La dynastie Sung fut une période d'expérimentation et de création très intense pour la culture du thé. L'un des thés les plus représentatifs de l'époque est le thé vert en poudre, Mo Cha, battu avec un fouet en bambou dans un bol Tian Mu. Cette technique a pratiquement disparu de Chine, mais fut exporté avec succès au Japon, puisque la haute société la pratique aujourd'hui encore. On y appelle le thé matcha et le bol Tenmoku.
Si l'on veut recréer une telle expérience 'Sung' de nos jours, il faudra prendre du matcha japonais. Les thés verts chinois (ou taiwanais) en poudre ne sont pas de qualité suffisante (d'un point de vue du process, pas du thé en soi).
Mais avant que je ne vous livre la technique pour faire ce thé à la manière Sung, il faut d'abord que je vous en dise plus comment on appréciait ce thé à l'époque. Ainsi, dans la Chine impériale il y a 1000 ans, l'empereur Sung Hui Zhong appréciait tout particulièrement le thé dont la technique avait pris forme il y a deux siècles auparavant avec Lu Yu. C'est sous son impulsion que tous les courtisans, nobles et riches marchands se mirent également au thé. Il y avait probablement une part d'effet 'golf', c'est à dire d'une activité sélect pratiquée seulement par ceux qui peuvent se le permettre. Du coup, les artistes et artisans recevaient beaucoup de commandes pour des objets de thé. Pour les courtisans, obtenir des objets qui plairaient à l'empereur était une façon d'obtenir ses faveurs. Cela explique le foisonnement et la créativité de cette époque.
Mais, de manière plus profonde, la dynastie Sung était bien en avance sur le reste du monde en terme de progrès et de culture. L'empereur accordait beaucoup d'importance aux plaisirs les plus raffinés et cela se reflétait aussi dans le thé. Ce n'était pas une simple boisson, mais une source de divertissement artistique. L'un des plus grand plaisir est celui de la vue. Et l'objet le plus important et le plus beau était le bol Tian Mu.
Rapidement, pourquoi est-il noir au départ? Parce que c'est la couleur qui se marie le mieux avec le mo cha vert. Ces bols furent surtout produits dans le Fujian, à Zhen Yang, avec une glaise noire. Cette glaise a elle-même une propriété intéressante: elle prend une couleur pourpre/brune par oxidation durant la cuisson. C'est assez bien visible sur la photo ci-dessous. On voit la glaise originale noire sous les bris du pied.
On y rajoute ensuite une émaille noire épaisse qui descend presque jusqu'au pied à l'extérieur (l'intervalle qui reste au-dehors correspond au volume à l'intérieur du bol dans lequel on met la poudre de thé.) D'après des analyses de l'émaille des bols, on a pu déterminer que la température de cuisson durant la période Sung atteignait déjà 1290 degrés Celcius!! Or, c'est là que se passa quelque chose d'extraordinaire: la technique de l'émaillage n'êtant pas encore très au point, certains bols ne ressortaient pas tout noir des fours, mais avaient de taches de couleur diverses. Sur un lot de 100 bols, peut-être seuls 2 ou 3 avaient ces irrégularités. Ces formes et couleurs fruits du hasard faisaient la joie (visuelle) des buveurs de thé.
Ci-dessous, un changement classique: (le bol est une reproduction moderne)
Un autre classique était d'avoir le pourtour argenté ou doré. Parfois on rajoutait des formes à la main, comme de ronds blancs. Mais en général, on préférait les altérations naturelles.
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3 comments:
est-ce le même bol qui est présenté dans la sélection de teamasters?
Non. Dans la sélection, il s'agit d'un bol de 200-300 ans. Dans cet article, on a 2 bols (les 2 premières photos et les 2 dernières sont 2 bols différents). Ici, il s'agit de reproductions contemporaines.
Puisqu'on parle de Hui zhong,j'ai lu récemment " le palais des nuages " de Patrick carré. L'aventure imaginée par l'auteur met en scène l'empereur Hui Zhong de façon peu conventionnelle par rapport à l'histoire, mais le livre est très inspiré, c'est peut-être une idée de lecture pour cet été !
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