"C’est à Menghai, une petite ville située à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest de Jinghong, la capitale du Xishuangbanna, qu’a été inventé le thé Pu-erh cuit dans les années 70. Jusqu'à récemment Menghai était le centre principal de la fabrication du thé cuit. Mais avec la fin de l’économie planifiée et la privatisation de la fabrique de thé de Menghai (l’usine historique qui produit la marque Da Yi ), d’autres régions du Yunnan comme Lincang, Lancang, Simao, Dali, Kunming sont désormais très impliquées dans la production de ce thé.

Résultat direct de l’essor fulgurant du marché de ce thé au cours des cinq dernières années, une cinquantaine de nouvelles usines sont en construction.

Monsieur W nous explique qu’il nous emmène visiter l’usine de Ban Zhang Lao Shu car il pense qu’elle est très représentative d’une certaine manière de travailler. L’autre raison c’est qu’il connaît bien le patron et que celui-ci est d’accord pour me laisser faire des photos.






Bo You, la deuxième usine que nous avons visitée se trouve de l’autre coté de la ville, dans le quartier des ateliers de séchages de feuilles de thé.

Alors que les infrastructures de Ban Zhang Lao Shu sont modestes, chez Boyou on fait dans le luxe. Exception faites du parking, tout le sol de l’usine, des bureaux aux ateliers, est pavé de marbre. La chaine de production est un peu plus mécanisée que chez Ban Zhang Lao Shu.
Monsieur W pense que pour Boyou, avoir une belle usine fait parti d’une stratégie marketing. Si leur usine ne se photographie pas, elle se visite beaucoup. Le marbre est là pour séduire les visiteurs, leur donner confiance sur la propreté et le sérieux de l’établissement.
Il semble d’ailleurs que ça marche! Une haute responsable administrative de la province du Yunnan vient de leur acheter un important stock de thé pour ses cadeaux de fin d’années en leur promettant que, désormais, elle ne se servira que chez eux!
Monsieur W nous explique qu’à ses yeux les infrastructures des deux usines sont tout à fait adaptées pour produire du thé cuit de qualité. Mais Boyou, tout comme Ban Zhang Lao Shu et la grande majorité des petites usines de production de thés cuits, ne possèdent pas de plantations. Ce genre d’usines n’est pas du tout impliqué ni dans la plantation, ni dans la récolte et le séchage des feuilles. Leurs galettes de thé sont produites avec des feuilles qu’ils ont achetées déjà séchées.
Pour monsieur W, les belles infrastructures de chez Boyou fournissent sans doute un meilleur cadre de travail aux ouvriers. Elles ne peuvent pas, à elles seules, être la garantie d’une meilleure qualité. Monsieur W redouble d’arguments afin nous convaincre que la qualité d’un thé ne vient ni du marbre ni des uniformes neuf du personnel, mais bien évidement de la qualité des feuilles utilisées. Il pense d’ailleurs que Boyou achète des feuilles de qualité supérieure à celles de Ban Zhang Lao Shu. Mais il plaisante avec nos hôtes en leur disant que si le thé qu’ils achètent est de mauvaise qualité ou a été séché par terre dans un village au milieu des poules et des cochons, le marbre de l’usine ne le rendra ni meilleur ni plus propre !
Avec la visite de deux usines très différentes, Monsieur W nous a permis de comprendre que si les étapes de fermentation et de conditionnement du thé sont certes très importantes, elles ne fournissent pas à elles seules toutes les garanties de la qualité d’un thé.
Pour monsieur W, le savoir faire n’est pas non plus quelque chose de particulièrement compliqué. Chaque usine développe ses propres recettes, certaines peuvent être très sophistiquées (chez Da Yi on mélange dans une même recette jusqu'à une centaine de feuilles de qualités et d’origines différentes !), mais partout les méthodes de fermentation restent très semblables. Monsieur W se plait à dire que, contrairement à ce que la publicité aimerait nous faire croire, il n’y a pas de grands mystères dans le thé cuit. Il s’agit finalement d’un produit agro-alimentaire comme un autre."

Un grand merci à Philippe pour ce premier article et ses superbes photos!
5 comments:
Très bel article, très intéressant.
Il est toujours fort utile de se faire une idée des endroits d'où viennnent nos thés...
Ce que j'imagine qui doit être très marquant lors de ce type de visite, c'est l'odeur qui reigne dans cet entrepôt avec des tonnes de thés...
Je garde un imperrissable souvenirs olfactif de ma visite au jardin Puttabong de Darjeeeling...
THOMAS
L'aspect olfactif doit en effet être mémorable.
C'est un article très intéressant qui nous explique ce qu'on doit savoir sur les pu-ers cuits, ni plus ni moins finalement mais avec des photos qui donnent une idée intéressante de leur façon de faire.
De belles photos pour cet instructif article !
Les odeurs doivent être mémorables ... et la température ? dans les salles de fermentation ? Ma question est peut-être "idiote" ...
Hélène
Effectivement l'odeur est assez fascinante ! Elle est présente dans toute l'usine, pas seulement dans la salle de fermentation. Elle est évidemment plus forte à coté du tas de thé. C'était une odeur plutôt raffinée, très fleurie, très agréable. J'ai eu du mal à quitter cette pièce pour continuer la visite!
Sinon, la pièce est plutôt bien aérée et la température n'est pas plus élevée qu'ailleurs. Mais ce jour là, il n'y avait qu'un seul petit tas de thé en fermentation (sous la bâche blanche), les autres tas avaient terminés leur fermentation. Ils étaient stockés la pour sécher et s'aérer.
J'ai trouvé cet article particulièrement intéressant, cependant cela signifie aussi que nous pourrions avoir une bien meilleure classification de nos thé ainsi qu'une meilleur qualité. Comme nous l'avons lu dans l'article l'objectif premier est la rentabilité et ils achètent donc des feuilles en fonction du prix et non de la qualité. Même si le procédé de fermentation est bien exécuté, nous y perdons en qualité. Si les acheteurs tout le long de la chaine étaient prêt à payer plus comme je le serai, nous aurions de bien meilleur pu erh, fait avec de bien meilleures feuilles.
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