Après le choc de ce rose en la place d'un tissu gris passe-partout, je m'habituai progressivement à la combinaison de cette couleur avec ce 'ciel bleu juste après la pluie'. Or, en regardant l'émaille Ru de plus près, on peut apercevoir des irisations roses sur certaines parties de sa surface!!! Voilà ce qui donne un aspect si tendre et doux aux pièces Ru.
Ce bateau à thé de David Louveau est un céladon bleuté proche du Ru |
Cette douceur, on la retrouve aussi dans la porcelaine ivoire de mes coupes 'dragon' de De Hua. Celles-ci sont posées sur des petites assiettes en céladon de la fin de la dynastie Qing. Chacune est différente, jamais parfaitement formée. Le thé (un Oolong de haute montagne) ressort particulièrement bien sur ce contraste de couleurs et de matériaux.
L'ambiance de ce Cha Xi m'évoque le raffinement de la dynastie Sung. Mais, en même temps, ces sous-coupes en céladon grossières de la fin de la dynastie Qing me font penser au paradoxe chinois des fins d'époque. Chez les Sung, le raffinement de la culture les conduisit à la perte face aux Mongols barbares. (Ils avaient perdu l'envie de se battre.) Chez les Qing, au contraire, le déclin du pouvoir impérial s'accompagna d'un délitement des arts. On produisit de plus en plus, mais de qualité de moins en bonne. La Chine avait perdu son avance technologique et son monopole de la porcelaine et du thé...
"Se cultiver et périr ou se barbariser et vaincre"* tel fut déjà le dilemne insoluble de la dynastie Han il y a 2000 ans! A l'époque, l'armée chinoise dut apprendre à monter à cheval pour ne pas se faire déborder par les cavaliers des steppes.
La poursuite de la culture et de l'art reflète la réussite d'une société (voir l'acquéreur du bol Sung Ru et toutes les enchères dominées par les riches Chinois!). Mais avec le thé, plaisir simple et raffiné, il faut aussi savoir éviter les excès et savoir trouver la beauté dans des pièces nouvelles, mais faites traditionnellement, à la main, par des artistes/artisans passionnés! Remarquez d'ailleurs les reflets roses sur cette aiguières en céladon de David Louveau. Avec tant de douceur en bouche et devant mes yeux, je vois la vie en rose!
* ("La civilisation de la Chine classique", de Vadime et Danielle Elisseeff)
3 comments:
26,7 million de $$, quelle somme! Et il est vrai qu'on peut tous être amenés à faire des folies pour le thé et ses accessoires (chacun dans ses moyens). Mais le thé apprend aussi la simplicité: se contenter, savoir s'adapter... Je trouve en effet, que les objets fabriqués aujourd'hui, de manière traditionnelle et artisanale restent tout aussi intéressants que les antiquités.
Le tissu rose (d'un rose particulier), s'harmonise très bien avec ce céladon. Cela donne un ensemble particulièrement lumineux. J'aime beaucoup.
A bientôt.
Merci Charlotte,
oui, ce rose n'est pas un 'rose bonbon' trop bébé. Il est un peu plus foncé et n'est uniforme, ce qui lui donne plus de complexité. Il en a l'air plus classique.
De nos jours, le danger qui nous guette est l'uniformisation, la standardisation des formes et des couleurs. Les objets industriels sont trop parfaits pour avoir de la personnalité. Quand ils sont vraiment fonctionnels, je leur pardonne (comme pour un gaiwan ou une petite coupe), mais trop souvent ces accessoires ne sont pas bien conçus pour la préparation du thé.
Absolument d'accord.
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