Thursday, November 21, 2024

Circuit court

Pour Noël, j'ai acheté cette peinture d'Elisabeth Galante, une artiste peintre et enseignante de Montréal. J'adore ses créations, le jeu des couleurs et l'harmonie de chaque peinture. Cela fait plus de 10 ans qu'elle me commande des thés, que nous correspondons par Internet et que je la suis sur Instagram et FB. C'est ainsi que j'ai pu découvrir ses peintures. Créateur de beauté avec mes Chaxi, j'aime aussi m'inspirer d'art pour mes thés. Et quand je peux ajouter une touche personnelle à cette connexion, alors le sens de l'instant thé devient très profond, car il se décline sur de nombreux niveaux (l'art, l'amitié...) Ainsi, derrière ce tableau aux accents marins, Elisabeth me dit qu'elle pense à mes Chaxi à la plage. Je sais aussi quel est son thé préféré. Ainsi, il y a des boucles multiples qui connectent potentiellement mes thés à ce tableau. 

Acheter un tableau directement à un artiste (ou du thé à un spécialiste passionné ou un vin à un caviste indépendant), permet de court-circuiter la chaine logistique moderne basée sur la standardisation des produits et l'uniformisation des goûts. Cela permet à des petites entreprises de taille familiale de faire des produits de qualité (très) supérieure à des prix raisonnables. Dans l'art moderne, on est même dans la situation absurde où plus une œuvre d'art est conceptuelle et moche, plus elle est chère! Pour preuve, une banane scotchée s'est vendue à 6.2 millions de dollars le mois dernier! 

La fête familiale de Noël célèbre l'amour familiale et les liens avec ses proches (les bergers). C'est une fête de l'espoir au milieu de l'hiver. Au moment le plus sombre de l'année, on se réjouit des choses les plus essentielles. C'est donc le meilleur moment pour faire des cadeaux personnels qui tissent un lien entre vous, le créateur et la personne qui reçoit votre cadeau. Si vous pensez à du thé, cela tombe bien, car j'ai ajouté de nouvelles promotions sur ma boutique aujourd'hui! D'ailleurs, pour les livraisons par avion, mieux vaut passer commande avant le 4 décembre pour que le paquet arrive à temps pour Noël!


Tuesday, November 19, 2024

Power corrupts, a familiar story

2008 Banzhang Gushu raw puerh

Hubris, excessive power, contains the seeds of its own destruction. This is a common story in history and all around the world. The power of the Roman empire led the emperors to employ foreign mercenaries, because Roman citizens preferred to lead an easy life, which led to Rome sacked by German barbarians. A similar story happened to Song Huizong, the Chinese emperor of the early 12th century. His government spent so much money that it literally created the first monetary inflation! He then had to fight an internal revolt against taxation (Fang La), which weakened the empire when the Jurchen invaded the North of the country. Closer to us, this is the list of the top US firms in the Dow Jones index 40 years ago:  

Allied Chemical, Aluminum Company of America, American Can, American Express Company, American Tel. & Tel., American Tobacco, Bethlehem Steel, Du Pont, Eastman Kodak Company, Exxon Corporation, General Electric Company, General Foods, General Motors Corporation, Goodyear Inco, International Business Machines, International Harvester, International Paper Company, Merck & Company, Inc., Minnesota Mining & Mfg, Owens-Illinois Glass, Procter & Gamble Company, Sears Roebuck & Company, Standard Oil of California, Texaco Incorporated, Union Carbide, United Technologies Corporation, U.S. Steel, Westinghouse Electric, Woolworth.

Only a few firms remain in this leading index today. It's very difficult to stay on top over long periods. With lots of power, overreach is a real threat. We can also see this in the tea business.
Banzhang puerh is a good example of the ups and downs of tea terroirs. In the case of puerh, the key factor of quality is the gushu, old tree quality. When this region was first discovered in the mid 2000s, the cha qi was so impressive that it quickly gained a reputation for being the 'king of puerh'. These trees had not been used often to make puerh in Yunnan. Most of the production came from the Yiwu area in the Xishuangbanna prefecture. This place had been famous for puerh since the end of the Qing dynasty (with an interruption due to WW2). The demand for gushu puerh grew so quickly after 2003 that tea businesses started to search for new places with healthy old trees.  
Banzhang emerged quickly as the most famous terroirs with its incredibly powerful Chaqi (a customer called the qi of my 2008 Banzhang "Incredible! Almost mystical! What a tea!") This fame pushed the prices of Banzhang puerh through the roof. This in turn attracted less ethical businesses who aim to satisfy the large demand of Banzhang puerh at non Banzhang prices with not Banzhang puerh. In turn, the village barricaded itself to prevent leaves from coming from other regions and being sold there as Banzhang tea. This aims to protect those who go there to purchase their tea locally. You record from which house number you sourced your tea.    
Unfortunately, it's not just greedy businessmen from outside that are a threat to Banzhang. The other threat comes from within. That threat is overexploitation of the trees. The higher the prices, the higher the incentive to harvest large amounts of leaves. People can resist a lot of things, but not temptation! If your village has been extremely poor for a long time - and Yunnan is still one of the poorest province in China-, then we can understand that ancient Banzhang puerh trees have been subjected to heavy harvestings in the last 20 years. So, even the official Banzhang gushu puerh has seen its quality decrease little by little. We can feel it in the lighter taste and in the thinner leaves from recent harvests. 
This story is quite common to new tea areas. Top quality is hard to maintain. Usually, there are ups and downs along the way. If you came for the easy ride, you'll soon be disappointed. Tea  requires discipline and humility. But it's a real pleasure to enjoy what many people consider the king of puerh picked at its peak
Perfect for the Christmas season!

Sunday, November 17, 2024

Les boissons dans 'La faute de l'abbé Mouret', Emile Zola

Ce cinquième livre de la saga des Rougon-Macquart se distingue des autres par la pauvreté de Serge, l'abbé Mouret, fils de Marthe, et de sa soeur Désirée. Si l'objet de cette saga est celui d'une famille qui fait fortune au XIXe siècle, le jeune abbé et sa soeur vivent très chichement aux Artaud, une petite bourgade provençale qui ne vit que d'agriculture sur une terre aride. La richesse de cet abbé est peut-être spirituelle, tandis que celle de sa soeur est de vivre heureuse. Pour son premier poste, l'abbé arrive avec tout l'enthousiasme de sa vocation. Mais Zola montre que cette dévotion excessive conduit à la folie, puis à une faute, presqu'un crime. Et pour grossir le trait de cet abbé tourmenté qui ne vit que par l'amour de Dieu, Zola nous montre sa soeur, éternelle enfant, bloquée dans son développement cognitif, qui ne est pleine de gaieté auprès de ses animaux de basse-cour. Le contraste ne saurait être plus grand!

Voyons quelles boissons nous trouvons dans ce livre qui se déroule aussi, en partie, au Paradou, un paradis de verdure. C'est là que Serge vivra son idylle avec Albine jusqu'à ce qu'il commette la 'faute' annoncée dans le titre du roman.

La boisson la plus mentionnée, 16 fois, est le vin, plus une fois la piquette. On la retrouve à la messe et chez les pauvres paysans des Artaud. Les 2 prochaines boissons contrastent fortement avec les alcools et cafés bus dans les autres romans: le lait, 9 mentions et l'eau avec 7 mentions. Ces 2 boissons de pureté, de virginité vont bien avec les 3 personnages principaux de ce roman: Serge, Désirée et Albine (dont l'éthymologie signifie 'blanc'). On trouve 2 fois 'café', une fois 'anisette' et une fois 'bière'. Mais on trouve aussi des mots inattendus et poétiques.


Livre 1, chapitre XVIII, page 104

"Oui, tout son mal venait de ce rire qu'il avait bu."

Livre 2, chapitre V, page 124

"Ce jardin, qu'il ignorait la veille, était une jouissance extraordinaire. Tout l'emplissait d'extase (...) Son corps entier entrait dans la possession de ce bout de nature, l'embrassait de ses membres ; ses lèvres le buvaient, ses narines le respiraient ; il l'emportait dans ses oreilles, il le cachait au fond de ses yeux. C'était à lui."

Livre 2, chapitre VI, page 131

"Ce sont eux (NDLR: tes cheveux) qui gardent ton parfum, qui me livrent ta beauté assoupie, toute entière entre mes doigts. Quand je les baise, quand j'enfonce ainsi mon visage, je bois la vie."

Livre 2, chapitre VII, page 137

"Des daturas trapus élargissaient leurs cornets violâtres, où des insectes, las de vivre, venaient boire le poison du suicide."

Livre 3, chapitre VIII, page 236

"Je goûtais tes baisers. Je me retenais pour ne pas rire. J'avais une haleine régulière que tu buvais." 

Livre 2, chapitre IX, page 146

"Des pruniers vénérables, tout chenus de mousse,grandissaient encore pour aller boire l'ardent soleil, sans qu'une seule de leurs feuilles pâlit."

Livre 3, Chapitre XIV, page 267

"Avoir bu le soleil de toute une saison, avoir vécu toujours en fleurs, s'être exalté en un parfum continu, puis s'en aller au premier tourment, avec l'espoir de repousser quelque part, n'était-ce pas une vie assez longue, une vie bien remplie, que gâterait un entêtement à vivre davantage?"

Commentaire: Ces boissons inhabituelles, le rire, le jardin, la vie, le poison, l'haleine et le soleil ont comme point commun la passion romantique. Ces mentions apparaissent principalement au livre 2, lors de l'idylle de Serge et d'Albine. Par ces images, Zola montre la confusion des sens des jeunes gens amoureux. Autre exemple à la page 177: "Tous ses sens la buvaient." Leur amour contient se nourrit de la vie de la nature (jardin, soleil), mais contient aussi la mort (poison). Chez Zola, l'amour passionné finit souvent mal. On se rappelle que dans la Fortune des Rougon, Silvère et Miette connurent une fin tragique. La tante Dide finit folle aussi.

Revenons à quelques mentions intéressantes du mot vin:

Livre 1, chapitre II, page 31
"Et, se signant avec le calice, portant de nouveau la patène sous son menton, il prit le précieux Sang, en trois fois, sans quitter des lèvres le bord de la coupe, consommant jusqu'à la dernière goutte le divin Sacrifice."

Commentaire: Le vin consacré par l'abbé s'est transformé en "précieux Sang" issu du "divin Sacrifice". Il est intéresant de noter que, comme pour la dégustation du thé chinois, le vin est bu en trois fois! Ce rituel catholique continue à la page suivante: 

"Désiré resta un instant debout, toute heureuse du petit monde qu'elle portait, regardant Vincent verser le vin de la purification, regardant son frère boire ce vin, pour que rine des saintes espèces ne restât dans sa bouche. Et elle était encore là, lorsqu'il revint tenant le calice à deux mains, afin de recevoir sur le pouce et sur l'index le vin et l'eau de l'ablution, qu'il but également."

Commentaire: Dans ce texte on voit la complémentarité du vin et de l'eau dans la religion. L'eau sert la purification, mais peut-être aussi de coupe-vin pour ne pas conduire les fidèles (et le prêtre) à l'ivresse. Cela me fait penser à la tradition des Grecs dans l'Iliade et l'Odysséek de mélanger le vin et l'eau. Ici, l'eau vient après, mais l'effet est le même.
Livre 1, chapitre VIII, page 54-55
"Ça ne va pas nous empêcher de boire un coup.
Il servit une bouteille et trois verres, sur une vieille table, qu'il sortit, à l'ombre. Les verres remplis jusqu'à bord, il voulut trinquer. Sa colère se fondait dans une gaieté goguenarde.
- Ça ne vous empoisonnera pas, monsieur le curé, dit-il. Un verre de bon vin n'est pas un péché... Par exemple, c'est bien la première fois que je trinque avec une soutane, soit dit sans vous offenser. Ce pauvre abbé Caffin, votre prédécesseur, refusait de discuter avec moi... Il avait peur."

Commentaire: L'opposition entre Serge l'abbé et Jeanbernat le philosophe n'est pas qu'une opposition des idées de la religion aux idées des Lumières. C'est un affrontement sur l'art de vivre, et notamment l'art de boire du vin. Le philosophe insiste sur la qualité gustative du vin, car son but est de jouir de la vie, et il n'hésite pas à remplir les verres à ras bord. Mais il reste raisonnable et parle de ne boire qu'un verre de bon vin.

Livre 1, chapitre XIV, page 87
"Et lui, se promenait dans ce jardin, à l'ombre, au soleil, sous l'enchantement des verdures ; lui, soupirait après l'eau de cette fontaine; lui, habitait le bel intérieur de Marie, s'y appuyant, s'y cachant, s'y perdant sans réserve, buvant le lait d'amour infini qui tombait goutte à goute de ce sein virginal."

Commentaire: Ce court passage provient d'une longue description des divagations mystiques de l'abbé Mouret. Zola montre avec la folie de l'abbé que l'abstinence sexuelle des prêtres les rend fous. D'abord, ils se tournent vers Marie pour du réconfort, mais sa beauté et ses attributs féminins ravivent la tension sexuelle. C'est pourquoi, à la fin du roman, l'abbé se tournera vers Jésus et s'identifiera à ses souffrances lors de la passion. 
Livre 3, chapitre V, page 215
"Tout le monde passa dans la chambre. L'usage voulait que le curé y bût le vin qu'on lui avait versé. C'était là ce qu'on appelait bénir la chambre." (des mariés)

Commentaire: Coutume pittoresque Provençale (ou Française?) La bénédiction de la chambre nuptiale par le curé consiste à y boire un verre de vin. Ici, le vin provient d'une dame-jeanne, c'est à dire d'une barrique de 50 litres de vin ouverte pour la célébration du mariage.

Conclusion: Dans ce roman, les boissons et leur symboliques jouent un rôle particulièrement important. Zola  critique l'église et de l'abstinence sexuelle des prêtres au travers d'un abbé un peu caricatural dans sa dévotion, surtout pour le lecteur de 2024. Par contre, l'innocence et la liberté des jeunes femmes, Albine et Désirée, symbolisées par l'eau et le lait, semble très contemporaine. 


Friday, November 01, 2024

A typhoon for Halloween

A powerful typhoon crept covered all Taiwan on the evening of Halloween. Usually, the New Taipei city municipality organizes a street event where kids and teenagers come in scary costumes. This was cancelled. Instead, we were besieged by relentless, gushing rain, Southern winds were hurling and hissing, battering the windows with intense pressure. Even with all windows closed, the wind still managed to enter the apartment and shake the doors. At the loudest, it felt like demons screaming again and again. 

Objects were flying in the air and the pressure against metal could be felt on every floor. The fences of both construction sites across from my building broke down under the relentless assaults of the record winds. Luckily, the island was on a typhoon holiday and (almost) everybody braced for impact at home. The electric grid seemed challenged, but didn't break down.  

The typhoon was so active that its center left the island at 8 PM, much faster than the previous, lazy typhoon. That one wasn't very strong, but since it crawled, it caused most of its damage through the heavy rain, while yesterday did most of its damage through its wind. 


This quick departure enabled a much quieter night than what we had expected. But it was a sinister calm and the air was still filled with a kind of fowl and humid breath. I didn't sleep well and woke up early. I need tea and started right away with a brew of this semi raw gushu puerh from 2005.


It's not just a tea with autumn smells. Most importantly, it's a sweet, energetic tea that fills your whole body from head to toe. And it grounds you gently. After a very windy and shaky experience, it felt right to be grounded, connected to the soil and time through the experience of all my senses.

When something extraordinary and uncontrollable happens, we cope by doing those little rituals that we control most. For me, it's tea. 

For this old lady, it's the burning of 'lucky money'! This rite is quite powerful, because it involves fire (kids, don't play with fire!) and the flames look like dancing spirits that are called, fed and then tamed until extinction. 
I do feel fine again and will teach a tea pairing class this Sunday on a very seasonal food: pumpkin! I hope you'll join me. In the meantime, you may also enjoy great teas from my selection during these hectic times.