Thursday, December 20, 2018

L'harmonie comme principe de beauté et du Chaxi


 Un changement de temps radical m'amène à choisir un tout autre thé que dans mon dernier article pour mon nouveau Chaxi aux couleurs de Noël. Un magnifique soleil nous comble de sa lumière et de sa chaleur. Et comme c'est l'hiver, ce soleil amène un temps sec similaire à celui de la montagne. Voilà pourquoi j'ai envie de déguster mon tout dernier Oolong de haute montagne d'hiver: ce Qingxin Oolong de Long Fengxia, la plus haute section de Shan Lin Xi, récolté le 26 octobre 2018. Les feuilles sont de couleur de jade. Certaines sont d'un vert plus foncé que d'autres: leur ensoleillement ne fut pas pareil. Les parfums sont très floraux et fins, mais un peu moins expressifs qu'au printemps.
Cette théière Yixing en glaise zhuni fait bien ressortir toute la finesse des arômes dans l'infusion. L'écoulement est net et je verse directement dans les coupes sans mettre une goutte à côté! C'est un petit jeu de maitrise de la théière qui aide à se concentrer. J'en reparlerai dans un autre article dans quelque temps.
Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler d'harmonie. Et cette harmonie serait globale. Elle ne se contente pas d'harmoniser le temps d'infusion avec la quantité de feuilles, le choix de la théière en fonction des feuilles, le choix des feuilles en fonction de la saison ou de l'ambiance, le choix des coupes pour le thé infusé...  Toutes ces harmonies, on va essayer de les harmoniser entre elles et chercher de nouvelles harmonies dans chaque objet qu'on met sur son Chaxi, sur l'endroit qu'on lui choisit... La jarre blanche avec sa décoration ressemble à une fleur et évoque la fraicheur d'un pic de montagne enneigée. Le petit bonsai se transforme en sapin de Noël. Le roi mage de l'Erzgebirge est un objet souvenir qui donne corps aux traditions de ma famille côté allemand... Et comme musique de fond, je joue l'oratoire de Noël de Bach.
 Toutes ces harmonies autour de l'infusion d'un thé sont un effort de faire le meilleur choix possible avec ce que l'on a. La beauté du tout ne vient de la perfection d'un objet en particulier ou d'une prise de vue plus réussie qu'une autre. Une recherche de perfection viendrait, j'ai peur, glacer le Chaxi. Il ne s'agit pas de fixer les choses pour n'obtenir qu'une photo parfaite, mais faire en sorte que l'infusion du thé devienne un spectable beau à chaque moment! Et parfois on voit apparaitre des images qui ressemblent littéralement à un ange qui passe!
En chinois, on parle de "Yin-Yun", "d'interaction unifiante", selon François Cheng. Cette expression explique bien l'action que nous essayons d'accomplir avec le Chaxi. De plus, il est intéressant de noter que yun est le mot caractère qui signifie la rime poétique et l'arrière-goût, le goût de la longueur en bouche pour les dégustateurs de thé en Chine.
En effet, le goût et les arômes qui nous restent longtemps en bouche (pour un bon thé) sont comme un écho, une rime aux premières saveurs des premières gorgées. Une coupe est bonne quand ces notes persistent en s'affinant et en devenant douces (au lieu de devenir amères ou s'arrêter rapidement). C'est cela aussi l'harmonie qu'on cherche à créer dans la coupe, puis en bouche!
Dans ce Chaxi, on a un sujet puissant: Noël, une fête ancienne, la célébration d'une naissance, le divin qui se fait homme. Voici des thèmes qui ont une puissance évocatrice  extraordinaire. C'est autant d'énergie qui est insufflée dans ce Chaxi. Notre harmonie globale, toutes nos interactions unifiées, prennent encore plus de sens si elles sont portées par un thème fort, une raison d'être.
 Et puisque je viens de parler d'énergie et de souffle, sachez que ces 2 concepts sont liés dans l'expression Qi-Yun chinoise (où le Qi est l'énergie et le Yun est le rythme, la rime). C'est donc une énergie qui se transmet, qui interagit. Dans le Chaxi, c'est le feu qui permet à l'eau de bouillir, qui permet à l'eau d'infuser les feuilles et en extraire leurs arômes, qui permet de verser le thé dans les coupes, qui nous renvoient la belles couleur du thé et qui nous donne un plaisir qui se propage dans la bouche et dans tout le corps...
 Est-ce trop ésotérique? L'explication théorique peut le paraitre, mais je trouve que le thé est une bonne application de ces concepts de Yin-Yun et Qi-Yun. Harmonie et souffle.
Revenons donc un peu sur terre avec ces magnifiques feuilles très faiblement oxydées dont la finesse et la fraicheur sont révélées par la pâleur de l'infusion.
 Cet Oolong de haute montagne fut un délice plusieurs fois répété. Vive la période de l'Avent! Le thé prend encore plus de saveur.
"Le souffle devient esprit lorsqu'il atteint le rythme."

1 comment:

Emmanuel said...

Beau texte que je ne découvre qu'aujourd'hui, un an après sa publication.