Théière d'Yixing en forme de bégonia et décorée de fleurs. Règne de Kangxi (1662-1722) |
Ce qui est intéressant avec cette théière Yixing est qu'il n'y avait pas de four impérial à Yixing. Au lieu de cela, les représentants de l'empereur étaient à l'affut des meilleures pièces faites par des artisans privés. Et c'est aux portes du palais de la cité interdite que des artistes peintres triés sur le volet ajoutaient cette décoration au moyen d'émaux colorés afin de rendre plus précieuses et uniques ces théières.
On voit une décoration similaire sur ce gaiwan en terre d'Yixing. La différence est une couche transparente par-dessus la décoration. Cela le rend plus brillant.
Gaiwan d'Yixing décoré avec des fleurs des 4 saisons. Kangxi, 1662-1722 |
Au chapitre 41, le plus riche en mentions de thé et de porcelaines, Cao Xueqin commet une rare erreur en mentionnant un gaiwan aux 5 couleurs de l'ère Chenghua (dynastie). En effet, ce gaiwan n'existe pas. A l'ère Chenghua, il y a bien des coupes en porcelaine aux 5 couleurs, mais aucune n'a la forme de zhong (c'est à dire de gaiwan). A cette époque, la coupe la plus célèbre était celle aux poulets:
Coupe aux 5 couleurs de l'ère Chenghua |
Pour Teaparker, une explication possible pour cette erreur est que le sceau ci-dessus (copié à partir d'une calligraphie de l'empereur) était devenu une référence de qualité. Cela a incité de nombreux céramistes chinois à copier ce sceau durant la dynastie Qing (et moderne), en hommage au passé. Dans les débuts de la dynastie Qing, cet hommage au passé Ming aurait, peut-être, même eu une portée politique, une manière de manifester son mécontentement face au changement de dynastie. Il se peut donc que l'auteur ait vu un gaiwan aux 5 couleurs fait durant la période Qing, mais signé de la dynastie Qing.
J'espère que cette forme vous est familière. Elle est souvent utilisée pour les Cha tuo, les soucoupes en métal des coupes de thé du gongfu cha.
Dans une autre salle du musée, je suis tombé sur cette peinture et calligraphie d'un arbre à mains de Bouddha dont le poème est l'œuvre de l'empereur Kangxi (1715). D'après le texte, cet arbre fut un cadeau des habitants de la province du Fujian et replanté dans les jardins du palais impérial.
Dans ce chapitre 41, il est aussi question de coupes de thé de tailles différentes qu'on pouvait faire tenir ensemble à la manière des babouchkas russes! L'exposition nous montre ce set en porcelaine Qinghua:
Gaiwan au cobalt bleu, décoré d'or. Règne de Qianlong 1736-1795 |
L'erreur de Cao Xueqin est aussi évidente si l'on considère que les gaiwans doivent leur popularité à cette dynastie Mandchoue, venue du nord de la Chine, une région froide où mettre un couvercle sur le bol de thé permettait de le garder chaud plus longtemps.
Dans le même paragraphe, l'auteur nous dit que le gaiwan fut placé sur un plateau laqué de forme "Hai Tang Hua".
Le texte exact de la traduction de la Pléiade nous dit: "Le frérot Jade, qui observait attentivement ses comportements, remarqua qu'elle portait sur les paumes de ses mains une petite assiette en forme de fleur de pommier à bousquets, faite de laque sculptée, et dont les incrustations de filé d'or figuraient le dragon issu des nuages, pour offrir le gage de longévité. Sur l'assiette reposait un menu bol à thé de porcelaine pentachrome à couvercle, datant de l'ère des Parfaits Accomplissements de la dynastie des Ming."
Voici la forme d'une telle assiette laquée:
Assiette laquée aux motifs de longévité et de printemps. Règne de Qianlong 1736-1795 |
Vous verrez un autre exemple dans l'exposition avec ce plateau en agate sur lequel se trouve une coupe en agate avec deux anses en forme de dragons:
Assiette et coupe en agate. Règne de Qianlong 1736-1795 |
La coupe en agate est également une référence au texte, car les amateurs de thé de la maison Jia aimaient déguster le thé dans des matériaux divers, nobles et chers de préférence. D'ailleurs, le héros de notre histoire s'appelle le frérot Jade, Jia Bao Yu,.aussi appelé Jade magique. En chinois, la signification de son nom est encore plus riche, car le nom 'Jia' peut aussi vouloir dire 'faux'. En effet, le frérot jade est censé être né avec une pierre de jade dans la bouche, une pierre qui lui portait bonheur tant qu'il la gardait auprès lui...
Jade, dynastie Qing 1644-1911 |
La photographie permet un peu de montrer l'attrait des lettrés chinois pour le jade: une peau un peu translucide, une couleur agréable, des nervures qui permettent à l'esprit d'imaginer des choses cachées...
Ci-dessous, l'exposition nous montre un autre jade en forme de 'main de Bouddha', le fruit de la famille des citrons qui fait référence à cette main divine qui agence nos destinées... C'est également le nom d'une sorte de thé!
Set de coupes qinghua au sceau de Chenghua, mais réalisé durant l'ère Kangxi, dynastie Qing. |
Ce set polychrome fut produit sous Yongzheng (1723-1735). Pouvoir empiler les coupes les unes dans les autres est une prouesse technique qui démontre le savoir-faire du céramiste. Cela a l'avantage de prendre moins de place, mais cela permet surtout de s'amuser et de donner des coupes de tailles différentes à ses invités en fonction de leur importance sociale ou de leur soif! N'oublions pas que les coupes de thé pouvaient aussi servir pour l'alcool. Ainsi, dans le chapitre 41, les femmes de la famille Jia s'amusent à enivrer la mémé Liu en lui donnant la plus grande coupe du set!
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