Wednesday, March 07, 2012

"Le printemps inquiet paraît à l'horizon

Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ;
Bien que le laboureur le craigne justement,
L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.
Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;
C’est sa première larme et son premier sourire."
(A la mi-carême d'Alfred de Musset)

On annonçait un temps instable, hier. Finalement, c'est à une journée ensoleillée à laquelle j'eus droit. Bien équipé, je file dans les monts de San Hsia pour inspecter les plantations et y saisir l'esprit printanier.

Ce gros roc devient ma montagne de thé. J'y dispose mes accessoires pour un Cha Xi du renouveau. Les feuilles vertes de mon Oolong de très haute montagne, Qi Lai Shan, du printemps 2011 sont à la mesure de ce cadre et de la météo.

Ses arômes me transportent à plus de 2000 mètres de haut!

Avant de tenir ce blog, et surtout avant mes études du thé, je n'arrivais pas à sentir toutes ces subtilités. Avec le vin, cela ne me posait pas de problème ; quelques cours d'oenologie avaient aiguisé ma curiosité avant de venir à Taiwan. Mais le thé est un monde bien plus opaque. Il y a quelques semaines, en buvant un reste ancien, je me rendis compte que ce thé, acheté il y a plus de 10 ans (avant mes études), ne venait pas d'une montagne Taiwanaise, mais d'Asie du Sud Est! Le goût avait une amertume prononcée et sombre, et le profil des arômes est très différent.
 
Coupe qingbai chantante
Mon blog m'a permis d'apprendre comment bien préparer le Oolong et de sélectionner des feuilles qui sont ce qu'elles annoncent. La base de toute qualité est la bonne connaissance du produit, savoir quel thé on a en face de soi. Pour cela, connaitre les standards est la fondation de toute apprentissage. Si la provenance du thé n'est pas claire (cultivar, lieu d'origine, saison, année...) alors on ne peut pas apprécier un thé à sa juste valeur. Quelle caractéristique a un Oolong de haute montagne, un thé vert du début du printemps, un puerh sauvage, un Hung Shui Oolong âgé...? Si on n'a pas d'étalon or, de thé standard, on n'arrive pas à saisir cette caractéristique avec précision.

Avant de différencier les thés entre bons et mauvais, il est donc nécessaire de savoir les différencier entre exacts ou non. C'est-à-dire, le thé est-il bien ce qu'il prétend être?  
Le gaiwan en porcelaine est l'accessoire de la vérité. Son rendu neutre fait parler le thé si on a bien appris à goûter son langage. 

Ensuite, comme au saut en hauteur, on s'attaque à la qualité en plaçant la barre de plus en plus haut. Le progrès se nourrit aussi de ce que nous nous habituons rapidement à des saveurs plus élégantes. Cette exigence de qualité de plus en plus accrue est humaine et naturelle.  Chacun poursuit cette route à son rythme, selon ses envies, ses moyens, son temps, bien entendu.

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Une nouvelle saison de récolte va bientôt commencer. J'espère recevoir vos commentaires et impressions sous les articles en question afin de partager avec tous vos découvertes, vos coups de coeur. Merci d'avance.
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 J'admire la pureté et le contraste de la fine porcelaine blanche du gaiwan sur ce roc. Mais on pourrait aussi y voir la trop parfaite modernité coupée de la nature.
Le bol à émaille noire de Jianyang trouve bien plus naturellement sa place ici. Sa forme est si simple. Les variations noires et brunes ont une certaine régularité, mais pas de symétrie. Elles sont le fruit du hasard des réactions de l'émaille lors de la cuisson. Il n'y a pas deux bols semblables. Le génie de la dynastie Sung (960-1279), qui a créée ce style de bol, est d'avoir cherché un raffinement en harmonie avec la nature. Et tel était bien ce que je ressentais durant ce Cha Xi du renouveau!

3 comments:

Philippe de Bordeaux filipek said...

"Une nouvelle saison de récolte va bientôt commencer. J'espère recevoir vos commentaires et impressions sous les articles en question afin de partager avec tous vos découvertes, vos coups de cœur. Merci d'avance. "

Merci Stéphane!Pour ce cadre onirique et personnellement je ne suis pas prêt de te lâcher!et suivre,relater nos impressions pour que "Vive le Thé"...
Un rêve à réaliser:être dans ces merveilleux lieux de San Hsia et déguster en pleine osmose avec la Nature un Thé Gao Shan bien vert&succulent:un rêve accessible et possible mais chaque chose en son Temps...Patience:sacrée vertu!

TeaMasters said...

Merci de commenter régulièrement mes articles, Philippe. Une coupe t'attend!

merlin said...

Quel endroit merveilleux ! Un jour, peut-être, pourrais-je me retrouver là-bas en buvant une succulente coupe de thé...

Un rêve qui, je l'espère, se réalisera en des temps futurs.

Merci beaucoup, Stéphane, pour ces splendides images qui nous transportent accompagnées de tes messages vers un petit paradis d'Extrème Orient !