Friday, July 09, 2021

Les Métamorphoses d'Ovide

Ce long et célèbre livre de poésie de 11 995 vers accompagne mes Chaxi cet été. En version bilingue latin et français, sa lecture me permet de me remémorer le temps où je faisais des versions (la traduction du latin au français) au collège et au lycée dans les années 1980. Le cruel passage du temps me montre combien ma mémoire est défaillante et tout ce que j'ai oublié depuis. Les quelques mots que je reconnais me donnent un peu de baume au coeur. J'ai l'impression que si j'arrivais mieux à comprendre le texte latin, mon passé scolaire ne serait pas si distant et révolu. Chimère! Je me dis aussi que l'on n'a pas conscience de la chance qu'on a de lire et traduire des textes deux fois millénaires quand on est adolescent! 
Le début des Métamorphoses raconte une genèse très similaire à celle qu'on lit dans la bible. Paganisme romain et religions judéo-chrétiennes ont ces mythes de la création et du déluge en commun. Magnifique et étonnant!

J'adore ce passage qui dit que Prométhée, fils de Japet,

"Forma l'homme semblable aux dieux maîtres de l'univers,

Quand tous les animaux,courbés, fixent le sol,

Il fit l'homme, chef dressé, face au ciel,

Levant haut son regard, scrutant les étoiles"

Ce qui nous fait homme, c'est donc de partager avec le(s) dieu(s) le pouvoir de création et d'aspirer à la grandeur, à l'infini, à la perfection. L'homme ne se contente pas de boire pour étancher sa soif comme un animal. Ce qui fait l'homme est sa capacité de transformer ces moments du quotidien en affirmation de sa nature et de ses aspirations. Ainsi, le Chaxi, la pratique du thé est une activité dont le raffinement exalte notre humanité!

Sans avoir connu le thé, Ovide arrive à faire une observation très pertinente:

"Car l'humide et le chaud ensemble combinés

Engendrent: c'est d'eux seuls que toute vie procède.

Si le feu combat l'eau, tout naît de la vapeur."

Et la vapeur se forme quand l'eau entre en ébullition! Les feuilles de thé ne reprennent vie que lorsqu'on les infuse avec de l'eau qui vient de bouillir! 700 ans avant Lu Yu, Ovide avait tout compris!!

Manier le feu sous la bouilloire, puis la vapeur d'eau, nous sommes fils et filles de Prométhée. Le thé qui jaillit de notre théière ou de notre gaiwan est notre création. Et il est à notre image. Raffiné et doux, ou amer et nerveux. Pur comme la jade ou troublé comme la brume d'automne. Concert baroque ou de heavy metal. Poésie scandée ou encart de publicité. 


N'ayez pas peur de rater vos infusions, de prendre des risques, d'ajouter du beau tout en respectant les règles de la préparation du thé. Regardez vers les étoiles. Transformez votre dégustation quotidienne en une hymne à la vie! Ovide a bien raison de nous rappeler que la création n'existe pas. Tout est métamorphose! 

1 comment:

Unknown said...

70 ans.Justement,je relis le roland furieux de l'Arioste ,en pensant combien il est comique que ce type de lectures, qu'on sirote en jouant les prolongations d'une vie mouvementée, ait été imposée à un age qui n'y voyait que pensum fastidieux