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Marié et père de deux enfants franco-taiwanais, cela fait plus de 11 ans que j’habite Taiwan. Amateur de vin blanc d’Alsace, ma région d’origine, j’ai rapidement été séduit par le Oolong taiwanais. Sa couleur dorée, ses odeurs fleuries et sa longueur en bouche m’ont donné des sensations gustatives très proches de mes Pinot Gris. Je ne ratais pas une occasion d’en déguster chez mes amis chinois. J’étais chaque fois aux anges.
Aussi, je décidai rapidement de m’équiper pour faire mon gongfu cha moi-même. Sans vraies connaissances en la matière, je fis un peu comme me confia un jour un patron chinois : « Je n’y connais rien au vin, alors je choisis toujours le plus cher » pendant sa commande d’un Chateau Latour, 1er grand cru classé. Sans avoir les mêmes moyens financiers que lui, je fis un peu pareil et dépensais relativement beaucoup d’argent sans bien comprendre, juste pour être certain d’acheter de la qualité.
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Ainsi, à Yingge, la capitale de la poterie de Taiwan, j’achetai une théière de maitre faite à la main en terre rouge. Sa finition était parfaite et sa forme sobre et classique. Chez les marchands de thé, je boudais les oolongs de plaine peu chers et n’achetai que du Oolong de haute montagne.
Et pourtant, chaque fois que je préparais mon oolong chez moi, j’étais déçu du résultat. Il sortait amer et avec peu d’odeurs fleuries. C’est comme s’il avait été étouffé. Je me sentais bête et exclus de ce monde chinois dans lequel je cherchais à m’assimiler. En variant un peu mes ustensiles et mes thés, j’obtins parfois des meilleurs résultats, mais sans comprendre pourquoi.
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Ma femme m’inscrit alors, il y a 5 ans, à une série de cours de gongfu cha proposé par maitre Chih Jung Sien à l’occasion de la sortie de son livre « Mon premier livre de gongfu cha » (disponible uniquement en chinois). Cela ressemblait beaucoup à un cours d’oenologie que j’avais eu l’occasion de suivre un jour en France.
Chaque cours commençait par une partie théorique sur un thé précis. Maitre Chih (aussi appelé Teaparker en hommage à Robert Parker, le critique de vin mondialement connu) nous enseignait son histoire, sa méthode de fabrication, comment distinguer le bon du mauvais et comment le préparer de manière optimale. Puis, durant la seconde partie du cours, nous passions aux ‘travaux pratiques’ et chacun préparait le même thé avec la même eau et le même zhong, l’instrument idéal pour commencer.
En comparant nos infusions, je fus très surpris de la variété des résultats obtenus par les uns et les autres, surtout avec les Oolongs. Mais pour moi, le plus extraordinaire était de voir comment maitre Chih réussissait toujours à faire le même thé bien meilleur que nous. J’avais chaque fois l’impression d’être témoin d’un petit miracle : qu’importe le thé, il arrivait toujours à le préparer de manière optimale pour lui extraire ses meilleures saveurs.
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Fort de ces nouvelles connaissances, mes thés sont devenus de mieux en mieux réussis, meilleurs pour le plus grand plaisir de ma femme ! Intrigué par la technique ‘prodigieuse’ de maitre Chih, j’ai vraiment eu envie de me perfectionner avec son aide et continue de le voir régulièrement pour suivre son enseignement. Pour la petite histoire, je montrai un jour ma première théière d’Yingge à maitre Chih. Il la regarda, la sentit et me dit que j’avais essayé d’y faire du oolong fleuri dedans, mais que les odeurs avaient du mal à s’y exprimer ! Pourquoi ? Parce qu’elle a été lustrée avec un peu d’huile pour la rendre plus jolie, une pratique commerciale assez répandue, malheureusement. Or cette huile bouche les pores de la glaise et l’empêche de respirer. Il me conseilla alors de l’utiliser pour les vieux Oolongs, des thés pour lesquel ce défaut ne gêne pas. Je tenais enfin l’explication de toutes mes frustrations passées.
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Conscient de ma chance unique d’avoir trouvé un tel expert enthousiaste du thé, j’ai créé ce blog pour partager mes nouvelles connaissances, mes expériences et
mes découvertes avec les amateurs de thé chinois de part le monde.
Plus j’avance sur cette voie, plus je remarque que le monde du thé et son histoire millénaire sont immenses. Prendre la voie du thé est donc un apprentissage de modestie. Mais c’est aussi une manière très intéressante d’étudier le monde chinois, ses différentes dynasties, sa culture, sa géographie... Le voyage ne fait que commencer!