Voilà à quoi ressemble un Hung Shui Oolong (cultivar: Luanze Oolong) vieilli naturellement, sans torréfactions postérieures.
Les feuilles sèches se sont progressivement distendues avec le temps. C'est là un signe de vieillissement, car les Oolongs jeunes sont tous roulés de manière très compacte (sauf les Baozhongs qui ne sont pas roulés).
L'odeur sèche me fait penser à une rivière sauvage.
La couleur de l'infusion est claire, transparente et brillante. Le jaune tire vers le brun clair. On est très loin des couleurs foncées des Oolongs souvent torréfiés.
Les odeurs en bouche sont la framboise, les fruits mûrs, le bois, du caramel... Il y a aussi une petite odeur de marécage ou de rivière sauvage qui me rappelle l'Ai Jiao Oolong, le parent du Luanze Oolong. Probablement est-ce l'âge qui fait ressortir cette ressemblance génétique.
On y trouve donc un peu de tout, mais ce n'est pas un foisonnement d'odeurs diverses. Au contraire, tous ces arômes se fondent les uns dans les autres. Il y a une impression de pureté (il n'y a pas eu de mélange de différentes récoltes).
Le goût est à la fois vivace, moelleux et gouleyant. Le thé glisse très facilement, car il est ample et sans aspérités. Il y juste une note un peu sèche qui reflète son sol rocailleux (comme un vin de Bourgogne). On sent aussi beaucoup de fraicheur en bouche une fois le thé avalé. Puis viennent alors le calme et la sérénité, un sentiment d'apaisement exquis.
En conclusion, ce Hong Shui Oolong s'est bonifié à merveille en 19 ans. Sa vivacité lui permet certainement encore de se conserver plus longtemps (officiellement, un Oolong est vieux lorsqu'il passe 20 ans). Mais il convient déjà pour distinguer quels arômes se développent avec le temps. Les plus importants sont la pureté, le calme et la vie.
Les feuilles ouvertes retrouvent pratiquement leur forme initiale. On voit les nombreux bourgeons ci-dessus.
Notes:
1. Pour la dégustation en set de compétition, j'ai utilisé 2 grammes seulement afin de mieux apprécier sa finesse. Toutes mes infusions ont duré plus de 5 minutes. J'ai utilisé de la porcelaine pour obtenir des résultats plus précis, mais le mieux serait de prendre une petite théière d'Yixing pour le boire.
2. Le collectionneur Taiwanais de ce thé a accepté de me vendre une partie de son trésor car il a vu que mon blog est pédagogique et fait beaucoup pour faire aimer et comprendre les thés chinois aux occidentaux. Aussi, je vais le proposer dans ma sélection en petite quantité afin que vous puissiez être nombreux à goûter un 'vrai' vieux Oolong. J'apprécierais particulièrement que vous laissiez vos commentaires concernant ce thé à la suite de cet article.
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10 comments:
Wow, these leaves look so intact and healthy as they've been plucked only some time ago.
The pictures and your comments make me want to taste this tea right now...
Thank you for finding such a jewel !!
Stéphane, aurais-tu lu L'art de la guerre de Sūn Zǐ récemment? Car tu es vraiment devenu un fin stratège.
En nous présentant les Hong Shui Oolongs début décembre, en nous parlant des "vieux" oolongs il y a deux jours, en nous faisant (re)découvrir les Ai Jiao Oolongs au passage, comment résister à un tel billet. L'eau me monte à la bouche rien qu'à lire ces lignes. Les perles de thé se détendant, et cette feuille infusée, avec son bourgeon minuscule sortant à peine d'une première feuille en formation... Rien qu'à l'œil un véritable joyau!
Il va falloir remercier et dument honorer ce généreux collectionneur.
En passant, je lisais ton ancien poste sur le Ai Jiao et une phrase a retenu mon attention:
>>> Taiwan did have some wild tea trees growing naturally on its soil, but it didn't use those to start its tea production in the 19th Century.
Qu'en est-il donc de ces théiers sauvage? Existent-ils encore et ont-il donné lieu à une production de thé?
Thanks Kim! Your observation is correct. Except for the darker color, these leaves look still very fresh.
Soiwatter,
Je prends cela pour un compliment! Fidèle au concept de mon blog, j'essaie de vous faire partager tant que ce peut mes découvertes et puis d'illustrer les connaissances acquises par des thés. C'est la meilleure façon d'apprendre: associer le pratique (le thé en question) avec la théorie (mon article).
Pour ce thé, c'est vrai aussi que je suis très heureux de pouvoir vous le faire partager, car on sort vraiment des sentiers battus. Ce n'est probablement pas un thé pour débutants, mais pour ceux qui veulent voir jusqu'où la perfection peut aller.
Concernant les arbres sauvages, ils sont protégés et ne donnent pas lieu à des récoltes commerciales, selon mes anciennes notes de cours. Mais c'est une question à creuser...
Stéphane,
je lis votre blog depuis un moment et je me décide enfin à passer une commande. Pouvez-vous me donner la marche à suivre.
(pour ce Hung Shui Oolong)
merci
Salim,
envoie-moi simplement un e-mail à: stephane_erler@yahoo.com
Magnifique et véritablement tentant !!
En attendant de te solliciter sur cette rareté lors de ma prochaine commande ... si je n'arrive pas trop tard à ce moment là ! On peut toujours rêver, n'est-ce-pas ?
Hélène
Bon, je suis le premier à me lancer dans l'exercice: Avis de dégustation (qui sera très bientôt suivi d'un résumé plus complet sur mon blog)
Ça fait maintenant un mois que je veux goûter ce thé, mais avant cela, il me fallait trouver une bulle dans le continuum espace-temps pour y consacrer un moment privilégier. ce qui a été fait hier après midi.
Pour cela, deux grammes de ces feuilles magnifiques dans mon petit oeuf de dragon an hong ni. Les feuilles sont très belles, assez petites, les boules ont toutes commencé à s'ouvrir, plus ou moins selon les feuilles... Les durées d'infusion commenceront à 2 minutes, avec un incrément de 30 secondes pour chaque nouvelle infusion.
Dans la théières chauffée et fumantes, les feuilles ont une odeur de fruit confisant assez puissante, embaumant la pièce.
La première infusion, c'est de la confiture de framboise en cours de cuisson à même la kochleffle(cuillers en bois alsacienne) tout juste sortant du confiturier, un peu de boisé et un goût caramélisé typique des bons thés de Taiwan.
A partir de la seconde infusion, un fort goût de sphaigne fraîche de début de printemps ou de fin d'automne gorgée du matin prend de plus en plus de puissance jusqu'à la sixième infusion, en parallèle de la confiture de framboise.
A partir de là, changement total d'univers olfactif. La mousse disparaît, la confiture passe un peu en retrait. Et ce sont des notes très puissantes d'herbes aromatiques qui apparaissent, très puissantes et très fraîches. D'abord de la verveine et de la mélisse, puis du romarin et enfin, très longtemps de la neuvième infusion à la douzième, du fenouil avec toujours en fond ces notes de confiture de framboise. Même atmosphère ce matin pour la treizième infusion. Le thé commence alors un peu à faiblir, nous en sommes à 18 minutes d'infusion.
Ce thé est tout bonnement exceptionnel, égal à aucun autre. Il n'y a aucune amertume et aucune astringence. Que du sucré, une pointe de salé et une trace à peine sensible d'acidité qui relève le goût. Le thé est aromatiquement très clair, d'une limpidité aromatique presque cristalline.
Les arômes présents sont assez surprenants. On ne cache rien, le thé fait pour nous le travail de décryptage aromatique qui est d'habitude à notre charge pour les autres grands thés. Le vieillissement est bien là avec ses notes de mousse, main contrairement aux pu ehr, ce ne sont pas des notes troubles de terre de bois, de racines, de mousses, de cire... mais des notes de la sphaigne la plus pure. Un vrai contraste avec la confiture de framboise. Viennent ensuite les notes d'herbes aromatiques, d'une force jamais égalée, une autre inconnu dans le monde des thés... Un seul mot me vient à l'esprit: désopilant... Un thé unique...
La bouche est très fraîche, pour toute les infusions, les arômes tapissent la bouche comme d'aucun, une rondeur fraîche incomparable.
Ce thé est vraiment unique pour une expérience totalement différente de ce que j'ai pu vivre jusqu'à présent...
Merci pour tes notes de dégustation de ce thé, Soïwatter. Cela me fait vraiment très plaisir de lire que tu as réussi à apprécier aussi bien ce Hung Shui Oolong. Bravo!
En cette fin d'après-midi du mois de mars, j’étais d’humeur à fêter dignement les premiers jours du printemps.
J'avais du temps devant moi, le repas était déjà loin et mes papilles étaient en alerte : toutes les conditions étaient réunies pour une grande dégustation. En parcourant ma petite « cave » personnelle, c’est avec joie que mes yeux s’arrêtèrent sur l’échantillon d’hung shui oolong de San Hsia (pr 1990) commandé il y a peu.
Selon les éléments apportés par Stéphane, ce thé a été fourni par un "collectionneur" taiwanais, car les vieux oolong de cette qualité sont introuvables dans le commerce, même à Taiwan. Chose encore plus rare, les feuilles proviennent d'un seul terroir (ce n'est pas un blend) et n'ont pas été torréfiées tous les deux ou trois ans comme les autres thés de ce type proposés en boutique. Le temps, seul, a fait son œuvre.
Les paramètres de préparation ont été les suivants :
- eau de source faiblement minéralisée chauffée dans une bouilloire en glaise avec quelques morceaux de charbon actif de bambou,
- 3g de thé, d'abord en zhong, puis en Zisha de 12cl, pour une dizaine d'infusions de durée croissante,
On n'aborde pas la première dégustation d'un thé aussi rare dans l'état d'esprit habituel. Une légère tension, inexplicable, plane, en filigrane, dans la pièce.
VUE : Les feuilles se sont légèrement déroulées au fil du temps. La liqueur est cristalline et brillante.
NEZ : Un bouquet très étonnant et peu commun. Les feuilles sèches et la liqueur présentent le même spectre aromatique complexe difficilement cernable dans son intégralité : miel, sucre roux, vieilles fleurs, notes de cacao et d'autres choses...de vieilles choses...
BOUCHE : La texture est dense, souple et soyeuse : un vrai plaisir. La liqueur est d'une complexité peu courante et mon palais n'est pas encore assez formé pour en saisir toutes les subtilités. La palette proposée est si inattendue qu'à ce stade, je suis un peu perdu.
C'est un thé exigeant qui nous dit : "concentrez-vous sérieusement sur moi". (oui, oui, les feuilles parlent comme dans « La petite boutique des horreurs »)
Le profil principal s'articule autour d'un axe acidulé/sucré/amère. Viennent tour à tour les fleurs, le miel, et le sucre roux, mais transfigurés par le temps, un peu comme si le thé avait vieilli en fut de bois. En bouche, la fusion des saveurs semble toujours en cours et donne à la liqueur un caractère insaisissable et mystérieux.
Une légère amertume, bien intégrée, rappelle le hung shui oolong de Feng Huang de cet hiver. Il y a beaucoup de notes que je n'arrive pas à reconnaître (peut-être le côté "marécage" mentionné par Stéphane ? ).
De manière étonnante la rétro olfaction est peu présente. Mais ce qui arrive après ingestion est presque plus intéressant : le miel et le sucre, d'une force un peu brûlante, se dégradent en réglisse pour constituer une finale sucrée d’une longueur confortable.
Le legato des arômes et ce côté sucré brûlant sont surprenants pour du thé ! On pense encore une fois à un spiritueux, à certains "single malt" (toutes proportions gardées). Le cha qi est encore présent et je ressens quelques « frissons » d’énergie.
Les liqueurs successives offrent une belle évolution. Au fur et à mesure des infusions, l'équilibre se modifie. Le thé s'assagit. Les composantes sont toujours présentes mais encore plus fondues, plus calmes. La 8ème est de toute beauté : tout en rondeur sur les tons miellés/sucrés. C'est très gourmand, encore mieux que du Ba Xian.
Peu à peu l’ambiance est devenue feutrée et une intimité s’est formée entre le thé et moi. J’oublie l’analyse et me laisse porter par les sensations.
A la dernière infusion la texture est toujours soyeuse, tout est encore harmonieux. Un moment de calme, tout en délicatesse, comme un couché de soleil. Je me sens apaisé, avec le sentiment d'avoir franchi un cap.
Merci Stéphane de nous offrir l'opportunité de savourer des thés de cette dimension qui, sans toi, resteraient inaccessibles pour beaucoup de bourses. Par ton entremise, j'ai accédé à un niveau de qualité que je ne soupçonnais pas dans cette famille de thés.
Les souvenirs des dégustations précédentes me paraissent simplistes et bien plats en comparaison... Cet Hung Shui Oolong « Vintage » figure désormais parmi mes références personnelles, toutes catégories confondues.
Une liqueur noble et exigeante, encore vigoureuse, qui ne fait pas dans le clinquant mais qui impose sa qualité sur la durée.
A déguster dans la sérénité, pour oublier le bruit du monde et faire une escapade ...hors du temps !
Un wulong d'exception. Une pure merveille.
Intense, pur, enivrant.
Il n'y a pas grand-chose à dire de plus, si ce n'est se laisser bercer lors de sa dégustation (sur deux jours).
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