Thursday, April 27, 2006

Qu'est-ce qu'un bon thé?

J'y réponds parfois de manière paradoxale. Je soutiens parfois qu'il ne faut qu'écouter son propore goût et ne pas se laisser influencer par les maitres, vendeurs, amis... Après tout, les goûts ne se discutent pas, comme dit le dicton.

Mais je dis aussi que tel thé est mauvais et tel autre bon! Y aurait-il (aussi) des critères objectifs? Oui, bien sûr, sinon nous ne passerions pas tellement de temps à disserter sur le thé. Je vais essayer de classer les caractéristiques d'un thé telles qu'on peut les discuter le plus objectivement possible:

1. La qualité des feuilles
Visuellement, de bonnes feuilles de thé seront brillantes, de couleurs fortes. Au toucher, elles ont de la consistance, du poids. On les observera aussi une fois ouvertes pour mieux les voir.

2. Les odeurs du thé
Un bon thé aura une fragrance très pure et fine ou bien harmonieusement complexe. Plus il sentira des fruits, des fleurs, nobles, rares, plus il aura de la valeur. Ainsi, de nombreux oolongs bon marché sentent le soja, car on l'utilise comme engrais à Taiwan. Le lait de soja est une boisson peu chère. Quelle est la valeur d'avoir un thé qui sente ainsi? C'est pareil pour le vin. Le vin de table est celui qui rappelle le jus de raisin, alors que les grands grands crus évoqueront des odeurs de plus en plus raffinées et/ou complexes. Le Oolong de Dong Ding me rappelle la pêche (fruit cher à Taiwan) et ceux de haute montagne les fleurs de lys odorantes.

Le puerh est un thé un peu à part, car ses odeurs peuvent évoquer des endroits dans la nature plutôt que des plantes. Peut-on aussi hiérarchiser les odeurs du puerh? Je crois que c'est même encore plus nécessaire que pour les autres thés. Au bas de l'échelle, il y a les odeurs de moisi, de cave et celles de fumier et d'animaux telle la chèvre (amateurs de Munster, je sens poindre vos questions, j'y viendrai un peu plus loin.) Puis, viennent celles de foin, la terre, les feuilles, la forêt. On arrive ensuite au bois récent, au bois ancien, au bois précieux. Viennent enfin les odeurs de montagne, de camphre, de menthol, d'encens et du sacré! Bref, on est sorti de la cave, on a quitté la ferme, on a traversé les champs, les forêts pour nous retrouver au sommet d'une montagne, au plus prêt du divin.

3. La persistance
Chronologiquement, on sent d'abord un thé avant de le boire, mais le goût et la persistance d'un thé en bouche est peut-être plus importante que ses seules odeurs. La comparaison avec le vin nous rappelle que les meilleurs sont ceux qui n'en finissent pas d'en finir. Leur cha qi a un effet grisant ou relaxant sur tout notre corps. Dans le meilleur puerh que j'ai jamais bu, une coupe me procura 15 minutes de joie (comme si j'embrassais ma chérie pour la première la fois). L'expérience fut semblable pour cet autre puerh extraordinaire.

4. La concentration du breuvage
Toutes choses êtant égales par ailleurs, un thé très concentré qui permet de faire plus d'infusions qu'un autre sera meilleur, si ce n'est que pour des raisons de productivité.

5. La pureté et l'harmonie d'un thé
Un thé qui sent trop de choses en même temps a peu de chance d'être harmonieux. Sinon, il suffirait de faire des mélanges de différents thés pour obtenir de la complexité. Un bon thé a donc des odeurs, des goûts purs. Je garde quand même le pluriel à "odeurs" et "goûts", car un thé n'est pas monolithique. Il se transforme avec le temps. Chaque infusion sera un peu différente et ses odeurs sont en constante évolution comme la température du thé baisse, en rétrolfaction... Un bon thé sera pur sur l'instant, mais avec de nombreuses facettes sur ses multiples infusions.

Conclusion:
Il y a donc bien des critères objectifs pour analyser un thé. Le subjectif vient de nos préférences et de notre vécu personnel. Le puerh est un des thés au pouvoir évocatif le plus grand. Je pense que son engouement actuel en Chine est expliqué par ses odeurs traditionnelles. Au fur à mesure que les Chinois s'installent dans leurs grandes villes en bêton, coupés de leurs tradition, la nostalgie du passé les hante. Oublié la pauvreté, le puerh leur rappelle la Chine d'autrefois, leur jeunesse à la campagne, dans la ferme parmi les poules et les cochons. Pareillement, en Occident, ses odeurs campagnardes en font donc, paradoxalement, un thé pour citadin amoureux de la Chine (et de Munster ;)!)

1 comment:

Anonymous said...
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