En ce 1er mai, le mieux c'est de laisser les autres travailler! Alors je vous propose cette longue lettre de Thomas accompagnée de mes réponses et de quelques unes de mes photos:
"Bonjour Stéphane,
Le colis contenant ma première commande chez toi est bien arrivé. C’est avec un grand plaisir que j’ai découvert le contenu de la boite : les deux théières en zhuni et la galette de Pu Er. C’était ma première commande sur le net et j’en suis enchanté. Avec des articles d’une telle qualité, c’est certain : « le bonheur est dans le thé ».
La coupe en céladon était on ne peut mieux choisie car j’apprécie beaucoup cette couleur. Cependant, j’hésitais car sur la photo de ton blog, on ne se rend pas bien compte de la forme de cette coupe. Avec la déformation optique du gros plan, elle apparaît plate comme une soucoupe… peut-être qu’une vue plus de profil rendrait mieux compte de son élégant design.
Stéphane: Cette coupe est effectivement différente de celle de ma sélection (à gauche). La tienne a un bord un peu plus rond que celle de droite (je posterai une photo de celle que tu as reçu à l'occasion).
J’étais donc assez ému en découvrant cette coupe dans ma commande. Un grand merci aussi pour les deux petits dais de tissu éponge dont la couleur s’harmonise très bien avec la zhuni et le céladon, ils me sont très utiles. Il me faut encore essayer les charbons.
Quelques commentaires sur les articles de ma première commande : (ne sachant dans quels postes du blog introduire mes commentaires, je te les envoie dans cet E-mail. Tu peux évidemment réutiliser mes notes de dégustation et avis sur le blog si tu le désires)
Concernant la zhuni baotai et la zhuni xishi :
je possède déjà quelques petites théières en terre « dite de yi xing », mais après avoir fait quelques essais il est flagrant que les performances de tes théières sont nettement supérieures à toutes celle que j’ai pu avoir en mains jusqu’à présent. Tout d’abord, elles conservent étonnement bien la chaleur et pendant très longtemps. De plus, lors du comparatif avec un zhong, la différence est manifeste : le thé est plus rond, plus doux, plus moelleux, les parfums apparaissent mieux structurés et organisés les uns par rapport aux autres, les caractéristiques du thé sont plus en harmonies par
les unes par rapport aux autres. C’est un petit peu magique. On pourrait même croire ces deux petites merveilles dotée d’une intelligence : une telle capacité discriminante pour gommer les légères « imperfections » et magnifier les qualités, n’est-ce pas étonnant ?
(J’utilise la xishi avec le jeune Pu Er. j’ai utilisé la baotai avec du Baozhong, du Dong Ding, et du Oriental Beauty. J’ai pu noter que malgré la dureté de la terre, il y a tout de même une empreinte légère des thés précédents sur les suivants, car en testant un Ti Kuan Yin très vert et pas très intéressant, je me suis enchanté d’y découvrir de délicieuses fragrances insoupçonnées… malheureusement, en renouvelant l’expérience ce TKY avait retrouvé sa banalité. Il avait sans doute bénéficié de l’empreinte de ce superbe baozhong d’automne des échantillons. Et dire que pendant un
moment je me suis mis à croire que cette petite transformait le plomb en or… ce n’est semble-t-il pas le cas. Cependant, pour filer cette métaphore, je dirais que si un théière ne transforme pas le plomb en or, un pièce en argent oxydée et noircie en ressortiras étincelante et brillante… )
A propos des thés :
Pu Er sauvage Yi Wu 2003 :
Sans aucun doute le meilleur jeune Pu Er que j’ai eu l’occasion de déguster. On ne retrouve ici aucun des habituels défauts de ces thés : odeurs fumées rappelant le tabac froid, astringence, amertume, minéralité… cet thé est vraiment un de plus agréable à boire : doux et moelleux, fruité et frais, une belle et agréable longueur en bouche, une liqueur dorée cristalline et brillante,… vraiment aucun défauts, rien qui dérange le palais. Le parfum d’ensemble est toutefois assez « monochrome » par rapport à un oolong. Mais le goût très pur de ce thé est tellement énigmatique et chargé de poésie que je n’y vois pas une faiblesse. En le buvant, j’imagine l’ambiance des forêts où poussent ces vieux théiers (des odeurs végétales douce et camphrées,…), je pense à des fruits d’été bien mûrs, à un miel délicat et fleuri… A coté de ces caractères généraux, ce qui marque avec ce thé c’est sa force et son effet sur le corps. Vraiment surprenant. A la fois relaxant et tonifiant. Cependant si les effets de ce thé ne sont pas déplaisant quant ils sont modérés, je les trouve moins agréables lorsqu’ils sont plus
prononcés en raison d’un dosage important de feuilles. Au niveau préparation, je tends à privilégier une petite quantité ( 1 à 2 g pour 10 cl) associée à de plus ou moins longues infusions….
J’ai ainsi essayé 2 versions extrêmes : 1g avec 5’, 7’, 12’, 15’, 25’, 30’ ; et 2,2 g
avec 1’, 2’, 2’, 3’, 5’, 7’, 8’, 10’, 13, 15’, 20’, 25, 30’. Les deux versions donnent de résultats satisfaisants mais différents.
La première donnent tout de suite plus de moelleux et de profondeur, et de longueur en bouche, mais les parfums manquent un peu de présence même si ils sont bien perceptibles, elle a l’avantage d’être bien adaptée pour une dégustation en soirée, car assez légère et sans « effets secondaires ». La seconde version donnent un thé avec plus de bouquet et de notes de tête dans
les premières infusions ; les suivantes, plus longues, sont plus moelleuses et sucrées, avec beaucoup de tenacité (ces dernières infusions sont d’ailleurs mes préférées, une sorte de plaisante surprise au bout du chemin….) Mais à ce sujet délicat de l’équilibre entre quantité et temps, je suis toujours en recherche…. Toutes suggestions ou avis à ce propos, concernant ce PuEr ou d’autres thés, sont les bien venues.
Pu Er sauvage Jiang Cheng 1989 :
J’ai été très heureux de trouver un échantillon de ce thé dans ma commande. Quel plaisir de découvrir l’odeur de ce thé en ouvrant le petit paquet hermétique. Un parfum plein de poésie et d‘exotisme…. Sans jamais avoir mis les pieds en Chine, j’imagine que ce parfum céleste pourrait bien être celui de la Chine millénaire, celui d’un vieux temple taoïste plein de vielles boiseries, d’une antique bibliothèque… A l’infusion, le goût boisé et sucré domine ; c’est très doux et moelleux mais aussi un peu frais (un peu camphré). Ce goût pourrait être celui, imaginaire, d’un « bois précieux confits ». On peut aussi penser à une odeur de forêts, de sous-bois, mais par temps sec. (Rien ne vient évoquer l’humide). Je pense aussi au grenier de ma grand-mère avec ses vieux meubles en bois nobles (noyer, chêne). Je pense aussi à une ville chapelle pleine de boiseries des Alpes suisses…
L’arrière-goût boisé et doux est d’une étonnante longueur (surtout si on a réalisé de longues infusions). Ce thé fait saliver. La persistance de ce thé en bouche est tout aussi, si pas plus, agréable que sa dégustation. laisser passer le temps entre les infusions participe pleinement à l’appréciation de ce thé.
Concernant ce thé de belle qualité, j’ai malgré tout rencontré une cause de souci. Alors que cet échantillon sentait si bon à l’ouverture du paquet, il a perdu toute son odeur en un jour ou deux…. J’avais pourtant pris la précaution de l’emballer avec plusieurs feuilles de papier de riz. Malgré la perte d’odeur sur les feuilles sèches, les infusions restaient de qualité. Suite à cette constatation j’en viens à poser quelques questions : ce phénomène est-il simplement du à la petite quantité de l’échantillon, ou bien y a–t il des problèmes d’acclimatation entre l’Europe et Taiwan pour un produit vivant comme le PuEr? Les variations de température lors du
transport en avion peuvent-elles avoir joué un rôle ? A noter à ce sujet que Philippe de La Galette à déjà évoqué un probable problème d’acclimatation du Pu Er….. (voir le 05 octobre 2006).
Stéphane: Tout thé exposé à l'air va naturellement perdre de son odeur et prendre celles qui l'environnent. Plus on a de thé et plus il est compressé, plus ce phénomène est lent. Le puerh jeune cru ou cuit va continuer à se développer positivement et lentement ainsi, mais chez des puerhs déjà vieux, on préfère parfois ralentir se processus en les protégeant hermétiquement. Je n'ai pas encore eu l'occasion de retourner en Europe avec mes vieux puerhs et ne sait pas trop si le climat joue vraiment un rôle. D'après les commentaires de la plupart des autres lecteurs, il ne semble pas y avoir de problèmes pour des quantités normales de mes vieux puerhs crus (pas des échantillons) conservées en jarre ou bien enfermés hermétiquement. L'important, c'est surtout que les infusions restent bonnes, même si les feuilles sèches sentent moins fort.
Au lieu de jarre, tu peux prendre des sachets semblables à ceux pour le Oolong ou le Baozhong pour bien protéger tes échantillons. Les premiers à m'avoir passé commande se rappelleront peut-être que j'utilisais des sachets zip transparents pour mes échantillons à mes débuts. Je les utilise très rarement maintenant et leur préfère les sachets opaques en plastique inodore fermé hermétiquement.
Oriental Beauty 2005 Hsin Chu :
Un oriental beauty remarquable par sa qualité. Un « modèle » en quelque sorte pour apprécier les différentes facettes qui confèrent à un thé sa valeur au niveau qualité : les parfums et arômes (ce qu’on goûte et sent…),la texture du thé ( l’équilibre ente l’astringence, l’amertume, le moelleux…), le goût agréable qu’il laisse dans la bouche. On retrouve avec ce thé le parfum typique, et pour moi indescriptible, des oolongs très oxydés de Taiwan : boisé complexe (bois odorant), vanille, fruits séché, raisins mûrs…. Mais ici dans un version particulièrement
délicate et subtile. Ce que j’ai le plus apprécié avec ce thé, c’est le bel équilibre entre les pôles boisé, fruité, moelleux, astringent, amer. L’impression de douceur est harmonieusement mêlée à un peu d’amertume végétale et à une légère astringence qui donne à ce thé une belle longueur
en bouche, évoluant dans l’arrière-goût vers la dominance de la douceur sucrée. Ce thé me fait penser à un vin blanc précieux ( du genre vendange tardive). Tout particulièrement lorsque je sens la tasse vide( il y a là quelques chose comme l’odeur du bois mêlée au fruité du raisin vinifié).
Testé en zhong avec 2,8g : 40’’, 45’’, 50’, 50’’, 90’’ ; en Zhuni Baotai
15cl avec 4g : 30’’, 40’’, 45’’, 55’’, 60’’….
Baozhong subtropical forest novembre 2006 Wenshan:
Encore un très beau thé. Je n’avais plus bu de baozhong depuis bien longtemps. Une Belle surprise donc. Ce thé m’évoque la fraîcheur et le renouveau du printemps. Vraiment très poétique. En buvant ce thé j’avais l’impression de me promener dans un jardin boisé et fleuri après une légère averse printanière…. Encore une fois, cette sélection à beaucoup de rondeur et d’équilibre. La fraîcheur
végétale et acidulée qui évolue vers le moelleux fleuri est très plaisante.
Privilégier des thé avec une belle longueur en bouche est vraiment un plus. Au cours de mon apprentissage du thé, j’en suis venu à accorder de plus en plus d’importance à ce caractère d’un thé. C’est un peu privilégier un plaisir durable à une séduction immédiate et éphémère. Je suis très heureux de voir que tu accordes une grande importance à cela.
Pour conclure, je tiens t’exprimer encore une fois ma reconnaissance pour ton action en faveur de la connaissance thé ( j’ai déjà beaucoup évolué depuis que je lis ton blog), pour la qualité de ta sélection, ainsi que pour le commerce que tu entretiens avec les lecteurs.
MERCI"
Merci Thomas pour ce commentaire très détaillé. C'est un gentil cadeau de 1er mai de ta part!