J'ai récemment pu boire 3 vieux Oolongs, conservés par un collectionneur privé (= pas un professionnel du thé). Ce sont des thés de haute qualité, conservés en jarres en porcelaine fermées hermétiquement. La contenance de ses jarres est de 1 à 2 kg. Chaque printemps, il a pour habitude d'acheter du Oolong en quantité: une partie pour boire et une autre pour le stocker.
Ainsi, j'ai pu réaliser ce Cha Xi avec son Oolong de la ferme de Wu Ling, récolté au printemps 1990. Il s'agit de la première récolte de thé de haute montagne de cette plantation. Sur les feuilles sèches ci-dessous, on peut voir qu'elles ne sont pas aussi comprimées, roulées en boule, que du Oolong frais. En effet, avec le temps, les feuilles ont tendance à s'ouvrir.
J'ai trouvé ce vieux Oolong de haute montagne très proche en arômes de celui de
San Hsia de 1990. Il a un peu plus de finesse et de légerté car il est de haute altitude. Mais les notes olfactives sont proches. Il s'agit aussi d'un Oolong qui fut un peu torréfié au départ, bref, un Hung Shui Oolong de haute montagne. On retrouve chez lui ces deux facettes apparemment contradictoires: des odeurs de bois vieux, de liqueur, mais aussi une sensation de fraicheur, de vivacité et de jeunesse. Malgré ses 20 ans, cet Oolong est toujours bien vivant et semble jouer sur nos papilles. Son équilibre et sa finesse me ravissent. Sa pureté me fait tourner la tête.
C'est divinement fin et délicieux! Ce thé méritait bien un tel Cha Xi, ce jour de typhon, où nous êtions bloqué à la maison...
La semaine précédente, j'avais pu goûter à un autre Oolong de haute montagne, un Ali Shan de 1989. Celui-ci n'avait pas été torréfié ; ses feuilles ouvertes étaient complètement molles. Lui aussi alliait fraicheur et vieillesse de manière presque déroutante. Les odeurs étaient plus légères encore: pêche mûre. Un Cha Qi fin et harmonieux. Les odeurs fraiches ont fait place à des odeurs anciennes assez légères. C'était très bon, mais différent de celui de Wu Ling. Sans torréfaction, le vieillissement semble lui faire perdre en force et en saveurs.
Peu après, j'ai pu goûter à un Hung Shui Oolong de Dong Ding de 1987. C'est un Oolong qui a bien plus de corps, dont les arômes sont plus intenses et épanouis. La couleur de l'infusion est orange sombre. Très sucré, son arrière-goût me fait saliver. Superbe. C'est un thé à son apogée. Il combine avec force les saveurs de Dong Ding tout en restant moelleux et très vivant.
Le cultivar Luanze (qingxin) Oolong permet donc de créer des Oolongs '
de garde'. Mais même s'il est possible de conserver les Oolongs de haute montagne frais sur plus de 20 ans, on obtiendra de meilleurs résultats si on les choisit avec une torréfaction moyenne de type Hung Shui. Ceux-ci auront même tendance à s'améliorer et s'affiner nettement avec le temps. Et cela, sans torréfaction ultérieure (ces 3 vieux Oolongs n'ont pas été retorréfiés depuis leur production).
Ces anciens Hung Shui Oolongs sont comme un aboutissement et un renouvellement du Cha Dao, du chemin du thé. C'est une fin, car on les consomme, car les feuilles sont âgées et parce qu'il a fallu attendre si longtemps pour les boire ; c'est aussi un début, car ces thés ont su garder une certaine fraicheur au fond d'elle-même en plus de la finesse acquise. Ces thés infatigables et délicieux jusqu'à la dernière goutte d'une infusion de 12 heures (!) nous montrent les qualités qui importent, qui nous touchent dans un thé: pureté, harmonie, douceur, longueur, jeunesse. Et cela nous sert de guide pour continuer la voie et chercher des thés qui portent en eux ce potentiel.