Friday, February 24, 2023

How good are ChatGPT's tea skills?

The first time I interacted with ChatGPT, I was looking for some explanations on the firing of ceramics. Instead of giving me a written answer, it gave me a link to this very complete article. It couldn't tell me what's the impact of an underfired or overfired teapot (or cup) on the taste of tea, but, apart that, I found the information quite interesting and relevant. 

The second time, a few weeks later, I asked ChatGPT about the most expensive tea in the world. To my surprise, the AI started to tell me about white tea, green tea and Yan Cha, but, to my surprise, no word about aged puerh! ChatGPT had no idea that 100 years old puerh is selling close to 2000 USD per gram in auctions in China! 

This led me to ask if ChatGPT had read the TeaMasters blog? The answer was 'No'. Does ChatGPT know TeaParker? No, again. And when I asked for its sources on tea knowledge, instead of LuYu and Song Huizong, it gave me some American based websites (one of which that had reached out to me in the past to learn about tea!) So, the tea  information ChatGPT uses is still very Western based. However, when it comes to gongfu cha, the most updated and accurate information is in Chinese. But even in Taiwan or China, there are different tea masters and slightly different brewing methods. I wonder how the AI would choose which source, which master is the most relevant...

For instance, pouring from a teapot (or gaiwan) in a pitcher (gongdao bei) is easier and very popular when I watch gongfu cha videos on the Net. Pouring from teapot (or gaiwan) directly in cups is more difficult and requires more skills. That's why you don't find many masters (or tea students) who use this method. So, what method qualifies as gongfu cha? The more common one or the one requiring most skills and experience? I have my answer, but you may have a different point of view if you brew differently. How much of gongfu cha is rational and logic, and how much is habit and customs? Is it a science or an art? And if it's both, where does the science stop and the art start? All these questions show how difficult it is to train a person to do gongfu cha! -I try my best to learn and teach what I've learned on this blog and in my weekly tea classes (by the way, this week, my English tea class will take place Sunday morning US Eastern time and I hope you'll join the fun!) This makes it even more difficult to teach the AI!-

So far, the main limitations from ChatGPT in regards to gongfu cha come from its use of secondary and incomplete sources. It needs to access the Chinese tea knowledge, but even more importantly, it needs to find a way to distinguish between good and bad information. For a human, it's easier, because you can try different methods and choose what works best for you. But an AI can't actually brew tea and tell which cup tastes best! So, while it can help to sort through a lot of information, I don't think that AI is ever going to acquire good tea skills! Without this human experience, it can't firmly tell which source can be trusted. And since the quality of the input determines the quality of the output, the IA is likely to do 'garbage in, garbage out'.  



Wednesday, February 22, 2023

Emergence du thé (1/2), par Olivier F. Delasalle

J'ai le plaisir de publier ici un texte de mon ami Olivier F. Delasalle qui m'a invité à un groupe de lecture de la Recherche du temps perdu de Marcel Proust il y a un an. Et vous lirez que ce roman l'a également inspiré pour écrire ce texte dont la seconde partie sera publiée la semaine prochaine. Olivier F. Delasalle est aussi la première personne que j'ai interviewée sur ma chaine YouTube. Auteur de nombreux livres, philosophe et fin connaisseur de nombreuses langues, les chroniques hebdomadaires d'Olivier F. Delasalle réussissent à la fois à nous divertir et à mieux comprendre le monde. En plus, ses sujets résistent au passage du temps. Vous en avez la preuve avec son premier article sur les origines juives Goscinny et d'Astérix le gaulois! Lisez-le avant ou après cet article sur le thé! 

Il y a des mots qui paraissent d’une telle banalité qu’on ose à peine se demander ce qu’ils signifient. Et ça n’est qu’au détour d’un texte parfois un peu ardu qu’on se rend compte que la manière dont il est employé est inhabituelle. On fronce les sourcils, on relit, on réfléchit un peu, et voilà qu’on découvre que ce mot usuel n’était pas si évident. Il perd tout d’un coup de sa transparence, et se retrouve plein et entier, comme neuf à l’oreille de celui qui l’utilise. 

Le mot « thé » m’a fait cet effet. Je pensais connaître sa signification. Pire, je ne m’étais jamais vraiment interrogé sur celle-ci. Le thé était une évidence linguistique autant que gustative. Mais c’est en lisant Proust que j’ai tiré le premier fil qui m’a fait dire que peut-être le mot n’était pas aussi simple qu’il y paraissait.

La fameuse scène de la madeleine se trouve dès le début du premier tome. Un soir d’hiver, le narrateur va rendre visite à sa mère, qui envoie chercher des madeleines pour accompagner le thé. « Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. »

Le narrateur ne précise pas de quel genre de thé il s’agit, mais, étant donné le lieu et l’époque, on peut supputer que c’est un thé noir de type anglais. Un peu plus loin, l’épisode de la madeleine et du thé se précise. Ce souvenir est associé à sa tante, qui le consommait toujours de cette manière :

« Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. »

Le narrateur ajoute un petit détail qui va bientôt avoir de l’importance : il précise que la boisson de la tante est une infusion de thé ou de tilleul. Ici le mot thé est à prendre dans son sens botanique strict : les feuilles issues de la plante appelée Camellia sinensis. Le tilleul fait référence aux feuilles de l’arbre appelé Tillia europaea, que l’on met à sécher, et qui peuvent se consommer également après infusion dans de l’eau bouillante. Le narrateur décrit la préparation en question quelques pages plus loin :

« C’était moi qui étais chargé de faire tomber du sac de pharmacie dans une assiette la quantité de tilleul qu’il fallait mettre ensuite dans l’eau bouillante. Le dessèchement des tiges les avait incurvées en un capricieux treillage dans les entrelacs duquel s’ouvraient les fleurs pâles, comme si un peintre les eût arrangées, les eût fait poser de la façon la plus ornementale. Les feuilles, ayant perdu ou changé leur aspect, avaient l’air des choses les plus disparates, d’une aile transparente de mouche, de l’envers blanc d’une étiquette, d’un pétale de rose, mais qui eussent été empilées, concassées ou tressées comme dans la confection d’un nid. »

Le narrateur fait bien la distinction entre une infusion de thé et une infusion de tilleul : il appelle cette dernière une « tisane ». C’est d’ailleurs la distinction qu’on fait aujourd’hui en français du vingt-et-unième siècle. Le thé désigne une infusion faite à partir des feuilles de Camellia sinensis, la tisane une infusion réalisée avec les feuilles de… tout le reste. Tilleul, verveine, et compagnie.

Seulement, à lire le texte de Proust de près, on se rend compte que les choses ne sont pas évidentes. Parce que, si linguistiquement parlant il fait la distinction, sa mémoire semble les considérer dans la même catégorie.

A tel point qu’un peu plus loin, il dit : « Et dès que j’eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s’appliquer au petit pavillon […] ».

C’est donc bien du tilleul qui déclenche la mémoire involontaire, alors qu’initialement, il nous avait dit boire du thé !

Or il suffit d’avoir bu l’un et l’autre une fois dans sa vie pour savoir que ce sont deux goûts parfaitement distincts. Boire du thé et se souvenir d’un tilleul, c’est un peu comme boire un bordeaux et se rappeler d’un champagne. On est dans le même univers, mais la distance est longue.

Se peut-il qu’en réalité, il fut question de tilleul depuis le départ ? Non pas que le narrateur ait commis le péché d’imprécision, mais peut-être que le mot « thé » est employé dans un sens plus large que celui qu’il a aujourd’hui, et que, dans sa mémoire, le thé et le tilleul soient classés dans la même catégorie ?

Le problème existe d’ailleurs en anglais américain, problème que j’ai découvert de façon totalement fortuite. Un jour, ma femme, qui est Américaine, me demande si je veux du thé « décaféiné ». Surpris, je lui demande : « par opposition à quoi ? » Par opposition à du thé qui a de la caféine. Je lui demande de me montrer de quoi il s’agit exactement, et je comprends l’origine de ma confusion : le thé « caféiné » est ce que j’appelle le thé (Camelia sinensis), tandis que le thé décaféiné est ce qu’on appelle en français une tisane.

Le mot existe par ailleurs en anglais, mais c’est un mot composé. Tisane se dit herbal tea (pour la version avec l’accent américain, le h ne se prononce pas), et il est révélateur que la tisane soit pensée comme une catégorie de thé. Un thé herbacé, mais un thé quand même.
A ce stade de mon étonnement, il semblait donc que le mot thé soit employé souvent pour désigner la plante, mais parfois pour désigner une infusion d’un autre type. Un peu comme si il y avait eu un moment de la langue où l’on avait pas encore tout à fait décidé de ce qu’était le thé.

Et en faisant des recherches sur la question, on découvre que le flou était encore plus grand que ce qu’on croyait !

Le thé a été introduit en occident au XVIIème siècle. Il était importé de Chine, et, pendant longtemps, les occidentaux n’ont pas su de quelle plante il s’agissait exactement. Le premier à en faire la description scientifique semble être un Allemand installé au Japon, qui lui donne, en 1712, le nom de Thea japonense. Linné le renomme plus tard Thea sinensis, et distingue deux variétés différentes : Thea veridis et Thea bohea, l’une pour le thé vert et l’autre pour le thé noir, pensant qu’il s’agissait là de deux espèces différentes.

En 1818, le nom change à nouveau, et est réuni avec le genre Camellia, lui donnant sa forme définitive et usitée jusqu’à ce jour : Camellia sinensis. Les deux espèces proposées par Linné s’avèrent n’être en réalité que des variétés. Il aura fallu plus d’un siècle pour que les scientifiques se mettent d’accord sur ce qu’était exactement la plante.

La confusion était d’ailleurs répandue. Lorsque les Français essayèrent d’introduire la culture du thé dans les Antilles, ils importèrent des graines d’une espèce Camellia qui n’était pas la bonne, et qui se révéla impropre à la consommation.

La classification scientifique a beau avoir été faite, on trouve toujours d’autres noms pour désigner le Camellia sinensis. Entre autre : « Thea viridis, Thea sinensis, Thea bohea, Camellia theifera, Camellia thea, and Camellia bohea » (1)

La consultation des dictionnaires classiques nous permet d’y voir un peu plus clair.

Le Littré nous permet de voir la situation au XIXème, c’est-à-dire au plus près du moment où Proust a écrit. Le mot thé désigne alors :

1. arbrisseau (Thea sinensis)
2. nom donné à la feuille
3. infusion des feuilles du thé
4. collation du soir dans laquelle on sert du thé (sens très employé chez Proust)
5. Thé suisse : mélange de plusieurs espèces de plantes aromatiques
6. Thé d’Europe, la véronique officinale. Thé de France, la sauge, la mélisse officinale. Thé des Norvégiens, la ronce du Nord. Thé du Canada, gaultheria procumbens, L. éricacées.
Thé du Paraguay, espèce de houx nommé aussi maté, ilex paraguaiensis. (2)

Le dictionnaire de l’Académie française nous donne une précision intéressante sur le mot thé dans le sens de collation. Si le mot « thé » dans le sens d’arbrisseau apparaît dès la seconde édition (1718), le sens de collation n’apparaît que dans la cinquième édition (1798). L’entrée note : « On appelle Thé, depuis quelques années, une espèce de collation, dans laquelle on sert du thé, et qui sert d’occasion pour réunir le soir une société nombreuse. Donner un thé. Il y a thé chez Madame une telle. Je suis invité à un thé. »

Puisque l’édition précédente (la quatrième, parue en 1762) ne comporte pas ce paragraphe, l’expression « depuis quelques années » nous permet de dater l’apparition de la pratique : le mot s’est développé entre 1762 et 1798.

En 1835, toujours selon l’Académie, le mot « thé » prend un sens supplémentaire : « se dit également de L’infusion de thé. Boire du thé. Prendre du thé. Prendre une tasse de thé. Offrir, verser du thé. » Mais on y trouve également le synonyme de tisane : « Thé de Suisse, ou Thé suisse, Mélange de plusieurs espèces de plantes aromatiques recueillies dans les Alpes, et que l’on conserve coupées et desséchées, pour en faire des infusions médicinales. »

La huitième édition (1935), la plus récente pour ce mot, comporte les différents sens :
1. arbrisseau
2. les feuilles de celui-ci
3. l’infusion faite à partir de ces feuilles
4. par extension la réception mondaine de fin d’après-midi (3)

Le Trésor de la langue française lève le mystère sur la façon dont le mot thé s’est mis à désigner également une tisane. Il donne la définition B. 1. a :
« Plante ou mélange de plantes dont on fait une boisson ressemblant au thé par son aspect, ses propriétés ou son mode de préparation. »

Lorsqu’on regarde les différents exemples, on constate que le mot s’est propagé par un procédé de synecdoque : il désigne d’abord la plante, puis la boisson, puis n’importe quelle boisson infusée. (4)

Conclusion : le mot thé a mis du temps à trouver son contenu tel qu’il est utilisé aujourd’hui. Ce n’est qu’au début du vingtième siècle que tous ses sens sont stabilisés : il aura fallu trois siècle pour qu’on sache ce qu’est le « thé ». Ça n’est d’ailleurs qu’en 1932 que le législateur français prendra la peine de définir précisément ce qu’on peut vendre sous le terme de « thé » :

« Il est interdit de détenir en vue de la vente, de mettre en vente ou de vendre sous le nom de « thé » avec ou sans qualificatif, un autre produit que celui constitué par les feuilles ou extrémités de jeunes tiges de Thea Chinensis, en bon état de conservation, convenablement préparées, séchées et roulées et n’ayant subi aucun retranchement de leurs principes utiles. » (5)

(A suivre : et en Chine, était-ce plus simple ?).

Notes

(1) Laura C. Martin, A History of Tea, ch. 1

(2) https://www.littre.org/definition/th%C3%A9

(3) Les différentes versions de la définition dans le dictionnaire de l’Académie française sont consultables sur : https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A8T0508

(4) Trésor de la Langue Française Informatisé (TLFI) : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm

(5) Décret du 7 octobre 1932, pour l’application de la loi du 1er août 1905
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006537775/

Les extraits de Proust sont directement pris sur l’excellent https://unepagedeproust.org/ , qui permet de naviguer dans l’ensemble du corpus de la Recherche avec une facilité déconcertante.

Tuesday, February 21, 2023

Emperor Huizong, by Patricia Buckley Ebrey

A book review is coming! I'm almost half way through this book about one of the most important emperor in Chinese history. For us, tea lovers, he's an example and a reference: Huizong is the only Chinese emperor to write a book about the tea preparation technique of his time (Song dynasty). And his book is still relevant if you wish to understand how tea used to be whisked back then! Huizong was also an artist and, again, the first and only emperor to create his own calligraphy style! And he could paint and make verses, too!

To many Chinese, though, Song Huizong is better know for being the emperor who lost half the country (the northern part), to his enemies, even though China was the most advanced nation on earth at that time. For the Monday morning quaterbacks, everything he did led to the disaster and he should not be an inspiration for current or future leaders. The author disagrees with this view and wishes to present Huizong in a more positive light in this biography.
So far, Patricia Ebrey is doing a good job describing the emperor and his difficult job of governing his court. A good example of how 'complex' life in the palace could be is shown in the first mention of the word tea in the book: "The adoptive mother (of emperor Zhezong, Huizong's brother) was accused of writing 'happiness' on a piece of paper, burning it, and putting the ashes into tea served to Zhezong as a way to get him to shift his affection." In the same affair, a "eunuch was accused of drawing a picture of Consort Liu and then driving a nail through her heart in the picture, hoping in this way to kill her." The voodoo practices didn't have much effect, but the accusations were so grave that the accused were henceforth executed! 
For the book review, I'll whisk some green tea in the style of the Song dynasty. This time, I simply used this set of celadon cups with stands, made by David Louveau some ten years ago. He found his inspiration in the Song and Yuan dynasties. That's the reason why I used them when presenting this book! These tall stands have the same function as good books: to elevate tea or our minds!

 

Friday, February 17, 2023

Winter class #4: Oriental Beauty from Autumn


After studying 2 summer and an autumn Oriental Beauty Oolong, we'll examine a winter Oriental Beauty this weekend. You may join my online class live on Facebook or see it on the TeaMasters YouTube channel, starting on Sunday. This will conclude our study of Oriental Beauty, aka Dong Fang Mei Ren, aka Bai Hao Oolong, aka Wusi Cha, aka PongFong Cha! However, our study of high oxidation Oolongs and reds will continue as we'll brew several teas that were influenced by Oriental Beauty!

Stay warm and happy with high oxidized Oolongs!

Thursday, February 16, 2023

Quelques mots sur la 'Collection Erler'

Si vous avez visité ma boutique www.tea-masters.com récemment, vous avez peut-être remarqué l'apparition de la catégorie La Collection Erler. Elle remplace la catégorie 'Cadeau' qui proposait quelques sets de thés joliment emballés. Si l'industrie du thé se concentre beaucoup sur le thé comme objet à offrir et pour lequel l'emballage compte pour tellement que les feuilles en sont presque accessoires, ce n'est pas du tout ce qui m'intéresse. Je trouve que c'est du gaspillage que d'expédier des emballages, souvent lourds et volumineux, sur des milliers de km. Ce n'est pas très bon pour l'environnement non plus. Pour le thé, on n'a pas le choix, puisqu'il ne pousse quasiment pas en Occident, mais si vous voulez faire un cadeau, ce ne sont pas les boites et les emballages qui manquent! L'important c'est le thé! D'ailleurs, tous les thés de ma sélection, de ma boutique en ligne, peuvent servir de cadeau, puisqu'ils sont de qualité et suffisamment rares pour qu'on ne puisse les trouver facilement dans votre ville, même si vous habitez une capitale européenne ou américaine. Ou, si on trouve des thés semblables, ils sont soit plus chers ou de moindre qualité (d'après les commentaires que je reçois de la part de mes acheteurs).
Mais alors, à quoi correspond cette Collection Erler? Elle est à la fois le fruit de mes 20 ans d'apprentissage du thé et un reflet actuel des désirs des amateurs de thés chinois. En effet, même si le thé est une boisson ancestrale remontant à la dynastie Tang, elle continue d'évoluer à chacune de ses époques. Ces 20 dernières années, c'est la prospérité économique de la Chine qui a eu le plus grand impact sur la demande de thé. Petit à petit, la demande pour des thés d'exception s'est envolée à la faveur de l'enrichissement d'un grand nombre de Chinois. Leur appétit pour le luxe fait la fortune de LVMH, des premiers grands crus de Bordeaux ainsi que des meilleurs domaines de Bourgogne. Mais avec le thé, les millionnaires et milliardaires Chinois ont trouvé un produit de luxe qui les relie à leur culture et dont l'achat enrichit les campagnes chinoises qui n'ont pas connu l'industrialisation des régions côtières. 

Le puerh est le thé qui a le plus bénéficié de ce changement. Jusqu'en 2000, il était le monopole d'une firme publique (CNNP) et de quelques manufactures (Menghai, Xiaguan, Kunmin...) qui proposaient des thés très standardisés, vendus jeunes, à bas prix, exclusivement à l'export, par l'intermédiaire de Hong Kong. Ce thé était particulièrment bon marché, car le Yunnan est l'une des provinces les plus pauvres de Chine et sa main d'oeuvre est nombreuse. Le Yan Cha et les thés verts Longjing et BiLuoChun se vendaient bien plus chèrs que le puerh dans le magasin spécialisé Hong Kong avant la rétrocession en 1997. La Chine Populaire n'avait quasiment pas de marché intérieur pour autre chose que les produits de première nécessité et les biens durables (infrastructures, industries, immobilier).

Les choses ont bien changé depuis. Le puerh est devenu le roi du thé grace à son potentiel hors du commun de se bonifier sur des décennies. Cette célébrité a débuté à Hong Kong, mais s'est surtout imposée à Taiwan au début des années 2000. Puis, quand on est passé d'un marché potentiel de 21 millions d'habitants (Taiwan) à 1,4 milliards, les prix des thés les plus rares se sont envolés. Or, le thé le plus rare, c'est celui qui est âgé, car sa disponibilité ne fait que baisser avec le temps, au fur à mesure que ses stocks sont consommés. Les enchères de puerhs anciens se font maintenant en Chine, à Shanghai ou Pékin, et le prix volent de record en record. Pour le Sung Pin Hao des années 1920s, le gramme était estimé à 1600 USD en 2020. C'est l'un des puerhs les plus anciens et les plus recherchés! 

Mais des alternatives aux puerhs centenaires des années 1920s existent. 5 fois moins cher, je vous propose un puerh des années 1950s aux saveurs très proches. Les 'jeunes' millionaires Chinois (de 40-50 ans), eux, ont plutôt tendance à privilégier les puerhs de leur enfance pour en faire vieillir une partie et boire l'autre. Les galettes les plus recherchées sont les '8582' dont le prix atteint maintenant 30000 USD. Pour ma part, j'ai une préférence pour les '7542' composées de feuilles plus fines, plus élégantes (et meilleur marché). Même les gushu puerhs frais continuent de voir leurs prix augmenter à chaque printemps. Au lieu de vous proposer un Lao Banzhang ou un Bing Dao surcôtés, j'ai pu sélectionner un gushu dont la puissance et la pureté rivalisent avec les stars actuelles. Sur 9 thés de collection, 4 sont des puerhs, car cette famille de thé est devenue la plus mythique et c'est aussi celle qui se prête le mieux à être collectionnée, puisque ce thé a le meilleur potentiel de bonification. 

Mais mon Dong Ding Oolong du printemps 1980 est la preuve que les Oolongs possèdent aussi un excellent potentiel de garde. Après plus de 40 ans de conservation, cet Oolong de Taiwan est ce qui se trouve de mieux ici. Et le Da Yu Ling de 104K est le Oolong de haute montagne de la plus haute plantation!... 

Bref, ces thés de collection ont tous quelque chose d'exceptionnel qui transforment leur dégustation en un moment assez unique et un sommet pour les arômes produits. En les rassemblant dans cette catégorie, je leur rends hommage et ils me servent de référence et de guide. J'ai beaucoup appris en les goûtant, et cette expérience vous profite aussi quand je sélectionne de nouvelles feuilles de ma boutique.

Il est normal de chercher à trouver le meilleur rapport qualité/prix pour les thés que nous dégustons régulièrement. Mais parfois, pour des occasions exceptionnelles, il est bon de savoir qu'on peut réaliser ses rêves les plus fous! 


Wednesday, February 08, 2023

Luxury, tea and the Erler collection

 

Cognac from Hennessy and Dong Ding Oolong

Bernard Arnaud, the founder of LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, is currently the richest man in the world (with a wealth of about 220 billion of USD). He built his business empire by selling (mostly French) luxury goods to rich people all around the world. But why are so many people in pursuit of luxury?

Some answers can be found in the Proust's novel 'In the search of lost time' (also translated as 'Remembrance of things past'). This is the story of a rich French guy who mingles with the rich and famous people of his time. The book deals mostly about his love life and observations about the people he is acquainted with. It offers a glimpse at the luxury French life at a time when France was at the pinnacle of its power, just before WWI.

I've been reading this 7 parts story for almost a year and have taken notes of each occurrence of the word tea, in order to better understand the role of tea in French high society. (Make a search of 'Proust' on my blog to find all my research, if you are interested and can read French). So far, since I have just started the last book, I have seen the word 'tea' mentioned 83 times in the story! It's much more than any other beverage or other luxury product. And one of the rare time when wine was mentioned, it was Champagne! We have to remember that French working men were drinking a lot of wine one hundred years ago. In 1918, in the trenches, a French soldier would receive 1 liter of wine per day! And wine only got banned from public junior high schools in 1956! So, with the exception of expensive champagne and some famous estates in Bordeaux and Burgundy, wine had a very low image in those days. Tea, on the other hand, was the beverage of the elite. Let's see why.

Luxury requires rarity, quality and imitation. Tea was rare, because it came from China and required a long time to arrive. In China itself, tea was already a luxury that only the Qing court, high officials and rich business people could afford. Chinese farmers strove to make the best tea, because their rich customers were much more concerned by quality than by price. And finally, as René Girard would explain, once China was trendy at the end of the 19th century, the European elites wanted to imitate the Chinese and adopted tea as their favorite beverage. (By the way, the reverse imitation has been happening in China starting 2006, when rich Chinese started to imitate Western elites by drinking the best Grands Crus Classés from Bordeaux!)

In Proust's novel, we can also see imitation at work when various ladies host similar afternoon tea parties and try their best to attract the most famous and the most distinguished guests. Tea is a mean to an end, prestige. Tea communicates several messages. It tells that:
1. The person who hosts a tea party is rich, because it can afford the foreign leaves and the fine porcelain service. 
2. If you are invited to the trendy tea parties, then you are a very influential and important member of the high society.
3. Shunning some tea parties is sometimes seen as the ultimate sign of one's importance!

Typically, a lady would throw her own tea party once a week (always on the same day) and, if invited, would go to other tea parties the other days of the week and try to get acquainted to other famous people or rising members of society in order to invite them to her own tea party.

Except in the first book and the famous episode of the madeleine that, paired with tea, reminds him of his youth in Cambrai, tea is mostly a social occasion for the rich bourgeoisie and the old aristocratic families to meet and talk. The talk may lead to seduction and marriage, in the case of Odette and Swann. And by learning the codes of tea hosting, a rich family may eventually get accepted by the aristocratic society. So, tea was a way for the elite to include those who master it and exclude those who don't!
In the third book, The Guermantes Way, the narrator explains the power of a name. Its mere sound can signify so many things to us. It can make a glorious past come to life and inspire the highest feeling for it. For him, the name Guermantes was so powerful that he fell in love with the Duchess of Guermantes before he was introduced to her, simply because of the mystery and beauty of her name he had heard always pronounced with respect since a child. Something similar happens to us with famous brands thanks to their relentless advertising. Everybody has heard about Dior, Chanel, Hermès, Louis Vuitton... The simple mention of these names or their logos creates a feeling of something special, elegant and expensive.

This reflection on luxury and tea led me to consider what are the true masterpieces that one can own or collect. In Proust's book, we can see that paintings by the famous Elstir (an invented painter for the book) bring a lot of prestige to those who own a painting from Elstir. It shows flair and good taste to have purchased one early, when it wasn't so expensive. 

And it shows consideration and proximity if you are gifting a real masterpiece tea to someone who knows about tea. Luxury sends messages. It makes a statement. It says we are striving for perfection and we can understand each other, because we share the same basic tenets about what we consider to be the very best. 

So, I have set up The Erler Collection in my online boutique. Song Pin Hao, 70 years puerh, litlle Lu Yin, Gushu, Aged Dong Ding, WuYi Yan Lu, the ultimate Oriental Beauty, the highest Da Yu Ling Oolong, Lapsang Souchong! It has taken me 20 years of work and study to complete this collection and that's why I have given it my name. You don't have to drink any of those teas to enjoy the luxury of spending time with high quality leaves. However, if you look for a tea that makes a powerful statement and/or wish to connect with people who have impeccable taste in tea or food, then my collection will be most helpful. 

Thursday, February 02, 2023

Le thé dans Albertine disparue, le livre VI de A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust


Nous continuons notre étude du mot 'thé' dans la Recherche de Proust. Ce sixième tome est le plus court (250 pages) et le plus intimiste, voire même le plus triste, et il est donc, je trouve, assez normal que le thé y soit bien moins présent. Je n'ai compté qu'une seule mention de ce mot! 

En effet, nous avons vu que le thé joue surtout un rôle social dans cette France du début du XX siècle.. Il donne l'occasion aux grands bourgeois et aux nobles de se retrouver quotidiennement chez les uns ou chez les autres. Or, comme nous le suggère le titre de l'ouvrage, la disparition d'Albertine n'est pas un sujet bien gai. Dans les premiers tomes et il était à chaque fois question d'amour (de Swann pour Odette, du narrateur pour les jeunes filles, puis pour Mme de Guermantes, et finalement pour Albertine). Cette fois, il est question de la disparition de l'un de ses amours et il est intéressant de constater que le thé a également disparu de sa vie. C'est comme si Proust nous disait que sans amour et sans bonheur, il n'y a pas d'envie de thé et de thé tout court! La seule mention du thé décrit même une expérience négative, un mal que les infusions peuvent causer quand elles sont trop nombreuses.


Page 48

"Je me serais trompé de boîte de médicaments et, au lieu de prendre quelques cachets de véronal un jour où je sentais que j'avais bu trop de tasses de thé, j'aurais pris autant de cachets de caféine, que mon cœur n'eût pas pu battre plus violemment."

Commentaire : Le narrateur explique donc que quand il a bu trop de thé, il a recours à un somnifère, le véronal, pour se calmer et pouvoir s'endormir. La vertu excitante du thé et de la caféine étaient donc déjà connue il y a une centaine d'années. De plus, l'amour du thé était tel qu'au lieu d'en boire moins, la solution du narrateur était de prendre un médicament aux propriétés inverses.

Pour éviter les insomnies, les 'thés' chez Proust étaient toujours un rendez-vous de l'après-midi, suivant en cela la tradition du thé anglais, alors que les Chinois consomment le thé à tous les moments de la journée.