Ce cinquième livre de la saga des Rougon-Macquart se distingue des autres par la pauvreté de Serge, l'abbé Mouret, fils de Marthe, et de sa soeur Désirée. Si l'objet de cette saga est celui d'une famille qui fait fortune au XIXe siècle, le jeune abbé et sa soeur vivent très chichement aux Artaud, une petite bourgade provençale qui ne vit que d'agriculture sur une terre aride. La richesse de cet abbé est peut-être spirituelle, tandis que celle de sa soeur est de vivre heureuse. Pour son premier poste, l'abbé arrive avec tout l'enthousiasme de sa vocation. Mais Zola montre que cette dévotion excessive conduit à la folie, puis à une faute, presqu'un crime. Et pour grossir le trait de cet abbé tourmenté qui ne vit que par l'amour de Dieu, Zola nous montre sa soeur, éternelle enfant, bloquée dans son développement cognitif, qui ne est pleine de gaieté auprès de ses animaux de basse-cour. Le contraste ne saurait être plus grand!
Voyons quelles boissons nous trouvons dans ce livre qui se déroule aussi, en partie, au Paradou, un paradis de verdure. C'est là que Serge vivra son idylle avec Albine jusqu'à ce qu'il commette la 'faute' annoncée dans le titre du roman.
La boisson la plus mentionnée, 16 fois, est le vin, plus une fois la piquette. On la retrouve à la messe et chez les pauvres paysans des Artaud. Les 2 prochaines boissons contrastent fortement avec les alcools et cafés bus dans les autres romans: le lait, 9 mentions et l'eau avec 7 mentions. Ces 2 boissons de pureté, de virginité vont bien avec les 3 personnages principaux de ce roman: Serge, Désirée et Albine (dont l'éthymologie signifie 'blanc'). On trouve 2 fois 'café', une fois 'anisette' et une fois 'bière'. Mais on trouve aussi des mots inattendus et poétiques.
Livre 1, chapitre XVIII, page 104
"Oui, tout son mal venait de ce rire qu'il avait bu."
Livre 2, chapitre V, page 124
"Ce jardin, qu'il ignorait la veille, était une jouissance extraordinaire. Tout l'emplissait d'extase (...) Son corps entier entrait dans la possession de ce bout de nature, l'embrassait de ses membres ; ses lèvres le buvaient, ses narines le respiraient ; il l'emportait dans ses oreilles, il le cachait au fond de ses yeux. C'était à lui."
Livre 2, chapitre VI, page 131
"Ce sont eux (NDLR: tes cheveux) qui gardent ton parfum, qui me livrent ta beauté assoupie, toute entière entre mes doigts. Quand je les baise, quand j'enfonce ainsi mon visage, je bois la vie."
Livre 2, chapitre VII, page 137
"Des daturas trapus élargissaient leurs cornets violâtres, où des insectes, las de vivre, venaient boire le poison du suicide."
Livre 3, chapitre VIII, page 236
"Je goûtais tes baisers. Je me retenais pour ne pas rire. J'avais une haleine régulière que tu buvais."
Livre 2, chapitre IX, page 146
"Des pruniers vénérables, tout chenus de mousse,grandissaient encore pour aller boire l'ardent soleil, sans qu'une seule de leurs feuilles pâlit."
Livre 3, Chapitre XIV, page 267
"Avoir bu le soleil de toute une saison, avoir vécu toujours en fleurs, s'être exalté en un parfum continu, puis s'en aller au premier tourment, avec l'espoir de repousser quelque part, n'était-ce pas une vie assez longue, une vie bien remplie, que gâterait un entêtement à vivre davantage?"
Commentaire: Ces boissons inhabituelles, le rire, le jardin, la vie, le poison, l'haleine et le soleil ont comme point commun la passion romantique. Ces mentions apparaissent principalement au livre 2, lors de l'idylle de Serge et d'Albine. Par ces images, Zola montre la confusion des sens des jeunes gens amoureux. Autre exemple à la page 177: "Tous ses sens la buvaient." Leur amour contient se nourrit de la vie de la nature (jardin, soleil), mais contient aussi la mort (poison). Chez Zola, l'amour passionné finit souvent mal. On se rappelle que dans la Fortune des Rougon, Silvère et Miette connurent une fin tragique. La tante Dide finit folle aussi.
Revenons à quelques mentions intéressantes du mot vin:
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