquoi nous n'y sommes pas allés.

Par contre, quelques jours après cette rencontre, ayant testé son thé rouge et l'ayant comparé à ceux d'autres fermiers (comme M. Kuo que vous voyez un peu plus loin dans le reportage), je lui ai passé commande pour son thé rouge d'Alishan! Sans ce reportage de TF1, je ne l'aurais pas trouvé!

Pour certains thés frais, on n'a pas toujours le luxe d'attendre plusieurs jours pour passer commande. Mais le mieux est de prendre son temps pour comparer la qualité de différents producteurs!
Comme TF1 voulait me voir interagir avec un fermier, nous sommes allés dans une ferme au hasard. Vous y voyez d'abord un jeune homme, fils du fermier Kuo, en train de malaxer des feuilles de thé (de Qingxin Oolong). En fait, il fait du thé rouge à la main (il existe aussi des machines pour faire cette opération en grande quantité). Puis, je goûte un thé dans un bol de compétition en porcelaine blanche (cf. la première photo de cet article). Le commentaire mentionne que je n'ai rien acheté à ce producteur. En fait, comme nous avons surtout goûté des Oolongs de printemps, le moment des achats était déjà passé pour moi. Ce genre d'Oolong frais, je les achète juste après leur production pour les offrir en primeurs dans ma sélection.

Après cette séquence, nous avons gagné notre course contre les nuages. TF1 a de belles images ensoleillées des plantations de thé d'Alishan. Nous célébrons ce travail bien fait par un déjeuner végétarien de produits de lal montagne. Le courant est si bien passé entre nous que je les accompagne au temple Wufeng de ShiZhuo qui apparait dans la prochaine séquence du reportage. Une pluie intense s'abat quelques minutes après notre arrivée. 
Cela m'amène maintenant à relever les quelques petites erreurs du reportage. Ainsi, à propos de ce temple, Wufeng n'est pas un 'roi chinois', mais c'est bien un Chinois qui a 'civilisé les tribus de la montagne' et qui est maintenant vénéré comme un héros ou un demi-dieu.
Au début du reportage, une autre phrase, apparemment anodine, pose également un peu problème. Il est dit: "...Le thé Oolong, exploité depuis plus de 1000 ans, était servi jadis en hommage aux empereurs Chinois..." Il suffit d'enlever le mot "Oolong" pour que cela fasse sens. En effet, le Oolong ne date que de la dynastie Qing (1644-1911). Mais les meilleurs thés furent souvent offerts en tribut aux empereurs (comme nous l'avons vu dans mon premier cours sur Lu Yu de la dynastie Tang, il y a plus de 1000 ans). 
Benoit Christal de TF1 et moi

J'ai aussi reçu une question quant à cette affirmation dans le reportage: "Le Oolong est vendu 3 ou 4 fois plus cher que les autres thés, jusqu'à 40 Euros le gramme, car tous les traitements sont faits à la main." En effet, la fabrication artisanale du Oolong demande plus de temps et de main d'oeuvre que les autres types de thé. Le prix de 40 Euros est exact, car un Oolong Beauté Orientale a atteint ce prix lors d'une vente aux enchères il y a 2 ou 3 ans (le chiffre symbolique de 1 millions de dollars Taiwanais pour 600 gr, 1 jin pour être précis). Par contre, le prix des Oolongs d'Alishan n'atteint pas ces sommets, même lors des compétitions. Dans ma sélection, le moins cher est le Jinxuan d'Alishan à 20 USD les 150 gr et le plus cher est le Qingxin Oolong de Shizhuo à 45 USD les 150 gr. On est donc entre 13 et 30 cents du gramme. C'est le luxe le plus abordable au monde!

Un grand merci encore à Benoit Christal, Quentin Danjou et Wu Taijing pour la réalisation de ce très beau reportage sur Alishan. Il a permis de faire découvrir le Oolong de haute montagne aux téléspectateurs du 13h de Tf1, et mes parents sont très fiers d'avoir vu leur fils à la télé!

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