Thursday, June 09, 2011

L'instruction du thé passe par la qualité

Jason me rend visite pour apprendre le thé de Taiwan. Jason est le fondateur du Tea Institute de Penn State University (où j'ai été invité en avril avec Teaparker). Il honore ainsi l'invitation que Teaparker et son association Cha Ren Ya Xin lui avaient lancé en avril. Ces dernières années, Jason a déjà été en Inde et au Yunnan pour étudier tout ce qu'il est possible de savoir sur le thé. Le domaine est vaste. Cela fait plus de 8 ans que je consacre à ce sujet, et je n'en vois pas la fin, ni même le début de la fin!

Alors, par quoi commencer ce séjour d'étude de thé à Taiwan? Par du Oolong, certainement, mais pas n'importe lequel. L'instruction passe par l'expérience de l'excellence. C'est l'idée de l'éducation classique: comme les étudiants en littérature se doivent de lire les plus grands auteurs, Jason doit boire les meilleurs thés. C'est en faisant l'expérience de la qualité qu'il aura une meilleure idée du goût d'un bon thé. Son but est de mémoriser des standards, des étalons, pour pouvoir y mesurer les autres thés.

Cet apprentissage du bon goût est très difficile, car nous sommes conditionnés par cette maxime que les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Et pourtant, qui d'entre nous choisirait un thé en sachet s'il peut avoir un thé aux feuilles entières infusées en gaiwan? Il nous faut donc bien distinguer 2 choses: nous ne pouvons pas critiquer le goût d'une personne pour un certain type de thé, mais nous pouvons critiquer et discuter le niveau de qualité d'un thé.

Pour cette première rencontre de dégustation avec Jason, je commence par les Oolongs jeunes de ce printemps. Cette écharpe fleurie sur un tissu vert (et fleuri aussi) et les orchidées reflètent ce thème de fraicheur printanière. J'utilise des Cha Tuo en cuivre (avec bordure en argent) et un récipient à eaux usées en cuivre pour leur couleur dorée. Les coupes classiques en porcelaine d'ivoire vont aussi soulignées le doré des infusions.

Pour aller au meilleur, nous passons immédiatement aux Oolongs de haute montagne: le jinxuan d'Ali Shan (1400 m), le luanze Oolong d'Ali Shan (1600 m) et le luanze Oolong de Qi Lai Shan (2200 m). C'est ce dernier dont on voit les feuilles sèches ici.

Un Oolong de qualité se distingue d'abord par une infusion claire et bien transparente. Sa couleur ne sera pas terne, mais vive et appétissante. L'infusion brille au soleil.

Les odeurs sont agréables. Sentir les feuilles sèches engendre souvent une salivation.

Le goût commence pur et léger. Le thé glisse comme du velours et s'avale sans serrement de la gorge ni de l'estomac. On sent une impression de moelleux presque sucrée d'un côté, et une fraicheur dans la bouche également. Puis, vient le yun, l'arrière goût du thé. Au lieu de disparaitre rapidement, cet arrière-goût reste non seulement présent, mais semble circuler par vagues. Les muscles de la langues se contractent comme massés doucement (la première fois, je crus revivre un baiser!) Tout le corps se sent à l'aise et ressent l'impact du thé.

Les feuilles sont cueillies à la main. La présence de bourgeons apporte des fragrances fines et puissantes. Les feuilles ne sont pas fines. Les plus grandes ne sont pas vieilles et dures.

Tous les Oolongs de haute montagne ne se valent pas. Ainsi, ce weekend, j'ai pu boire un Da Yu Ling fraichement cueilli. Un nez très frais a laissé place à une infusion au goût apparemment léger, mais agressive pour l'estomac. Ce thé contenait trop de vieilles feuilles dures et n'a pas été suffisamment afiné par un bon séchage. Son oxydation est aussi souvent un peu trop brève. Cela m'apparu clairement en comparaison de mon Oolong de Qi Lai!

Je ne recommande pas forcément de boire de tels classiques tous les jours. A chacun de voir en fonction de ses envies et de son budget. Cela dépend aussi de l'attention qu'on consacre au thé. Mais si cette attention est totale, comme c'est le cas pour l'étude du thé, alors on retirera d'autant plus d'enseignements qu'on aura sélectionné des thés de qualité.

5 comments:

Philippe de Bordeaux filipek said...

C'est pour ces raisons qu'on est "en Amour" avec le Thé.

Merci Stéphane.

C'est clair,net,précis comme un merveilleux Gao Shan Cha!

. PHILIPPE .

Emily said...

Je suis très heureuse de voir Jason là avec vous- c'était un article très intéressant. J'attends avec intérêt tous ce que nous apprendrons à Penn State. Merci beaucoup et j'espère que vous allez bien!

-Emily à l'Institut de Thé

Patrick said...

wonderful post!
I'm looking forward to seeing what jason has learned when he returns back to Penn State.
-Patrick Penny, director of Tea House operations for the Tea Institute at Penn State

TeaMasters said...

Merci Philippe

And thank you to Emily and Patrick from the Tea Institute at Penn State for dropping a line. I'll make sure that Jason brings some of these nice leaves back to you!

Anonymous said...

Bel enseignement, Stéphane !
Il est vrai qu'apprendre par la qualité est gage de fidélité !