Après l'Assommoir où l'alcool était omniprésent, nous retournons à une fréquence plus réduite pour les alcools avec 23% des mentions. Le fait que le thé fasse presque jeu égal avec le café montre que le niveau social est remonté de plusieurs crans. Par contre, les mentions de potion, de tisane et surtout de boisson opiacée nous amènent dans un univers médical où on essaie de traiter les symptômes de la petite Jeanne.
Pour illustrer ce livre où il est beaucoup question de Jeanne, la jeune fille d'Hélène, j'ai infusé ce thé puéril: un puerh cru du printemps 2008 de Banzhang! Et j'ai ajouté deux jouets de ma fille sur mon Chaxi pour lui rendre hommage. Le Chabu est un obi japonnais qui rappelle son costume de Japonaise durant la fête pour les enfants.
Avec cela, nous arrivons à 66 mentions et les 3 restantes sont plus surprenantes. Ainsi, par deux fois, Zola fait boire de l'air à ses personnages:
Première partie, chapitre 4:
(Jeanne) "Elle s'était assise sur la pelouse, elle regardait sa mère, ses petites mains serrées sur sa poitrine, comme si elle eût elle-même bu tout cet air qui soufflait."
Deuxième partie, chapitre 1:
"Ordinairement, il avait employé sa matinée à courir avec des camarades les bois de Meudon, trainant les pieds dans des flâneries sans fin, oisif et buvant le grand air, avec le regret vague du pays.
Troisième partie, chapitre 2
"Se retrouver là et s'agenouiller, boire toute cette odeur d'amour qui flottait, attendre ainsi le jour en adoration et s'oublier dans la possession de son rêve !"
Commentaire: La passion du docteur Deberle est d'autant plus forte que la maladie de la fille d'Hélène lui fait obstacle. Aussi, longtemps, il ne peut vivre cet amour, mais est obligé de se contenter de boire l'odeur de cet amour. Zola précise à la phrase précédente qu'il "respirait de nouveau cette odeur de verveine qui l'avait tant troublé, le premier soir où il avait vu Hélène échevelée, son châle glissé des épaules.
Passons aux mentions du thé, puisque c'est notre boisson favorite!
Passons aux mentions du thé, puisque c'est notre boisson favorite!
Deuxième partie, chapitre 4
"Rien n'était d'un charme plus étrange que son visage fin, sous le haut chignon traversé de longues épingles, avec son menton et ses yeux de chèvre, minces et luisants, qui lui donnait l'air d'une véritable fille d'Yeddo marchant dans un parfum de benjoin et de thé.
Commentaire: Pour une fête costumée pour les enfants chez les Deberle, Jeanne est déguisée en Japonaise. Cela nous rappelle que la France connut une période d'orientalisme où Chine et Japon étaient très à la mode. Son déguisement est si complet qu'elle porte même un parfum exotique mêlant la vanille chaude et le thé.
6 pages plus loin, dans le même chapitre, à la même fête costumée:
6 pages plus loin, dans le même chapitre, à la même fête costumée:
"- Eh bien! Une tasse de thé.
Il courut, rapporta la tasse. Ses mains tremblaient, en la présentant. Et, pendant qu'elle buvait, il s'approcha d'elle, les lèvres gonflées de l'aveu qui montait de son cœur."
Commentaire: Le thé est une boisson préparée pour la fête. Le docteur Deberle en obtient rapidement une tasse qu'il peut amener à Hélène. Le thé est souvent associé à l'amour chez Zola (voir La Curée, page 392 par exemple). Ici, le thé est le prétexte qui permet au docteur d'avouer ses sentiments à la belle veuve.
Troisième partie, chapitre 4
Troisième partie, chapitre 4
"Contre le perron, il y avait un grand rosier, des roses thé énormes qui s'épanouissaient par centaines.
(...) Les roses thé du grand rosier, un peu fanées par la chaleur, dormaient sur leur tiges.
(...) Lentement, les dernières roses thé laissaient leurs pétales pleuvoir un à un sur le perron."
Commentaire: Le rosier thé est un rosier hybride apparu en 1833 selon certains ou bien originaire de Chine, selon d'autres. Sa particularité est son parfum de thé.
Partie 5, chapitre 1
Quatrième partie, chapitre 1
"On venait de passer dans la salle à manger, pour le thé. (...)
- Vous prendrez bien une tasse de thé? (...)
Des assiettes de pâtisseries et de sucreries couvraient la nappe, tandis qu'une grande brioche et deux gâteaux s'élevaient symétriquement sur des compotiers ; et, comme la place manquait, les tasses à thé se touchaient presque, séparées de deux en deux par d'étroites serviettes grises, à longues franges. (...)
On causait plus fort, des rires et des bruits cristallins d'argenterie sonnaient, l'odeur de musc se chauffait encore des parfums pénétrants du thé."
Commentaire: Cette réception a lieu chez le docteur Deberle. Durant cette soirée mondaine, il y a un moment pour le thé où l'on sert aussi des desserts sucrés. J'en déduis que le thé servi devait être du thé rouge (selon la nomenclature chinoise), c'est à dire noir, selon le lexique français.
Quatrième partie, chapitre 2
" - N'est-ce pas que. lorsqu'on sert du thé, on ne met pas des gâteaux dans ses poches?
Et elle repartait :
- Adieu, madame. Il était délicieux votre thé. Bien des choses à monsieur votre mari."
Commentaire: Ces deux phrases sont prononcées par Jeanne devant sa mère. Elle est en train de s'amuser seule et imite la conversation des femmes adultes. Imitation mimétique de l'apprentissage, dirait René Girard! Jeanne voit que le thé est un jeu social où l'on s'échanges des paroles légères, frivoles et où l'on offre des compliments pour mieux tisser des liens sociaux harmonieux.
Les trois prochains extraits ont trait à la mère du thé, l'eau:
"- Vous avez de l'eau chaude? demanda-t-elle enfin. (NDLR: Hélène pose la question à sa servante Rosalie).
- Non, Madame, et mon feu s'éteignait... Oh! ça n'empêche pas, je vais vous donner ça dans cinq minutes. Ça bout tout de suite.
Elle remit du charbon, posa la bouillotte.
(...)
- Ne vous impatientez pas, Madame, dit Rosalie, voilà déjà l'eau qui chante...
(...)
- Madame, voilà votre eau qui bout, dit Rosalie après un silence.
(...)
- Madame, votre eau bout, répéta Rosalie. Il ne va rien rester la bouillotte."
Commentaire: Cet extrait nous montre que dans un ménage bourgeois du milieu du XIXe siècle, on gardait de l'eau chaude sur le feu en permanence durant la journée. De plus, j'aime bien le fait que Zola utilise l'expression 'l'eau qui chante'. Elle décrit bien le son d'une eau qui approche de l'ébullition dans une bouilloire en métal.
Pour illustrer ce livre où il est beaucoup question de Jeanne, la jeune fille d'Hélène, j'ai infusé ce thé puéril: un puerh cru du printemps 2008 de Banzhang! Et j'ai ajouté deux jouets de ma fille sur mon Chaxi pour lui rendre hommage. Le Chabu est un obi japonnais qui rappelle son costume de Japonaise durant la fête pour les enfants.
Il n'est sans doute pas un hasard que cette fille jalouse soit fille unique et qu'elle vive une relation fusionnelle avec sa mère qu'elle ne quitte presque jamais. Zola semble adresser une double critique à la société bourgeoise de son temps: premièrement, ayez plus qu'un enfant. C'est bon pour l'enfant et cela vous permet d'avoir moins de peine si vous le perdiez. Deuxièmement, envoyez vos enfants à l'école ou bien confiez-les à des précepteurs afin qu'ils apprennent l'indépendance plus jeunes.
Le lendemain, j'ai préparé un thé rouge dans le service de porcelaine Fürstenberg (1747), style Lottine de ma grand-mère. C'est un service à l'européenne conçu pour la dégustation du thé rouge ou du café. On remarque que le bouton sur le couvercle de la théière a la forme d'une rose!