L'engouement pour les puerhs anciens (et les prix astronomiques qu'ils atteignent dans des ventes aux enchères) a donné un regain d'intérêt pour les vieux Oolongs Taiwanais ces dernières années. Voici les différents types de vieux Oolongs que l'on trouve:
- Les anciens invendus. Par définition, si l'on arrive encore à acheter des vieux Oolongs, c'est bien parce que le marchand ou le fermier n'avait pas pu les vendre dans le passé. Problème de qualité, changement de la demande des clients, surproduction ou bien oubli dans un recoin de l'entrepôt... les raisons peuvent être nombreuses. Dans le cas d'un Oolong qui s'est mal vendu, le marchand a souvent du ouvrir son sac pour en sortir des feuilles pour préparer l'infusion test pour le client (à Taiwan, traditionnellement, on n'achète qu'après avoir goûté et aimé le thé). A force d'ouvrir et de fermer le paquet, les feuilles vont absorber de l'humidité (surtout ici en Asie du Sud Est) et il devient nécessaire de torréfier régulièrement les invendus. Parfois, lorsque les quantités restantes s'amenuisent, le marchand mélangera plusieurs paquets et les torréfiera ensemble afin d'économiser du temps. (Par exemple, mon Baozhong du milieu des années 1970 est composé de plusieurs récoltes.)
Ces anciens Oolongs/Bazhongs dépendent donc fortement de leurs torréfactions successives. Ce n'est pas forcément un tort. Nombreux sont les amateurs de thés torréfactions poussées, et certains marchands ont une vraie maitrise de ce savoir-faire. Et c'est tant mieux si leur art permet de rendre buvables ces vieilles feuilles. Un Oolong qui vient d'être torréfié a comme une goût de thé nouveau. Néanmoins, les feuilles de thé finissent par perdre leur vivacité et leur finesse à force d'être chauffées.
(Note: tous les vieux Oolongs ou Baozhongs que j'ai sélectionné dans le passé peuvent être classés dans cette catégorie).
- Les jeunes Oolongs 'vieillis' par torréfaction. Mon Tie Guan Yin de 2005 a une torréfaction assez extrême (mais très réussie) qui pourrait le faire passer pour un vieux Tie Guan Yin chez un vendeur sans scrupules. Vu que de nombreux vieux Oolongs ont de fortes torréfactions (voir au-dessus), il est possible de les imiter ainsi.
- Les jeunes Oolongs 'vieillis' par fermentation. C'est une méthode similaire à celle employée pour les puerhs cuits. Les feuilles moisissent par excès d'humidité. Il s'en dégage alors une odeur de musc et de moisi. L'infusion est excessivement foncée et les odeurs fortes. Le goût peut être moelleux, mais il est aussi éteint, sans vie. (Il est aussi possible de trouver ces caractéristiques chez certains vieux Oolongs conservés dans des conditions trop humides). Ce genre d'Oolong devient de plus en plus populaire, car il ressemble au puerh cuit auquel beaucoup de gens se sont habitués. (Personnellement, je les trouve imbuvables).
Bref, si la première catégorie donne une idée, même imparfaite, de l'évolution naturelle des Oolongs, les deux autres ne nous aident pas dans cette recherche. La question demeure: y a-t-il une raison plus profonde à cette mode? Ou bien est-ce juste devenu une tradition commerciale (un peu comme l'achat d'une galette des rois aujourd'hui)?
J'ai récemment pu boire quelques vieux Oolongs qui furent conservés par des amateurs de thé. Ce sont des Oolongs de haute qualité de type Dong Ding classique, à oxydation un peu plus forte que les Oolongs de haute montagne et torréfiés en douceur à leur début. (Ce type de process est aussi appelé
Hong Shui Oolong.) Ci-contre, vous pouvez voir la couleur claire d'un tel vieux Oolong. Elle vire vers le brun clair, mais on est très loin du brun très foncé des vieux Oolongs commerciaux ci-dessus. Une autre raison pour cette clarté est le peu de feuilles que l'on prend: elles ont une telle vie, une telle pureté, que l'on a envie de les déguster légèrement pour mieux se concentrer sur chaque détail. C'est un peu comme un Stradivarius: on l'apprécie surtout lorsqu'il joue en solo.
Voilà aussi pourquoi il est important que la qualité du thé soit bonne dès le départ. La bonification par l'âge n'est pas une transformation miraculeuse. Elle demande un bon thé (rarement peu cher), un bon stockage (cela a un coût) et du temps (et le temps c'est encore de l'argent!) Il est pratiquement impossible de trouver de tels Oolongs dans le commerce pour une raison très simple: leur coût est trop élevé. D'un point de vue financier, ce coût se calculerait ainsi:
Prix au départ x (1+(coût du capital)+(coût du stockage)+(risque))^années
Exemple: 10 Euros x (1.1616)^20 = 200 Euros! Le thé devient 20 fois plus cher en 20 ans! (Si l'on utilise 20%, on obtient 38 fois plus en 20 ans car la progression est exponentielle!)
Or, plus un produit est cher, moins la demande est grande. Le risque pour un marchand n'est pas simplement de rater le stockage, mais de ne pas trouver d'acheteurs. Or, ce risque n'existe pas si on compte boire ce thé soi-même! Si un marchand dépense des dizaines de milliers d'Euros pour acheter un thé pour le bonifier, il est obligé de traiter cela comme un investissement qui immobilise son capital. Mais pour un particulier, un achat de moins de 100 Euros est plutôt une dépense. Même si on ne le boit pas immédiatement, il y a toujours le plaisir de savoir qu'on possède un thé qui va s'améliorer et qu'on ne trouvera nul part ailleurs.