Ce samedi, Teaparker et ses élèves sommes allés à Chiayi (près d'Ali Shan), pour le vernissage d'une exposition de Yan Dingsheng au
Tai Yu Beaux Arts Salon. Comme vous pouvez le voir ci-dessus, nous y avons aussi préparé du thé pour le plus grand plaisir des visiteurs.
Teaparker nous a demandé à chacun de composer un Cha Xi en accord avec le tableau principal de cette expo. Celui-ci renvoie au tableau du
même nom de Zhao Mengfu (cliquez sur ce lien pour bien comprendre cet article. Vous pouvez aussi voir
le tableau en gros plan sans les explications à ce lien).
Pour résumer, Zhao Mengfu est un prince Sung qui vécut lors de la fin de la dynastie de sa famille et au début de l'ère Yuan. Lettré, il s'est mis au service des empereurs mongols et fut envoyé travailler dans diverses provinces. Il dessina son tableau pour son ami Mi Zhou, originaire de Jinan, mais stationné loin de sa région natale, qui avait le mal du pays. Zhao Mengfu réunit alors en un tableau les 2 monts principaux de Jinan et restitua l'ambiance chaleureuse et paisible de la région de son ami.
Ce tableau fait parti des classiques de la peinture chinoise. Il a d'ailleurs fini par appartenir aux empereurs de la dynastie Qing, ce qui explique sa présence dans musée du Palace national. Qianlong l'appréciait tout particulièrement, jusqu'au jour où il se rendit dans le Jinan et remarqua que le tableau n'était pas si fidèle à la réalité (la position des monts est même inversée). (Chaque propriétaire passé a mis son tampon sur le tableau.)
Chao Mengfu fut le plus grand artiste de son temps. Son style a eu un grand impact sur les peintres chinois qui vinrent après lui. Certaines parties du tableau reprennent le style de divers maitres Tang et Sung, mais il ajoute sa propre technique, proche de la calligraphie, au paysage.
Yan Dingsheng nous dit avoir été ému par ce tableau, lorsqu'il le vit pour la première fois, en 1966. Ci-dessous est son interprétation moderne:
Comment restituer ce tableau par un thé?
A première vue, on peut penser à l'automne, ses couleurs chaudes et aux montagnes.
A un second niveau d'interprétation, il y a l'idée de s'inspirer du passé pour le présent: Maitre Yang Dingsheng s'inspire du tableau classique de Zhao Mengfu ; Zhao Mengfu combine et transforme d'anciennes traditions de peinture chinoise pour en faire un style nouveau (pour l'époque).
A un troisième niveau, il y a l'idée de classique, de collection, de quelque chose d'inestimable appartenant aux empereurs de Chine.
C'est pourquoi, Teaparker nous donna une piste pour nos Cha Xi. Il nous suggéra d'utiliser un vieil Oolong bien conservé. C'est un thé du passé, mais qui a gardé sa fraicheur, son actualité. C'est aussi un thé dont la complexité et la finesse se sont accrues avec le temps.
En écho au tableau de Zhao Mengfu, Teaparker fournit aussi des ustensiles Sung pour une petite exposition temporaire. Ci-dessus, les 2 socles blancs représentent les 2 montagnes.
A un niveau spirituel, la peinture de Zhao Mengfu exprime le
sentiment taoiste d'harmonie entre l'homme et la nature. On ne voit que très peu d'activité humaine. Le tableau de Yan Dingsheng est encore plus contemplatif et épuré. Il va à l'essentiel, vers la lumière.
Nous retrouvons aussi une dimension d'harmonie avec la nature dans la dégustation de thé en général. Celle-ci en devient spirituelle et presque mystique lorsque le thé atteint une certaine perfection.
Ici, tous les accessoires (théière zhuni, tetsubin, nilu fonctionnant au charbon de bois, coupes et assiette qingha, cha tuo, jarre en céladon, le za fang et la composition florale) sont admirablement assortis au thé. Les antiquités y côtoient le neuf. Le passé revit et donne de l'ampleur et de l'équilibre.
Devant ce vaste mur sur lequel s'écoule de l'eau, le long Cha Xi blanc reflète aussi cette tendance moderne vers la pureté, le blanc. Ces 2 demoiselles sont de nouvelles étudiantes de Teaparker. J'imagine qu'avec le temps elles intégreront de plus en plus d'objets anciens dans leur Cha Xi.
Mon Cha Xi s'est déroulé à l'entrée de la galerie, pour accueillir les visiteurs. J'aime bien la symbolique de cet endroit. Je suis celui qui ouvre la porte à cet événement, un peu comme mon blog ouvre des portes pour entrer dans le monde du thé chinois. Et puis, je suis aussi moi-même encore un étranger qui connait très peu de l'art et de l'histoire chinoise. J'ai d'autant plus besoin d'aide pour découvrir et parcourir cette riche culture.
En tout cas, je suis assez d'accord avec les conclusions de
ce blog. Pour faire de vrais progrès, il est nécessaire de bien connaitre les traditions du passé. Dans apprendre, il y a 'prendre'. Pour pouvoir dépasser le passé, il faut d'abord y puiser, y prendre tout ce qu'on peut. Les Chinois ont bu du thé comme passe-temps sérieux depuis la dynastie Tang, à une époque sans télé ni Internet, ni foot ou centres commerciaux. Ils ont eu tout leur temps de faire toutes sortes d'expériences et de recherches. Il n'est pas besoin de recommencer à zéro.
L'étude des traditions, des formes, des matières du passé permet d'aller vers le juste et l'harmonie.