Saturday, April 10, 2021

Enivrez-vous!


Puerh LuYin du début des années 1990
Baudelaire est né le 9 avril 1821, il y a tout juste 200 ans. Ses poèmes ont fait parti de mon adolescence. Leur lecture fut un plaisir un peu pervers, car on y lit beaucoup de souffrances sublimées par la mélodie des mots, la beauté des images, l'exaltation des sentiments. 
Mon blog a déjà cité à deux reprises l'un de ses poèmes les plus célèbres, l'invitation au voyage: 
"Là, tout n'est qu'ordre et beauté
Luxe, calme et volupté"
Et on aimerait qu'il fasse rimer ces vers avec thé! 

Pour célébrer la mémoire de l'auteur des Fleurs du Mal, je voudrais rappeler cet autre poème archi connu: 'Enivrez-vous' (Le Spleen de Paris, XXXIII): 
"Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. 

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : « Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »"
Comme vous pouvez vous en douter, je ne vous recommande pas de vous enivrer de vin, mais plutôt de thé et de poésie (et de vertu aussi, car les amoureux du thé ont bien des qualités et n'ont pas à en rougir). 
Mais c'est surtout la conjonction du thé et de la poésie que j'aimerais promouvoir. Cette année, j'ai pris l'habitude de lire un poème chinois de Dufu (un des plus grands poète de la dynastie Tang, contemporain de Li Bai). C'est un Baudelaire chinois avec 1100 ans d'avance! Poète de génie, mais maudit, incapable d'intégrer le corps des mandarins impériaux, il aime le vin, mais restera pauvre. Il en découle une fierté d'être libre, mais la souffrance de ne pas atteindre la reconnaissance et la richesse auxquelles son génie pourrait prétendre.
L'idée de combiner la poésie avec le thé, c'est de profiter de ce moment de plaisirs raffinés (senteurs, longueur en bouche, beauté du Chaxi...) pour ajouter une dimension qui ouvre notre âme à l'infiniment beau de la langue poétique. Il n'y a pas de moment plus propice à la poésie. Buvez les vers de Baudelaire comme vous buvez les verres de puerh! Par petites gorgées, en goûtant chaque allitération, chaque rime... Enivrez-vous! 
(Note: article écrit sous l'influence du thé...)

1 comment:

Unknown said...

Quel bel article :)

La poésie est l'art de rêver (disait Charles Trenet).
Elle a l'excuse de ne devoir rien prouver.
Elle est un peu une correction excluant les calculs.
C'est autant réussir les choses que les rater, mais avec le support du talent.