D'où provient la beauté de cette coupe sur son support semblable à une fleur? Est-ce sa forme, sa couleur claire mi-verte mi-bleue, son émaille si douce au toucher...? Mais toutes ces caractéristques sont superficielles au sens premier: c'est la surface qu'on voit et qu'on touche en premier. Pour aller plus loin et mieux comprendre toute céramique, il est nécessaire d'explorer la pièce plus en profondeur. C'est pourquoi, de l'amateur à l'expert, le premier geste consiste à retourner la pièce pour examiner le pied, l'endroit où l'émaille ne recouvre pas la glaise. C'est là qu'on découvre, cachée, la glaise qui forme le corps, l'intérieur.
N'ayant pas encore fait de photos du pied retourné, je propose de regarder sous le couvercle de la jarre du même set. On remarque que la couleur de la glaise nue est y est grise claire et qu'elle contient des points foncés et des points clairs. Il ne s'agit donc pas de kaolin pur, comme ce qu'on emploie pour faire de la porcelaine bien blanche.
David Louveau de la Guigneraye préfère utiliser des matériaux naturels provenant directement du sol. Parfois, il lui arrive d'utiliser de la glaise complèment brute. Mais la plupart du temps, il travaille aussi ses terres avec des méthodes traditionnelles. Il les tamise pour filtrer les impuretés ; il les expose au soleil, à la pluie et au vent ; il broie des roches avec un broyeur mécanique pour en faire de la glaise ; il malaxe les terres au pied pour leur donner une cohérence...
Comme un boulanger, il a ses recettes, ses mélanges de terre qui varient
selon le type de pièce qu'il veut produire. Tout ce travail en amont du
tournage des pièces est essentiel pour la qualité de la pièce. C'est un
travail physique, dur et ingrat. Il est tellement plus simple d'acheter
la glaise prête à l'emploi. C'est un peu comme les plats surgelés qu'il
suffit de réchauffer. C'est pratique et rapide, mais on perd le
contrôle des ingrédients avec les risques que l'on connait...
Pour ce nouveau set, David Louveau a ajouté du marbre broyé pour faire l'émaille de cette porcelaine brute. Montée jusqu'à 1320 degrés Celcius, sa cuisson a obtenu une céramique bien dure
et une émaille lisse, presque grasse.
Ce genre de pièce nous fait voyager dans le temps et me fait d'abord penser à l'apparition de la proto-porcelaine il y a plus de 3000 ans (début de la dynastie Shang). L'émaillage est apparue très tôt pour faciliter l'entretien des pièces en céramique. Mais on n'est pas passé au blanc du jour au lendemain. Les premières porcelaines n'avaient pas une forte proportion de kaolin dans leur glaise, si bien qu'elle était souvent grise, brun clair ou jaunâtre. Quant à l'émaille des premières porcelaine, c'est surtout le céladon (vert ou jaune) qu'on utilisait pour cette proto-porcelaine (yuanshi ciqi). Or, le fait que David Louveau utilise des matériaux naturels et des techniques traditionnelles nous permet bien de faire ce lien entre ce passé et le présent.
La beauté de la coupe est également liée à sa fonction, son utilité. Cette forme n'est pas simplement belle pour ses courbes, son harmonie, mais car l'objet nous est utile. La coupe repose de manière stable sur un socle. Ce socle au diamètre supérieur à l'ouverture de la coupe est l'ancêtre des soucoupes de nos tasses à thé ou café. Il permet de protéger la table ou la nappe du liquide renversé à côté de la coupe. Il surélève aussi la coupe pour la rapprocher de notre bouche, ce qui est pratique si on prépare le thé à même le sol. En même temps, le socle permet de soulever la coupe de manière confortable et élégante. Finalement, avec 5 petites encoches sur le pourtour du socle, le tout ressemble à une fleur.
La coupe, grâce à son matériau naturelle, a pour effet d'arrondir les goûts et de rendre plus moelleux des infusions fortes. Elle convient donc surtout aux puerhs, aux thés rouges et aux Oolongs torréfiés.
Finalement, pour en revenir à la forme, David et moi nous sommes inspirés de cette reproduction d'une coupe de la dynastie Yuan. Or, dans l'histoire de la céramique, les formes sont surtout évolutives. Elles sont le fruit de longues traditions, de multiples répétitions. Elles accumulent ainsi la culture et le sens de la beauté de générations successives. Pour Soetsu Yanagi, le génie des potiers de la dynastie Sung (qui précède Yuan), est de n'avoir pas cherché la créativité individuelle, mais d'avoir fait confiance aux traditions. (Aucune oeuvre Sung n'est signée). A plus petite échelle, on peut voir cette force de la répétition à
l'oeuvre chez David Louveau: plus il fait ces coupes, meilleures
elles deviennent. Son geste devient plus précis, plus juste.
Durant la dynastie Sung, on retrouve un design similaire pour les bols à thé. Ce qui est intéressant avec le modèle de la dynastie Yuan est la taille plus petite qui convient mieux à notre façon actuelle de préparer le thé.
L'émaille céladon fait penser au 'ru' de la dynastie Sung aussi. Certains la décrivent comme la couleur du ciel après la pluie... Au soleil, elle me fait penser aussi à une couleur de mer azur.
En conclusion, cette coupe respire vraiment la santé, le bonheur et la nature.
Merci beaucoup David!
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3 comments:
très joli poterie par contre je suis loin d'être d'accord avec toi sur ce point :"
C'est un travail physique, dur et ingrat. Il est tellement plus simple d'acheter la glaise prête à l'emploi. C'est un peu comme les plats surgelés qu'il suffit de réchauffer. C'est pratique et rapide, mais on perd le contrôle des ingrédients avec les risques que l'on connait..."
la pollution des sols et l'absence de tests chimiques pour en connaitre la composition de la glaise obtenue donne une moins bonne traçabilité/connaissance qu'une glaise "toute faites" comme tu dis. On dirait une plaquette marketing et on passe à côté de la vrai démarche....
Je suis d'accord et 100% d'accord avec la démarche j’aimerai aussi pouvoir réaliser ce travail un jour mais c'est une une recherche d'authenticité et de spontanéité qui en serait le coeur.
Le travail de David est par contre tout à fait passionnant et sa démarche mérite d'être plus connue. J'espère pouvoir un jour visiter son atelier
Et dernière précision, la porcelaine 'même toute prête" n'est heureuesement pas composé que de kaolin ;).
De plsu il faut félcité david sur le travail de glaçure réaliser ici aussi.
Bonjour Mr Pomme,
1. Tu fais une bonne remarque quant au choix de l'origine de la terre: les potiers de Tchernobyl n'ont probablement pas beaucoup de clients s'ils font comme David. Mieux vaut pour eux de commander leur glaise ailleurs!
Heureusement, la Borne et la region centre ne sont pas des regions industrielles! Et comme David Louveau a grandi en Nouvelle-Calédonie, il adore la nature vierge et c'est dans cet esprit qu'il cherche et achète ses terres.
Un article de blog est toujours trop court pour aller au fond de chaque aspect de la potterie. Pour ceux que cela intéresse, je recommande la lecture de 'Le livre du potier' de Bernard Leach. Il y preconise l'usage de terres locales au lieu des glaises toutes prêtes.
2. En effet, la porcelaine actuelle n'est pas composée que de kaolin. On est d'accord. J'ai juste écrit que la proto-porcelaine avait une faible proportion de kaolin.
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